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dimanche 17 décembre 2023

J'ai (re)lu pour vous : Pierre Auger


 Dans les Dialogues avec moi-même (Albin Michel, Paris, 1987), le physicien Pierre Auger écrit : 

"En réalité, l'homme a transformé les milieux naturels en milieux artificiels depuis l'époque néolithique, celle où il a inventé l'élevage et l'agriculture, puis les villages et les villes. Et l'on ne peut pas incriminer la science au sujet de ces transformations qui l'on conduit à vivre une grande partie de son existence au sein de milieux artificiels. L'homme s'est si bien adapté à ces milieux artificiels qu'ils lui sont depuis apparus en quelque sorte comme naturels. Plus : les habitants des villes qui aiment à passer quelques jours à la campagne emportent avec eux bien des éléments de leur vie urbaine et finissent par les considérer comme naturels ! En tout cas, ils ne font guère de différence entre la nature "vierge" et celle qui est organisée par les hommes. En faisant un tour à bicyclette -pour ne pas parler de l'automobile !-, ils ne sont plus conscients de ce que la construction de leur vélocipède a exigé de connaissances réellement scientifiques, en mécanique, en chimie, en électricité, etc. C'est tant mieux, sans doute, car de telles réflexions ne pourraient que gâcher le plaisir de la promenade "dans la nature". Tout cela est peut-être plus frappant encore dans la vie urbaine. Ainsi finit-on par trouver tout à fait "naturel" d'obtenir de l'eau fraîche en tournant un robinet, et de la lumière en appuyant sur un bouton. Les enfants élevés dans un milieu profondément artificiel s'y trouvent aussi à l'aise que les primitifs au sein de la forêt ou de la savane. Ce n'est que beaucoup plus tard, et pour une proportion assez réduite de la population des pays "développés", que les hommes prennent conscience de la qualité artificielle de leur milieu, comme des efforts de pensée et de travail qui ont été nécessaires pour les réaliser de façon satisfaisante. Je me souviens d'avoir rencontré au cours de promenades dans la nature, c'est-à-dire dans des champs et prairies créés par l'homme, un paysan qui travaillait en musique, grâce à une petite radio de poche. Je lui ai demandé s'il savait comment il obtenait cette musique dans les champs ; il parut très surpris de ma question : "Mais c'est une radio, me dit-il, et ça marche sur piles en tournant le bouton pour l'écouter." C'était comme si j'avais demandé comment le cerisier fait pour avoir des cerises : il lui faut de l'eau, comme il faut mettre une pile dans la radio. La vie moderne devient une second nature." 

Oui, décidément : méfions-nous du mot "nature" !

jeudi 5 octobre 2023

Mousse au chocolat

 
Le séminaire de gastronomie moléculaire du mois de septembre 2013 était consacré à la mousse chocolat, et, plus précisément, à l'opération de « sacrification ». 

De quoi s'agit-il ? On commence par fondre du chocolat avec du beurre, et, à part, on fouette des jaunes d'oeufs avec du sucre jusqu'à faire le « ruban ». On prépare alors des blancs d'oeufs en neige, également avec du sucre. Puis on met le ruban dans le chocolat et l'on ajoute enfin les blancs d'oeufs battus en neige. La sacrification concerne l'ajout des blancs d'oeufs battus en neige, que l'on ne fait pas en une seule fois mais en plusieurs : on ajoute d'abord une petite quantité de blanc en neige et l'on mélange -dit-on- assez énergiquement avant d'ajouter le reste des blancs, que l'on mêle à la première masse avec beaucoup plus de délicatesse que dans le premier cas. 

Voilà pour la théorie, mais, vu les opérations que nous avons effectuées au séminaire, je trouve que les apprenants en cuisine ont bien du mérite, car l'imprécision de la description des opérations par les enseignants est considérable ! 

