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jeudi 4 juillet 2019

Plus, à propos de travaux pratiques

On fait difficilement bien du premier coup, et il faut organiser les apprentissages
Dans un autre billet, je discute les séances de travaux pratiques et de la nécessité d'acquérir des automatismes par la répétition des gestes. Je signale notamment qu'il est bien difficile d'apprendre le piano en mettant à la fois la main gauche, la main droite, la lecture des notes, des intonations, et les pédales. En conséquence, je revendique que les séances de travaux pratiques mettent en place des compétences les unes la suite des autres, et non pas toutes ensemble  :  la conception de l'expérience, les gestes,  l'analyse des résultats, etc.
Je comprends la volonté d'une grande efficacité voulu par le système d'instruction, qui considère souvent que ces séances pratiques  coûtent cher, mais  je rétorque que, si l'on s'y prend mal, on risque de ne rien faire bien du tout.

Ici, c'est une autre idée que je veux discuter à savoir que l'on ne peut pas demander aux étudiants de faire bien du premier coup, puisqu'ils sont là précisément pour apprendre. S'impose alors absolument une séquence qui tient dans  :
- préparation,
- mise en œuvre,
- analyse du résultat,
- nouvelle mise en œuvre améliorée... avec peut-être une autre répétition.

Tout d'abord, il y a la préparation, parce que il est bien impossible de faire ce qu'on ne sait pas qu'on veut faire. Pour la mise en œuvre, il s'agit maintenant de faire les gestes qu'on a planifiés et de mieux voir les difficultés éventuelles de la séquence pratique complète. Vient alors l'analyse de ce que l'on a fait, puisqu'il ne s'agit pas de faire, mais d'améliorer, et qu'on ne saurait en conséquence savoir quoi améliorer si on a pas analysé ce que l'on peut améliorer. Et enfin, seconde mise en œuvre parce que s'il en a bien identifié ce qu'il faut améliorer, alors il faut le faire pour savoir le faire.
J'ai écrit d'ailleurs "seconde", mais on aurait pu dire deuxième, en imaginant une autre répétition, et encore une autre, etc. jusqu'à ce que le travail soit très bien fait.

J'observe pour terminer que cette analyse vaut pour toutes les séances de travaux pratiques, de la séance de course à pied de l'école primaire jusqu'à la synthèse d'un composé organique dans un laboratoire de chimie.
D'ailleurs, pourquoi s'arrêter à l'instruction alors que notre pratique professionnelle gagne à connaître le même cycle ? Par exemple, quand on fait une première expérience, au cours d'un travail scientifique, on obtient un premier résultat. Puis une répétition conduit soit au même résultat, ce qui semble montrer que notre méthodologie est bonne, soit un résultat différent, qui révèle une faille méthodologique. Une deuxième répétition, c'est-à-dire une troisième expérience, permettra de trancher. D'ailleurs, les répétitions des expériences n'ont pas que cet avantage de nous donner de l'assurance sur le résultat obtenu. Elles permettent également de mieux faire des gestes expérimentaux, parce que nous imaginons à l'avance ce que nous allons obtenir.



mercredi 3 juillet 2019

Les "travaux pratiques"


La question des travaux pratiques est bien difficile, car l'apprentissage des pratiques expérimentales crée des risques, coûte cher, prend du temps...

Pourtant, de telles séquences sont indispensables ! Au tennis, par exemple, si l'on nous dit qu'il faut taper dans la balle en avançant, il y a une terrible différence entre l'idée du geste et le geste lui-même. S'impose un entraînement pratique, avec la répétition du geste que l'on veut apprendre jusqu'à ce qu'il soit en place. Impossible d'apprendre cela en restant dans un fauteuil, dans un amphithéâtre.
En musique, aussi, cette idée prévaut : quand on joue du piano, il y a lieu de bien "mettre en place" la main gauche, la main droite, la lecture, le rythme,  les intonations, etc., et c'est la raison pour laquelle de longues séances pratiques sont indispensables.

Pour la pratique scientifique ?

Là encore, il y a tant de choses à maîtriser simultanément que des séances d'entraînement s'imposent inévitablement. Je sais d'expérience que ceux qui apprennent ont besoin de temps et d'exercices pour ne pas oublier à ne pas mettre les produits et appareillage sur la rangée de carreaux la plus au bord des paillasses, pour ne pas poser le bouchon des récipients vers le bas (ce qui pourrait les souiller, et souiller par conséquence les produits qui sont dans les bouteilles que l'on refermera avec ces bouchons), pour pipeter correctement,  pour prévoir la concentration des solutions, pour tirer du verre et réaliser des tubes capillaires réguliers, pour faire des coudes de diamètre régulier, à partir de verre qui soit ni trop chaud ni trop froid (ce qui se voit à la couleur de la flamme)...

