samedi 9 décembre 2017

A propos de colorants

Je reçois cette question :


Je souhaite réaliser des macarons sans colorants industriels, mais avec des colorants naturels présents dans les jus de fruits tel betterave, orange, carotte… J’ai choisi les macarons car cette pâtisserie est très riche en colorants de synthèses.

Si vous détenez d’autres informations concernant la mise en place de colorants naturels ainsi que des études sur les colorants ?



Et voici ma réponse, que je fais en prenant d'abord du recul : il y a là l'opposition de l'artisanat et de l'industrie. Je ne veux pas laisser croire que je suis pour l'industrie, mais il est vrai qu'aucun d'entre nous ne fait son sucre à partir de la betterave sucrière, ni son huile, ni son lait, ni sa crème. La question est politiquement terrible !


La réponse : Pourquoi voulez vous vous fatiguer à extraire vous même les pigments et colorants… alors que les industriels le font pour vous ? C’est la même question qu’avec la gélatine : utilisez vous encore des pieds de veau pour vos bavarois ? Il y a d’autre part une vraie différence entre "colorants industriels" (je rappelle que nos amis canadiens nomment industriels les restaurateurs… parce que ces derniers ont une entreprise !) et colorants de synthèse.

Si l’on extrait des chlorophylles d’épinard, que ce soit dans une cuisine ou dans une usine, ce sont des chlorophylles extraites. Si l’on mettait en oeuvre un savoir chimique pour synthétiser les mêmes chlorophylles, ce seraient des chlorophylles industrielles.

Inutiles de vous dire que, pour la plupart des colorants un peu élaborés, ce sont des colorants extraits, et non de synthèse. D’autre part, la toxicologie des composés ne dépend pas de leur origine, extraite ou synthétique.

Connaissez vous le SYNPA, syndicat des producteurs de colorants et additifs ? Ils ont des informations en grand nombre. Vient aussi de paraître chez Lavoisier/Tec et Doc un livre Les additifs, 4e édition révisée.









Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
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Faire une gelée effervescente

Question :
Comment faire une gelée effervescente, de champagne, de schweppes, etc.?

Réponses :


Une gelée effervescente ? Rien de plus simple.

Voici une première méthode
1. Couler une demi gelée de champagne avec de la gélatine (4 à 10 % selon fermeté voulue)
2. couler une très mince couche de graisse (beurre de cacao, par exemple)
3. déposer un mélange composé de 2/3 acide tartrique et de 1/3 bicarbonate de sodium, bien mélangés
4. couler à nouveau la graisse
5. couler le reste de la gelée

Au moment de la dégustation, quand la poudre viendra au contact de la gelée, l'effervescence aura lieu.



Une deuxième méthode consiste à mettre une gelée dans une enceinte close avec du dioxyde de carbone sous pression. Il se dissoudrera dedans. 





Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
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Je reçois aujourd'hui des questions :

- Pourquoi le café filtre prend-t-il un goût sucré au bout de quelques heures? (sans que l'on n'y rajoute de sucre, bien évidemment). Je suppose qu'il y a une petite réaction chimique puisque si le café est mis au frigo, le goût sucré apparaît beaucoup plus lentement.


- Pourquoi le gâteau au fromage blanc gonfle-t-il démesurément sans que l'on n'y ajoute de levure? J'imagine que la fermentation joue un rôle...mais il ne semble pas avoir observé d'effet aussi spectaculaire avec le gâteau au yaourt par exemple. NB : J'ai l'habitude d'utiliser de la faisselle à 0%.




Avant de savoir pourquoi le café prend un gout sucré, il faudrait s'en assurer! Et je vois assez mal l'expérience nécessaire.Pour une telle vérification, la température de dégustation est essentielle, ainsi que l'état de rassasiement/satiété.
Une réaction chimique ? Je vois mal pourquoi ; et pourquoi pas seulement l'évaporation de composés qui rendraient le café amer?


A propos de gâteau au fromage blanc qui gonfle, là encore, il faut s'assurer des effets avant de chercher les causes, mais surtout, il vaut mieux comprendre ce dont on parle. Un gâteau au fromage blanc : Lequel ? Dans quelles circonstances (de cuisson je suppose)?