D'abord, à propos de l'objectif : une mousse au chocolat professionnelle n'a absolument rien à voir avec une mousse au chocolat domestique, à savoir que, malgré les indications données dans les recettes à propos de l'opération de mélange du blanc d'oeuf en neige (il est dit qu'il ne faut pas viser un mélange homogène), les professionnels visent en réalité un mélange tout à fait parfait, où le blanc en neige ne s'aperçoit plus ; il est imposé d'obtenir une la préparation parfaitement lisse, que la moindre granularité apparente suffit à disqualifier. 

La confection de la mousse au chocolat est peut-être la recette à propos de laquelle j'ai vu le mieux l'importance du tour de main, des gestes professionnels. Par exemple quand on fait fondre le chocolat : une casserole d'eau et un cul-de-poule par-dessus, ce qui permet d'avoir ce dernier légèrement chauffé, afin que le chocolat fonde assez lentement. L'ajout de beurre ne pose pas de véritable problème, mais la confection du ruban est un geste bien particulier, tout comme le battage des blancs en neige. 

 

Bref la confection d'une mousse chocolat ne ressemble en rien à ce qui est dit et écrit, et il y a là un vrai geste professionnel, distinct de la pratique domestique. A explorer en vue de faire grandir le métier, donc.

mercredi 2 août 2023

"Recherche culinaire"...


Aujourd'hui,  un correspondant me signale vouloir faire de la "recherche culinaire". 

 

Très bien, mais de quoi s'agit-il ? 

 

J'ai proposé d'analyser les faits culinaires en distinguant trois composantes : une composante technique, une composante artistique, une composante sociale. 

De ce fait, la recherche culinaire peut être une recherche technique : par exemple, chercher les conditions de meilleur gonflement d'un soufflé ; explorer des conditions de rôtissage d'une volaille en vue d'obtenir une couleur jugée désirable... A ce stade, une première question s'impose : qui paiera cette recherche ? Dans la pratique, les cuisiniers professionnels me signalent manquer de temps au point de ne pas pouvoir explorer les techniques... d'où l'intérêt du séminaire de gastronomie moléculaire, payé par l'Etat, donc les contribuables, qui fait ces études pour eux, et, mieux, qui montre la rigueur nécessaire en vue d'obtenir des résultats fiables... mais on pourrait imaginer une société de conseil qui vende de telles études, l'Etat ayant fait sa mission en créant le mouvement. 

D'autre part, une recherche culinaire peut être artistique : là, n'est-ce pas le travail de tous les cuisiniers, au quotidien ? N'est-ce pas leur compétence, de faire "bon" ? Peut-on imaginer un "conseil en art culinaire" ? Pourquoi pas... Et faut-il habiller cette activité sous le nom de recherche culinaire ? C'est précis, mais peut-être  un peu pléonastique ; à réfléchir... 

Enfin il y a la composante du lien social, car il faut répéter qu'un plat n'est bon que s'il est communiqué dans des conditions humaines, sociales, bien précises. Là  aussi, il y a une recherche culinaire à  faire. Une recherche passionnante... et que tous les cuisiniers font empiriquement. Mais, évidement on peut aussi imaginer de la consultance. 

 

Derrière tout cela, on a vu que j'ai éludé la discussion du mot "recherche", qui est terrible parce que connoté, et souvent vaguement confondu avec la "recherche scientifique" ; j'ajoute d'ailleurs que le mot "science," dont je fais ici un adjectif, est également ambigu, en ce qu'il confond les sciences de la nature, et les sciences humaines et sociales... ou les autres savoirs. Il y a une recherche en science de la nature, à  propos de la cuisine, et elle se nomme "gastronomie moléculaire". 

Là , l'objectif est de chercher les mécanismes des phénomènes, et non pas de cuisiner, de sorte que mon interlocuteur serait bien déçu de faire cette activité qui l'éloignerait des  casseroles, dont son fantasme personnel veut le rapprocher. 

Entre la science de la nature et la technique, il y a la technologie, le travail de l'ingénieur, et il est bon de rappeler que la technologie n'est pas la technique, et que, de ce fait, mon interlocuteur ne cuisinera pas, au sens de donner à  manger aux autres, puisqu'il devra chercher des améliorations soit techniques, soit artistiques, soit sociales. 