Tout cela, tout cet apprentissage demande beaucoup de temps.  Je me demande si nos façons de faire, dans les systèmes d'études supérieures, qui consistent à tout grouper dans les mêmes séances sont bien efficaces (c'est évidemment une litote !).
Pour le piano, par exemple, je sais d'expérience que je n'ai jamais réussi à mettre en même temps les deux mains et les pédales. J'ai besoin de faire un même geste élémentaire plusieurs fois afin de le bien comprendre et de le bien exécuter,  et, rétrospectivement, je vois mal comment j'aurais fait sans tout le travail de laboratoire que je faisais à la maison depuis l'âge de six ans,  week-end après week-end,  vacances après vacances.
Jadis, nous avions créé le Défi expérimental : il s'agissait précisément de bien bouger les mains en même temps que de bien penser. C'était merveilleux de voir les élèves ou des étudiants faire aussi bien,  et,  d'ailleurs, je me souviens que les gagnants s'étaient beaucoup entraînés chez eux comme je l'avais fait moi-même : ils savaient bouger  la tête et les mains... et ils gagnaient le concours. Faut-il s'étonner qu'on les ait retrouvés à l'Ecole normale supérieure, peu après ?

Combien de temps faut-il donner à ces apprentissages ? La question est difficile, et elle mérite d'être fondée sur l'analyse des objectifs... des jeunes collègues (l'expression signifie "étudiants").
Il y a ceux pour qui ces connaissances pratiques relèvent de la culture générale, et il suffit donc de leur faire découvrir  sans qu'il soit question de leur en donner la maîtrise.
Inversement il y a ceux qui en feront leur métier et, alors, s'imposent absolument de longues séances et des répétitions, de sorte que les programmes de cadrage de ces pratiques devront explicitement envisager ces répétitions.
Il y a ceux qui devront diriger ceux qu'ils feront les gestes pratiques, et, là, il s'agit de leur montrer la subtilité de ces gestes, la compétence nécessaire pour bien les faire, mais il faudra aussi resituer ces gestes dans un contexte plus large, multidimensionnel, qui envisage des questions de sécurité, de qualité, de traçabilité...

Tout cela étant dit, je vois que j'ai parlé de tête et de mains. Il y a assez longtemps, j'ai discuté dans des billets de blog cette question de la relation entre la tête et les mains, notamment en cuisine, mais pas seulement, car je me souviens bien que Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique et physicien théoricien, évoquait assez souvent ce mot allemand de Fingerspitzengefühl, sentiment du bout des doigts. Ayant largement discuté la question de savoir si la tête guide la main ou inversement, j'étais arrivé à la conclusion que les deux vont ensemble :  il y a à la fois le raisonnement et la sensation, indissociable. Sans la tête, les mains font n'importe quoi, mais sans les mains, la tête ne pense pas bien. La "mémoire du futur" s'impose pour des expérimentations, pour des travaux scientifiques. Bref, dans tous les cas, une bonne dose de travaux pratiques s'impose... même si cela prend du temps et coûte cher : soit nous décidons de mal organiser les "enseignements", soit nous les faisons bien, et nous devrons alors inévitablement programmer des séances de travaux pratiques !

samedi 26 août 2017

Les questions à propos des expérimentations.









Cela fait bien longtemps que je m'interroge sur les règles à donner à nos étudiants à propos d'expérimentation. Par exemple, il est signalé que la blouse de laboratoire ne doit pas quitter le laboratoire et ne pas venir dans le bureau où elle contaminerait ce denier. Mais le cahier de laboratoire ? Celui là fait effectivement la navette, parce qu'il faut l'avoir sous la main pendant la manip, mais ensuite il faut exploiter les résultats, dans un bureau. Le cahier étant souillé, il contamine le bureau.


Quiconque c'est posé cette question a conclu que le cahier de laboratoire ne doit pas être sur la paillasse mais ailleurs : sur un meuble que l'on garde propre, sur une chaise… Cette fois, il y a un léger mieux… mais quand nous consignons les résultats, souvent nous avons des gants aux mains, lesquels sont souillés, et nous utilisons un stylo, qui va se contaminer par le contact avec les gants. On pourrait imaginer que le stylo reste au laboratoire mais on n'empêchera pas que le stylo contamine le cahier, qui contamine le bureau.



Résultat de recherche d'images pour "cahier de laboratoire inra"


On sait que le risque zéro n'existe pas, et cette chaîne de petites observations à propos du cahier de laboratoire sert surtout à montrer surtout qu'il y a lieu d'être vigilant. Quel fluide tombe sur la paillasse ? Quels gestes faisons-nous ? Pourquoi les faisons nous ?


C'est par l'examen de ces mille questions que nous faisons un travail passionnant et difficile. Par exemple, faire un bon dosage, ce n'est pas seulement être patient et travailler posément ; c'est en réalité un travail qui demande de la dextérité, de l'habileté, de la patience, de la réflexion… Il faut une « intelligence expérimentale » considérable, sous peine de faire à peu près n’importe quoi… et c'est la raison pour laquelle nous devons proposer aux étudiants des séances de travaux pratiques nombreuses, et bien pensées. J'ai plaisir à signaler que l'Ecole supérieure de physique et de chimie de Paris (l'ESPCI Paris) organise ainsi les études : pendant quatre ans, des études théoriques tous les matins, et des études expérimentales tous les après midi.