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dimanche 4 février 2024

Relisons Poincaré

A l'heure où de petits marquis disent les sciences de la nature égales à n'importe quel autre savoir, je relis Henri Poincaré (une autre pointure !) et je trouve : 

Quelques personnes ont exagéré le rôle de la convention dans la science ; elles sont allées jusqu' à dire que la loi, que le fait scientifique lui-même étaient créés par le savant. 

C'est là aller beaucoup trop loin dans la voie du nominalisme. Non, les lois scientifiques ne sont pas des créations artificielles ; nous n' avons aucune raison de les regarder comme contingentes, bien qu' il nous soit impossible de démontrer qu'elles ne le sont pas.

 

Ce n'est qu'un extrait... mais bien pensé !

mardi 3 octobre 2023

La question des mots, en science

Prenons un moment pour discuter de la relation entre les mots et les sciences. 

Pendant longtemps, j'ai dit, en substance, que l'on ne pouvait faire de bonne science qu'avec de bons mots, et que la pensée et le bon maniement des mots allaient de pair. 

Je le crois encore, même si j'ai mis de l'eau dans mon vin, non pas que j'admette que les mots puissent être approximatifs, mais surtout parce que je reconnais aujourd'hui que la science peut se faire sans mots : le grand Henri Poincaré, qui semble avoir été un exemple d'honnêteté, n'a-t-il pas dit que sa plus grande difficulté était de mettre des mots sur les idées mathématiques qui se formaient en lui, et non pas d'avoir ces idées ? 

Et puis, surtout, je m'en veux d'avoir répété sans esprit critique l'introduction du Traité élémentaire de Lavoisier. Lavoisier disait que la science, c'était les phénomènes, et que, pour étudier des phénomènes, il fallait les penser, et donc mettre des mots. Lavoisier concluait qu'il n'y avait pas de progrès de la science sans progrès de la nomenclature, et vice versa. 

J'étais ébloui par Lavoisier, notamment parce que Lavoisier citait Condillac, pour lequel Lavoisier et ses contemporains avaient la plus grande admiration. 

Mais je n'ai pas de véritable excuse, et je m'en veux, aujourd'hui, d'avoir si longtemps propagé l'idée de Lavoisier. 

Certes, des géants tels que Michael Faraday ont également insisté sur l'importance des mots : pour ses découvertes, Faraday ne cessa d'introduire de nouveaux mots : cathode, anode, cation, anion, ion... Plus près de nous, le chimiste Jean-Marie Lehn fut à l'origine de plusieurs grandes avancées intellectuelles, notamment quand il proposa de nomme «  chimie supramoléculaire » cette chimie qui se fonde sur des liaisons plus faibles que la liaison chimique classique, covalente.

vendredi 6 avril 2018

Au premier ordre, Condillac

Enfin, je comprends que mes hésitations personnelles à propos de la "querelle de Lavoisier contre Poincaré" ne concerne qu'une partie réduite de mes amis ! Je me suis trompé de combat, et il faut promouvoir absolument l'usage d'une langue juste, et ne cesser de proposer ces trois liens :

http://atilf.atilf.fr/
http://www.cnrtl.fr/etymologie/aviser
http://www.projet-voltaire.fr/blog/


Mais je me vois bien incompréhensible, et j'explique, maintenant.
Naguère, émerveillé par les avancées intellectuelles d'Antoine Laurent de Lavoisier, j'avais partagé avec mes amis mon admiration pour ses idées exprimées dans un texte sur les oxydes, où il introduit le formalisme actuel de la chimie : c'est bien à lui que l'on doit les équations chimiques telles que "NaOH + HCl →NaCl + H2O".
Partant de ce texte, j'avais découvert le Traité élémentaire de chimie, que Lavoisier publié pour proposer un cadre cohérent à la chimie moderne qu'il avait fondée, en bannissant l'idée abracadabrante de "phlogistique" (en gros, une matière de masse négative) et en réformant la terminologie chimique, reléguant dans les oubliettes de l'histoire  des terminologies alchimiques qui manquaient de ce systématisme rationnel qui est la marque des sciences : fini les "sublimés corrosifs" ambigus, les "cristaux de Saturne", les "mercure précipité" ou "mercure sublimé", les écumes de Diane, les cornes de cerf... aussi variables qu'incertains.
Mais, surtout, Lavoisier était inspiré par l'abbé de Condillac, qui revendiquait une langue juste pour une pensée juste. Et c'est ainsi que, dans l'introduction de ce traité, il écrit :