En écrivant cela, je vois notamment la question de la technologie artistique, qui est très intéressante ; je vois aussi que la technologie passe probablement par la production d'aliments, puisqu'il est vrai qu'il faudra comparer des aliments améliorés à  des aliments de référence. Bref, il y a du travail à faire, et du travail passionnant. 

Toutefois la question que je pose, après avoir essayé de faire un peu d'ordre dans toute cette affaire est la suivante  :  de quoi me parle-t-on,  et qui le paiera ?

mardi 27 juin 2023

Vive la technique, vive la technologie, vive les sciences

Relisant une biographie de Justus von Liebig, je vois que celui-ci critiqua vigoureusement le gouvernement autrichien, en 1840, pour sa « mauvaise organisation universitaire » ; il s'agissait notamment de préparer le lancement de son livre sur l'Agricultural Chemistry (la chimie de l'agriculture), lequel montrait que la chimie était au cœur de l'agriculture, de l'agronomie, de la physiologie végétale. 

Le livre montrait l'importance de l'enseignement de la chimie, mais il avait peut être aussi des raisons plus personnelles, à savoir que Liebig voulait se venger d'un gouvernement qui, pensait-il, voulait éviter que les étudiants n'aillent apprendre à Giessen, avec lui.
Avec sa manière coutumière, Liebig noircissait le tableau de tous les points de vue, disant qu'il n'y avait pas de laboratoire de chimie en Autriche, et qu'on y mettait trop d'emphase sur les études littéraires et philosophiques, notamment cette « fausse déesse », cette « mort noire » qu'était la Naturphilosophie

 

Voilà un exemple très intéressant pour notre discussion du mot « chimie », et ce n'est pas le seul, dans l'histoire de Liebig. Plus tard, Liebig participera à une autre controverse, avec les Anglais cette fois, à propos de Bacon, dont il critiquait les spéculations, l'absence de travail expérimental.
On ne manquera, bien sûr, de lui opposer Isaac Newton, qui publia une œuvre bien plus grande que celle de Liebig, intitulée « philosophie de la nature ». Dans toute cette affaire, il y a la question de la science, d'une part, et de la technologie+technique d'autre part. 

 

Liebig proposait une étude technique et technologique. A bien regarder son œuvre, il y a sans cesse des questions techniques, notamment d'analyse chimique, et la multiplicité des travaux exploratoires, en vue d'identifier des composés nouveaux, ne lui a pas permis de découvrir le brome, par exemple, ni d'autres concepts importants. A passer son temps à faire de la technique, on ne fait pas de science. 

 

Il est amusant de voir que nous sommes aujourd'hui dans cette même dialectique, avec des « stratèges » qui poussent sans cesse pour plus de technologie. On se lamente sur le médiocre état de la France, en termes d' « entrepenariat », on réclame plus de technologie, moins de science. 

J'y pense : si, au lieu de dire qu'il y a trop de science, on disait surtout qu'il manque cette relation entre la science et la technique ? Si les élève ingénieurs étaient dirigés vers la technologie, au lieu d'être aspirés vers la science ? Il s'agit moins, ne croyez vous pas, de faire faire de la technologie à des scientifiques, que de bâtir durablement une nation plus « équilibrée », où les jeunes auraient le goût des « grands ouvrages » : ponts, fusées, ordinateurs... 

A cette fin, les mathématiques doivent être remplacées par le calcul (utilitaire, de quasi même nature dans le contenu), et, surtout, on doit cesser de faire croire que la technologie est une sous science ! 