Ce qui est certain, c'est que c'est l'évaporation de l'eau qui fait "souffler", si l'on chauffe par le fond. Je profite de l'occasion pour rappeler que un petit gramme d'eau évaporée fait 1 litres de vapeur, et qu'un soufflé de 300 grammes environ perd quelque 10 grammes à la cuisson, soit 10 litres!
1. La question :
J'aimerai connaitre votre avis sur l'utilisation du four à micro onde dans la restauration commerciale. Au delà de l'économie d'énergie et de temps que cela peut représenter les avis sur le Net divergent lorsqu'il s'agit d'évoquer les conséquences sur la santé.
En tant que consommateur et parent je me pose la question et mon avis n'est pas arrété. Quels sont selon vous, les documents les plus scientifiquement aboutis sur le sujet ?
Pas de discussions partisanes, pas de préjugés....juste la volonté d'en savoir un peu plus.

Par avance merci de votre aide précieuse 
Bien cordialement





2. La réponse : 

Merci de votre message.
La question des avis qui divergent est passionnante et terrible. N'importe qui se mêle de la question, souvent sans rien savoir ni comprendre. Je me souviens d'un interlocuteur (auteur d'un blog!) qui évoquait, à propos des fours à micro-ondes, le danger des molécules qui auraient "tourné à l'envers", et, dans un autre champ, je me souviens d'un journaliste qui évoquait le danger des acides gras trans... géniques.

Pour ceux qui ne comprennent pas, il faut des explications :
Les molécules sont les constituants des aliments. Prenons l'eau : elle est faite de molécules d'eau. Les molécules sont analogues à des boules de billard qui seraient en mouvement incessant, se heurtant au hasard, se dirigeant dans toutes les directions, et tournant sur elles-mêmes dans n'importe quel sens. Autrement dit, peu importe qu'elles tournent ou pas sur elles-mêmes.
Ce que l'interlocuteur avait voulu dire, sans doute, c'est que les fours à micro-ondes transformeraient les molécules de type "main gauche", en des molécules de type "main droite", et c'est vrai que ce changement a des conséquences biologiques. Par exemple, une des formes du composé nommé menthol a une odeur de menthe, et l'autre pas.
Toutefois, les fours à micro-ondes ont fait l'objet de TRES nombreuses analyses, et il a été montré que leurs effets sont les mêmes que ceux d'un chauffage classique. Mieux encore, comme elles ne chauffent pas plus que la température d'ébullition de l'eau (on peut y arriver, cependant, si on est malin), elles font plutôt quelque chose de moins dangereux qu'un gill ou une poêle... Mais de toute façon, je refuse de m'engager sur ce terrain, parce que c'est celui de la mauvaise foi : nous acceptons avec bonheur de manger des viandes cuites au barbecue, où la quantité de benzopyrène est 2000 fois (oui, je l'écris en toutes lettre : deux mille!!!!) fois plus grande que dans les produits industriels fumés.
Une anecdote : dans notre Groupe de gastronomie moléculaire, nous avons accueilli une personne intelligente, charmante... et qui refusait de faire chauffer l'eau de son thé au four à micro-ondes. Pourquoi ? Dans un tel cas, aucune possibilité de faire des "molécules main droite" à partir de molécules main gauche ou vice versa. Mystère de l'esprit humain...

Pour les acides gras prétendument transgéniques, la confusion se trouvait entre les acide gras trans, et la transgenèse.
Les acides gras sont des molécules faites d'atomes de carbone enchaînés, liés tous à des atomes d'hydrogène, à l'exception d'un atome de carbone à une extrémité de la chaîne, qui, lui, est lié à un atome d'oxygène, et à un atome d'oxygène lié ensuite à un atome d'hydrogène.
Dans les acides gras "saturés", les atomes de carbone sont tous liés par des liaisons chimiques dites simples, mais il existe des acides gras où des atomes de carbone voisins sont liés à moins d'atome d'hydrogène, mais liés "doublement" entre eux ; on dit que l'acide gras est insaturé.
Dans ce cas, les atomes d'hydrogène liés aux deux atomes liés par une double liaison peuvent être d'un même côté (c'est un acide gras insaturé "cis") ou de côtés opposés (c'est un acide gras "trans"). Et il est exact que certains procédés de transformation des huiles (pas chères : on part du tournesol, par exemple) en matières grasses solides (comme le beurre : coûteux) forment des acides gras trans. Et il est vrai que certains acides gras trans sont à éviter... mais pas tous : certains sont essentiels pour notre santé.
Rien à voir avec la transgenèse, qui est une sorte de sélection végétale ou animale accélérée par des travaux sur le génome (l'"ADN") des organismes, afin de modifier le fonctionnement des organismes.