"C’est en m’occupant de ce travail, que j’ai mieux senti que je ne l’avois, encore fait jusqu’alors, l’évidence des principes qui ont été posés par l’Abbé de Condillac dans sa logique, & dans quelques autres de ses ouvrages. Il y établit que nous ne pensons qu’avec le secours des mots ; que les langues sont de véritables méthodes analytiques ; que l’algèbre la plus simple, la plus exacte & la mieux adaptée à son objet de toutes les manières de s’énoncer, est à-la-fois une langue & une méthode [iij] analytique ; enfin que l’art de raisonner se réduit à une langue bien faite.  [...]  L'impossibilité d'isoler la nomenclature de la science, et la science de la nomenclature, tient à ce que toute science physique est nécessairement fondée sur trois choses : la série des faits qui constituent la science, les idées qui les rappellent, les mots qui les expriment (...) Comme ce sont les mots qui conservent les idées, et qui les transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner les langues sans perfectionner la science, ni la science sans le langage". 

Oui, il faut de bons mots pour de bonnes pensées, car les mots sont comme les outils de l'ébéniste : on ne fera pas du bon travail si l'on confond le marteau et le ciseau à bois ! D'ailleurs, c'est surtout sur le langage technique que l'on voit l'importance de la juste terminologie : si le marin confond la drisse avec l'écoute, le bateau chavire !
Et, évidemment, c'est avec cette idée que je ne cesse de consulter les dictionnaires, et notamment les bons dictionnaires sont j'ai donné les liens
Avec http://atilf.atilf.fr/, on comprend ce que signifient les mots ; la partie inférieure des entrée donne l'étymologie et l'histoire des termes, ce qui explique notamment pourquoi il n'y pas d'exacts synonymes en français.
Mais pour en savoir plus de ce point de vue, il faut consulter : http://www.cnrtl.fr/etymologie/aviser
Et comme nous devons nous présenter à nos amis sous nos plus beaux atours, il n'est pas inutile de consulter celui-ci, également  : http://www.projet-voltaire.fr/blog/

J'étais donc dans un sentiment très condilliacien, pendant longtemps, jusqu'à ce que tombe sur ce texte de Poincaré sur l'invention mathématique. Poincaré ? Henri, bien sûr ; le mathématicien. Par Raymond, le président du Conseil. Henri Poincaré fut un mathématicien extraordinaire, et il s'intéressa à l'épistomologie, et, aussi, à la production des connaissances mathématiques. Dans un de ses textes, il écrit que la difficulté, pour lui, n'était pas d'avoir des idées mathématiques nouvelles, mais de mettre des mots dessus pour pouvoir les partager avec sa communauté.
Oui, à l'opposé d'un Lavoisier, pour qui les idées scientifiques peuvent naître quasi mécaniquement, du maniement des mots, Poincaré voit dans le langage -qu'il veut d'ailleurs tout aussi précis- une fonction plus utilitaire.

Un jour, descendant faire mon cours de gastronomie moléculaire, je compris que Lavoisier était dans l'erreur... pour la production scientifique. Le maniement automatique des mots est "mortifère", et il faut de l'induction pour faire de la science neuve. Il faut "faire des sciences en artiste", aurait dit Poincaré (pour les mathématiques). Oui, il y a cette étape inductive, et non déductive, essentielle en production scientifique.
J'avais donc relégué Lavoisier dans un coin... Mais je me reprends : la fréquentation quotidienne de mes jeunes amis montre que la question essentielle n'est pas d'abord la production scientifique, mais son apprentissage. Et, pour apprendre, il faut les bons mots. Les idées de Poincaré viendront bien plus tard, et elles n'ont pas de place pour commencer.
Oui, les idées condillaciennes sont au premier ordre, et les variations de Poincaré n'arrivent qu'ensuite.


Il faut le dire avec force : 

ayons de bons mots pour bien penser  ! 









dimanche 3 juillet 2016

Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui nous dispensent de réfléchir.

Cette phrase est de Henri Poincaré, remarquable mathématicien français, venu de Nancy et qui eut un cousin qui devint président de la république. Mais un président de la république n'est rien : il y en a tous les cinq ans ; ils passent. Alors que le Poincaré mathématicien restera dans l'histoire de la pensée humaine pour toujours, tant il était extraordinaire, tant il fit progresser la connaissance, et les mathématiques en particulier. Un président de la république est un administrateur, remplaçable. Un mathématicien de génie comme Henri Poincaré est un individu irremplaçable, notamment parce que les mathématiques sont œuvres de création. Etre un des plus grands mathématiciens de tous les temps, cela est vraiment beaucoup.

D'ailleurs, Henri Poincaré ne se contentait pas d'être un extraordinaire mathématicien ; il était aussi...

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