Ma proposition n'est donc pas celle de Liebig, parce qu'il n'est pas nécessaire d'abaisser les uns pour rehausser les autres. Plutôt, il s'agit de clamer « vive la technologie », « vive la technique », et de montrer les beautés de ces activités. Quand même, Ariane espace fait des lancers réussis coup sur coup, depuis des années, c'est extraordinaire, merveilleux, n'est-ce pas ?

samedi 20 mai 2023

La médecine est une technique, dit Claude Bernard

 J'ai relu pour vous les écrits de Claude Bernard sur la médecine expérimentale 

Pardon, j'ai manqué de publier ce billet, qui avait été écrit lorsqu'ont été attribués les  prix Nobel. Je proposais d'observer que ces prix sont donnés tout aussi bien pour des travaux scientifiques que pour des travaux technologiques. 

Claude Bernard, ce remarquable savant, fut un de ceux qui dirent parfaitement, et très justement, combien la pratique médicale diffère de la  physiologie. Je vous invite  à lire ou à relire Claude Bernard, qui écrit  explicitement que la pratique médicale est une technique. Il s'agit de « faire », de donner des soins, et l'on aura beau habiller tous les actes médicaux du nom d' « art », il n'en restera pas moins que, le matériau étant l'humain ou pas, il y a un travail technique à effectuer. D'ailleurs, les médecins que cette idées heurterait (c'est le plus souvent le cas ; pardon si je les heurte) seraient en fait très méprisants à l'égard des autres techniques, des autres « praticiens »,  car dans tous les métiers techniques, l'objectif est l'être humain, qui est le destinataire final du travail. Et des années d'étude ne changent rien à l'affaire. 

Claude Bernard ajoute que la recherche clinique est de nature technologique : il s'agit d'explorer la technique en vue de l'améliorer. 

Enfin, il y a la science de la médecine, qui a pour nom physiologie. Les trois sont merveilleux quand ils sont bien faits. Il est amusant de rapprocher, d'ailleurs, la médecine de la chimie : médecine et chimie sont des techniques. La technologie est de nature différente, et si la physiologie est la science de la médecine, c'est la physico-chimie (pour ne pas dire la physique) qui est la science de la chimie ! Et je répète : technique, technologie, science sont des activités merveilleuses quand elles sont bien faites !

mercredi 10 mai 2023

Les "sciences appliquées" n'existent pas. Il y a (parfois) des applications des sciences

Je propose d'utiliser les mots pour ce qu'ils signifient, et non pas pour ce que nous voudrions qu'ils signifient. 

 

Dans un de mes précédents billets, il y a eu beaucoup de commentaires intéressés, mais j'ai été intéressé de voir que les critiques éventuelles portaient sur des idées fantasmées, nées de mots que j'utilisais pourtant à bon escient. 

Je répète ici, en préambule, que mes mots sont choisis, et que, en conséquence, je propose de rester à leur sens premier, le plus souvent tel qu'il est donné dans le Trésor de la langue française informatisé, cet extraordinaire du CNRS, gratuit, en ligne (<a href="http://atilf.atilf.fr/">http://atilf.atilf.fr/</a>). 

D'autre part, il est amusant de voir que les discussions sur la science, et éventuellement ses rapports avec l'activité d'application des sciences, suscite des remarques... qui n'ont rien à voir avec la question traitée. 

Qu'est-ce que la science ? Qu'est-ce que la technologie ? Ajoutons : qu'est-ce que la technique? qu'est-ce que l'art ? 

Pour ceux qui ne cherchent pas à compliquer d'emblée des choses simples, je crois qu'il n'est pas mauvais de commencer par observer qu'une activité se définit par son objectif, puis par sa méthode, éventuellement. 

1. L'objectif de la science, c'est d'agrandir le royaume du connu, de produire de la connaissance. 

2. Pour la technologie, il s'agit de produire de l'innovation, que cette dernière résulte de l'application des résultats des sciences, ou qu'il s'agisse d'être simplement "astucieux", à propos de faits techniques (je renvoie à mon "Cours de gastronomie moléculaire N°1" à ce propos, pour une distinction entre technologie globale, et technologie locale). 