Pour en revenir à la question, ma conclusion est que nous manquons cruellement :
- de formation des citoyens à la chimie, à la physique et à la biologie
- d'un centre d'information sur la sécurité des aliments... mais je vous renvoie à une partie du site de la Fondation "Science & Culture Alimentaire"
- de confiance des citoyens dans l'Etat, malgré des efforts (humains, financiers...) considérables.






Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Les métiers de la gastronomie moléculaire

Voici la question du jour :

j'aime beaucoup cuisiner et innover dans la création de mes plats.
J'entame un bilan de compétences dans le but de changer de métier. Je ne sais pas exactement vers quel métier me tourner mais je souhaiterais pouvoir allier ce que je sais faire (de la chimie) et ce que j'aime (cuisiner).
La gastronomie moléculaire me paraît être un excellent compromis et après plusieurs ateliers effectués, je puis vous affirmer que cela m'intéresse énormément.
Cependant, je cherche à recueillir un maximum d'informations sur les métiers de la gastronomie moléculaire. Et en tant que créateur de la gastronomie moléculaire, auriez-vous la gentillesse de répondre à quelques unes de mes interrogations?
Tout d'abord, pouvez-vous me dire ce qui vous y a conduit et comment?
Quels sont les métiers et activités autour de la cuisine moléculaire?
Quelles sont les principales qualités et compétences utiles pour les exercer?


Et voici la réponse :

Merci pour votre message. La gastronomie moléculaire, c'est de la science. Autrement dit, le métier est celui de chercheur scientifique, et il s'exerce au CNRS, à l'INRA, etc.
A ne pas confondre avec la "cuisine moléculaire", qui est de la cuisine, et qui s'exerce... dans une cuisine.
Entre les deux, il y a la technologie culinaire : une de mes anciennes étudiantes a ainsi créé une société de transfert technologique.

Les compétences pour la GM : celles pour la recherche scientifique
Les compétences pour la cuisine : capacités techniques pour de la cuisine artisanale, capacités artistiques pour la cuisine artistique.
Les compétences pour la technologie culinaire : celles de l'ingénieur.

Pour les réponses à vos questions, je crois que j'ai tout mis sur mon site (adresse ci dessous).

N'hésitez pas à me demander des compléments d'information

Vive la chimie et ses applications !





Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

vendredi 8 décembre 2017

Ils ne savent pas ce qu'ils disent !

Sur une radio, entendu un cuisinier qui tenait un discours par ailleurs intelligent et sensible... mais disait toutefois que la science était froide, triste et insipide (je ne me souviens pas des mots exacts).

Ce n'est pas vrai, c'est du cliché, du fantasme, de l'ignorance ! Je crois au contraire que la science peut être chaude, gaie, joviale, sensuelle ! N'oublions pas que, à la base, il y a l'expérience, la merveilleuse expérience... et que même quand on la quitte pour la partie de calcul, il y a les équations, les merveilleuses équations !

D'ailleurs, le grand mathématicien Henri Poincaré disait : "Il faut faire des mathématiques en artiste".

Autrement dit, n'oublions pas de penser que la science n'est que ce que l'on en fait, comme la célèbre auberge espagnole : à nous d'y mettre de la chair, de la sensualité, de la chaleur. Ne soyons pas des oies que l'on gave. Emparons-nous du monde, afin de ne jamais supporter que la science puisse être "froide, triste, insipide"!

Vive les sciences de la nature ! 











Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
Je reçois des fiches d'évaluation d'étudiants en stage dans notre groupe. On me demande de noter la ponctualité, présentation, tenue, connaissances...

Faut-il répondre?

De mon côté, j'ai répondu la chose suivante, que j'appelle tous mes collègues à commenter :



________________________________________________

Cher Collègue

je me souviens avec fureur de mes cours de gymnastique, où le professeur mettait les élèves en rang, donnait le signal du départ, et notait 20 le premier, 19 le deuxième, et ainsi de suite jusqu'au dernier, qui avait 0.