3. La technique, c'est la production (de biens, de service) : technique vient de <em>techne</em>, qui signifie "faire". 

4. L'art... est quelque chose de compliqué, mais qui tourne autour du sentiments que l'oeuvre fait naître (en première approximation ; pour plus, voir mon livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique", Editions Odile Jacob). 

 

Commençons par observer que, de même que l'on ne compare pas des pommes à des oranges, il n'y a pas lieu de comparer la science à la technologie, ou à la technique, ou à l'art. Les quatre activités ont leur intérêt propre. Il n'y a pas lieu de mettre la science au-dessus de la technologie, par exemple, sous prétexte que la technologie utilise (parfois) la science... sans quoi on serait conduit à mettre la technique au-dessus de la science, puisque la science utilise la technique pour des travaux (par exemple, il faut des tournevis pour les expériences). Donc quatre champs parallèles, avec certes des relations, mais pas de hiérarchie. 

D'autre part, il n'y a pas lieu de confisque le "pouvoir" au profit d'un groupe particulier : les scientifiques, ou les technologues, ou les techniciens, ou les artistes. Car il y a d'abord à s'interroger sur la question du "pouvoir" : le pouvoir de quoi, pourquoi ? En passant, je vois sous ma plume le mot "technologue", et il faut absolument faire un commentaire. La technique produit, et la technologie est une réflexion sur la technique, en vue d'innovations. Ces innovations sont essentielles pour un pays, et il faut donc former des jeunes capables de produire cette innovation. Je me suis déjà expliqué dans mille billets sur cette question, mais j'insiste un peu : puisque des applications sont en jeu, ces applications sont "techniques", et l'innovation est donc véritablement "technologique". Donc le nom que l'on doit donner à des individus qui exercent cette activité de recherche d'innovations est "technologues". Ils se distinguent (parfois) des "ingénieurs", dont le nom a évolué avec le temps, mais qui sont souvent des gens qui mènent des projets. 

La technologie serait-elle une "science appliquée" ? Certainement pas : ce n'est pas de la science, au sens des sciences de la nature. Et l'expression est donc fautive. Il y a des applications des sciences, mais pas de sciences appliquées. J'ajoute que cette phrase, ainsi dite, remonte au moins à Louis Pasteur, qui produisit de la belle science, mais aussi de remarquables applications des sciences. Et j'ajoute que l'innovation n'a pas toujours besoin des sciences. 

J'en prends deux exemples personnels (pardon) : mon invention ancienne du "sel glace", et mon invention récente du "beurre feuilleté" ne doivent rien à la science, mais seulement à la réflexion sur les gestes techniques (de cuisine, en l'occurrence). De même, les premiers ordinateurs personnels n'étaient pas des innovations vraiment fondées sur la science, et le succès d'Apple ne résulte donc pas véritablement d'application des sciences. 

 

Ah, tant que j'y suis : nos discussions sont souvent empêtrées avec des expressions comme "science pure", ou "science fondamentale", et je crois que nous devons les combattre. A des "sciences pures", on oppose évidemment des "sciences impures", et l'on mèle donc de la morale aux débats. Cela n'a pas lieu d'être : soit on agrandit le royaume du connu, soit on ne le fait pas. Il n'y a pas plus de science pure que de science impure. Il y a les sciences de la nature, qui produisent des connaissances, un point c'est tout. D'autre part, cela n'a pas de sens de parler de "science fondamentale" : les sciences sont les sciences, et le boson de Higgs ou les trous noirs ne sont pas le "fondement" de l'épigénétique, par exemple. En passant, on voit que l'usage d'adjectifs conduit à la faute de pensée... raison pour laquelle, dans notre groupe de recherche, nous bannissons adjectifs et adverbes, pour les remplacer le cas échéant par la réponse à la question "Combien ?".

dimanche 16 avril 2023

Vous avez dit "recherche"

 

 En  sciences, en technologie, en technique, et ailleurs, il y a ce mot « recherche ». 

C'est un mot merveilleux, bien sûr :  au lieu de se contenter passivement de ce que l'on a, on fait l'effort de l'activité, et l'on cherche, plutôt d'ailleurs qu'on ne recherche, autre chose, sous-entendu quelque chose « de mieux ». 

De nombreux métiers sont l'occasion de faire de la recherche, mais, je ne sais pourquoi, les sciences de la nature se sont un peu accaparé ce mot, au point que l'on ne spécifie même plus  "recherche scientifique ». 

 

La recherche serait-elle l'apanage de la science,  et de la science quantitative en particulier ? Non ! 

 

Il y a de la recherche presque partout. La technologie, d'ailleurs, est par définition de la recherche : observons le mot  grec logos qui fait le suffixe. 

La technologie est la recherche  d'améliorations de la technique. Autrement dit,  quand les étudiants en sciences de la nature et en technologie déclarent vouloir se diriger vers de la recherche, cela semble bien naturel. 

Les techniciens peuvent-ils  faire la recherche ? Si le technicien cherche à améliorer la technique, il fait de la technologie, de sorte que la technique semble être condamnée à être exclue du domaine de la recherche.

 Pourtant,  les techniciens ont parfaitement le droit d'être intelligents, bien évidemment, d'être actifs, de ne pas être des machines. Confucius disait d'ailleurs que l'homme n'est pas un ustensile ; contrairement à une cruche, il n'a pas une seule fonction, mais plusieurs. 

Autrement dit,  la technique n'a pas d'intersection avec la recherche,  mais les techniciens peuvent faire autant de recherche qu'ils veulent (d'ailleurs, ne peut-on être technicien ET musicien, scientifique ET potier, etc.) 

 

Pour les sciences de la nature, le problème est inverse, d'ailleurs pour la technologie aussi. 

Cette fois, c'est une sorte de pléonasme que de parler de recherche scientifique ou de recherche technologique, puisque les sciences quantitatives sont par définition une recherche, la technologie aussi. 

A ce sujet, il me faut répéter ici qu'un pléonasme n'est pas une faute, ou une erreur ; c'est une  répétition voulue, contrairement à la périssologie, qui, elle, est un pléonasme fautif. Descendre en bas, monter en haut,  une obscurité bien sombre... Il y a là du pléonasme, qui, si l'on est négligent en parlant ou en écrivant devient une périssologie, mais le poète peut en faire des éléments de la beauté. 

 

 Vive  la recherche !

mardi 14 mars 2023

Vous avez dit "recherche" ?

 En  sciences, en technologie, en technique, et ailleurs, il y a ce mot « recherche ». 

C'est un mot merveilleux, bien sûr :  au lieu de se contenter passivement de ce que l'on a, on fait l'effort de l'activité, et l'on cherche, plutôt d'ailleurs qu'on ne recherche, autre chose, sous-entendu quelque chose « de mieux ». 

De nombreux métiers sont l'occasion de faire de la recherche, mais, je ne sais pourquoi, les sciences de la nature se sont un peu accaparé ce mot, au point que l'on ne spécifie même plus  "recherche scientifique ». 

 

La recherche serait-elle l'apanage de la science,  et de la science quantitative en particulier ? Non ! 

 

Il y a de la recherche presque partout. La technologie, d'ailleurs, est par définition de la recherche : observons le mot  grec logos qui fait le suffixe. 

La technologie est la recherche  d'améliorations de la technique. Autrement dit,  quand les étudiants en sciences de la nature et en technologie déclarent vouloir se diriger vers de la recherche, cela semble bien naturel. 

Les techniciens peuvent-ils  faire la recherche ? Si le technicien cherche à améliorer la technique, il fait de la technologie, de sorte que la technique semble être condamnée à être exclue du domaine de la recherche.

 Pourtant,  les techniciens ont parfaitement le droit d'être intelligents, bien évidemment, d'être actifs, de ne pas être des machines. Confucius disait d'ailleurs que l'homme n'est pas un ustensile ; contrairement à une cruche, il n'a pas une seule fonction, mais plusieurs. 