Cet enseignant était minable pour de nombreuses raisons, mais notamment parce que c'est l'apprentissage qui doit être évalué, d'une part, et, d'autre part, c'est l'usage fait des informations données par le professeur qui doit être évalué. En gros, le professeur aurait dû enseigner comment courir, et noter l'évolution des élèves au cours de l'année.

J'ai retrouvé cette façon d'évaluer détestable quand j'étais élève d'une grande école, où l'on était noté sur le rendement des synthèses organiques, et, récemment, j'ai proposé un changement des notations des séances de TP.


Tout cela pour vous expliquer que les fiches d'évaluation que vous me proposez de remplir ne me vont pas.

1. présentation : tous les goûts vestimentaires étant dans la nature, ce n'est pas à moi de décider si la "présentation" est "bonne" ou "excellente", d'autant que, dans un laboratoire, il faut avoir une blouse ; de surcroît, je préfère une bonne "tenue intellectuelle" à une tenue vestimentaire

2. ponctualité, assiduité : je me suis donné comme objectif de passionner les étudiants qui viennent travailler dans l'équipe, et j'ai construit le modus vivendi de façon que chacun ait très envie de venir ; autrement dit, un étudiant qui ne serai pas ponctuel ou assidu me renverrait à mes insuffisances. Autrement dit, c'est moi que je noterais, dans cette case!

3. aptitude au travail d'équipe : notre travail, au laboratoire, est d'équipe... mais individuel ; je veux mettre chacun en face de ses responsabilités, de son travail, de ses résultats. Autrement dit, une case impossible à noter.

4. dynamisme : travaillons activement... dans le calme.

5. clarté d'expression : supposons qu'on restreigne la question aux sciences, puisque c'est ce qui nous réunit au laboratoire, mon propos, c'est que les étudiants apprennent ; un mois, c'est peu, et nous aurons le temps de poursuivre au cours de la deuxième période

6. sociabilité : notre structure réunit l'équipe sans cesse... et toute personne asociale serait virée

7. conscience professionnelle : idem 6!

8. efficacité dans le travail : non, il faudrait noter la progression de l'efficacité dans le travail

9. faculté d'adaptation : je ne vois pas bien, mais là encore, c'est la progression qui m'intéresse, et, là encore, je risque de me noter moi-même. Or vous comprendrez que, sous peine de ne pas être modeste, je ne peux pas me noter correctement!

10. ouverture d'esprit : idem

11. esprit d'initiative : ici, tout est discuté avant de faire, de sorte que c'est le groupe et son organisation qui seraient évalués

12. méthode, organisation : le but de ce groupe, c'est que les étudiants apprennent que, avant toute action, il y a une méthode à trouver.

13. connaissances techniques : techniques? alors que nous faisons de la recherche scientifique? ne voulez vous pas plutôt dire "connaissances scientifiques"?




Bref, je suis bien embarrassé. J'ai demandé à chaque étudiant de se noter lui-même, et j'ai demandé aux étudiants plus âgés qui les encadraient directement de confronter leurs idées... mais là encore, c'est très idiosyncratiques.

Ce que je peux dire :
Les étudiants sont arrivés avec des défauts et des qualités.
Ils ont été des membres actifs de l'équipe, et j'espère surtout qu'ils ont beaucoup appris.
Ils ont été mis le plus possible en situation d'autonomie, et ils ont appris des tas de choses, j'espère, du technique, du scientifique, du méthodologique, de la culture, du "mode de vie"...
J'espère surtout qu'ils ont appris que la méthode est essentielle dans le travail.

Croyez bien que je suis désolé de si mal vous répondre... mais je crois en réalité que vos fiches ne sont pas adaptées, comme indiqué plus haut.
_________________________________________________________________________


Voilà. Je suis bien conscient que cette réponse ne doit pas faire l'affaire de mes interlocuteurs... mais leur fiche, qui me faisait juge et partie, ne faisait pas mon affaire.

A noter qu'un collègue me signale qu'il existe des différences de capacités entre les étudiants. A quoi je réponds que l'institution qui les envoie doit savoir déjà cela, et que ce n'est peut-être pas le rôle qui m'a été confié, que de répondre à cette question.

A moins que je me trompe gravement sur toute la ligne?

Help : sortez moi de mon erreur!







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)