Autrement dit,  la technique n'a pas d'intersection avec la recherche,  mais les techniciens peuvent faire autant de recherche qu'ils veulent (d'ailleurs, ne peut-on être technicien ET musicien, scientifique ET potier, etc.) 

 

Pour les sciences de la nature, le problème est inverse, d'ailleurs pour la technologie aussi. 

Cette fois, c'est une sorte de pléonasme que de parler de recherche scientifique ou de recherche technologique, puisque les sciences quantitatives sont par définition une recherche, la technologie aussi. 

A ce sujet, il me faut répéter ici qu'un pléonasme n'est pas une faute, ou une erreur ; c'est une  répétition voulue, contrairement à la périssologie, qui, elle, est un pléonasme fautif. Descendre en bas, monter en haut,  une obscurité bien sombre... Il y a là du pléonasme, qui, si l'on est négligent en parlant ou en écrivant devient une périssologie, mais le poète peut en faire des éléments de la beauté. 

 

 Vive  la recherche !

mercredi 16 novembre 2022

Les "progrès" en cuisine


Une discussion intéressante hier avec des amis cuisiniers, alors que je faisais une formation d'une journée à Strasbourg.

Dans cette journée, j'ai discuté l'évolution de la cuisine, en montrant des images de plats importants des différentes époques depuis la Renaissance. Au début, il y avait essentiellement des bouillis et des rôtis, et, progressivement, on a vu apparaître des préparations bien plus élaborées, notamment quand le cuisinier français Marie-Antoine Carême, au tournant du 19e siècle, a introduit sa cuisine "monumentale" : cette fois : la cuisine prenait de la hauteur.

Puis on a vu des tas de changement en fonction des évolutions de l'approvisionnement, notamment quand ce sont introduites les tomates, ou les pommes de terre, après la découverte du Nouveau Monde, quand on a disposé d'ingrédients plus exotiques en abondance, telles les oranges (souvenons-nous que nos arrières grands-parents recevaient une orange pour Noël et que cela était considéré comme quelque chose d'extraordinaire).

Et ainsi de suite. Bref, ce l'on voit, notamment dans les dernières décennies, c'est que la cuisine a beaucoup évolué et que le saumon à l'oseille des frères Troisgros  (cuisiniers à Roanne) ne nous paraîtrait pas mériter aujourd'hui plus qu'un bib gourmand, et encore.

Bref la cuisine a toujours évolué et elle continuera de le faire.

Cela pour le résultat,  mais pour les moyens également : dans le temps, il y avait des pots en terre qui cassaient, et ce fut un progrès quand il y eut des casseroles en métal, et mieux encore quand on remplaça les casseroles en fonte ou en cuivre étamé par de l'acier inoxydable : cette fois-ci, plus de casse, plus de rouille...

Nous nous sommes habitués à ce progrès, mais combien il nous a facilité la vie !  Puis,  notamment dans les années 1960,  le Salon des arts ménagers introduisit les premiers appareils électriques : batteurs, broyeurs, et cetera. Et nous nous y  sommes tant habitués que, aujourd'hui, nous ne pourrions presque plus nous en passer.

Le micro-ondes fut une révolution et je propose de ne pas oublier pas qu'il coûtait initialement l'équivalent de d'environ 2000 €, alors que, aujourd'hui, on le trouve à 50 € seulement.

Chaque fois, il y a eu des résistances, et nombre de timorés ou  d'idéologues ont crié haro sur le baudet, dénonçant de prétendus dangers, de prétendus effets terribles qui évidemment n'existaient pas.
Mais on sait que les marchands de peur  profitent de la moindre occasion pour exercer leur activité néfaste, malhonnête, pernicieuse.

Mais bref, il y a toujours des changements, des évolutions, et j'espère qu'il y en aura encore beaucoup, car je n'oublie pas mon objectif : je veux que les cuisiniers aient un métier agréable, alors que, pour l'instant, ils sont debout, dans le bruit, dans la chaleur excessive et dans le stress ; sans compter que leurs mains énormes sont une démonstration de ce que le métier reste anormalement physique.

Il y a lieu de rénover tout cela sans tarder, et cela passera par de la technique bien pensée.
Pas des gadgets, non, mais de vrais objets techniques utiles. Cela a fait l'objet d'une discussion, hier, avec un ami cuisinier, mais non seulement cet homme avait un portable et un ordinateur, mais il n'a (évidemment) pas pu combattre les objectifs que j'ai évoqués ci-dessus, et qui sont le but, d'après lequel on peut déterminer les moyens.

C'est à propos de ces dernier qu'il  y a lieu de bien réfléchir... mais, surtout, il faut avancer. 



PS. Je n'oublie par que le mot "progrès" fait l'objet de devoirs de philosophie, au lycée par exemple, presque quotidiennement.

jeudi 31 mars 2022

Donnons confiance, en cuisine et ailleurs !

 

Alors que je suis chez le boulanger, je m'étonne de le voir vendre de la pâte feuilletée et de la pâte brisée.

De la pâte feuilletée, pourquoi pas, car si on a pas le temps, on peut avoir besoin de s'en procurer, mais pour la pâte brisée, qui s'obtient en quelques dizaines de seconde, par simple mélange de beurre et de farine ?

L'analyse se trouve là : https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/donnons-confiance-en-cuisine-et-ailleurs-et-des-lecole/

jeudi 17 février 2022

À propos de quenelles : ne vivons pas au Moyen Âge !

 

Il n'y a pas lieu de cuisiner comme au Moyen-Âge : de même que nous ne roulons plus en charette, nous n'avons pas de raison de cuisiner avec des procédés qui étaient déjà présents au Moyen-Âge ou à la Renaissance, n'est-ce pas ?

Pour réaliser des quenelles, il y a à la fois le geste technique de les mouler entre deux cuillères, ce qui s'apprend avec la pratique, mais il y a surtout la question de la juste consistance de la préparation, pour que les quenelles se tiennent quand elles tombent dans l'eau bouillante où elles sont pochées.

Commençons par le mot "poché, qui dit  bien qu'il s'agit de faire une poche où le reste de la préparation est retenu : il doit y avoir une coagulation de la surface, qui maintient l'intérieur de la quenelle.

S'il y a un pochage, c'est manifestement qu'il y a des protéines dans l'appareil, d'une part, et que ces protéines sont en quantité suffisante pour "coaguler"  la couche de surface.

Coaguler ?  Ces protéines sont initialement en solution dans un liquide, fût-il pâteux, et il faut que leur concentration soit supérieure à 5 % environ pour que la coagulation, c'est-à-dire la gélification, puisse se faire.

Et c'est ainsi que les cuisiniers ajustent progressivement leur préparation, afin qu'elle ne soit ni trop dur ni trop tendre, à l'aide d'un œuf.

Mais les oeufs -blanc ou jaune-  apportent simultanément de l'eau et des protéines, alors que, quand l'appareil ne se tient pas, ce sont seulement des protéines dont on a besoin.

Pourquoi ne pas ajouter tout simplement des protéines à l'état pur ? Cela se trouve chez les pâtissiers  : soit de la poudre de blanc d'oeuf, soit de la poudre de jaune. Quelques cuillerées règlent la question.

Décidément, je suis heureux de ne pas vivre au Moyen-Âge.

samedi 5 février 2022

Apprendre la confection du Kugelhopf, en séparant technique, art et amour

 

Mettons en oeuvre notre idée sur la séparation des trois composantes de la cuisine pour son enseignement, sa transmission.

Nous partirons aujourd'hui de l'exemple d'un Kugelopf, car les questions techniques, artistiques et sociales sont très imbriquées.
Et ce sera l'occasion de montrer pourquoi il faut les séparer.

Pour un Kugelopf, comme pour une brioche, il y a la question technique de la fermentation, mais aussi celle de la consistance : il faut arriver à faire une pâte de consistance approprié,  et il faut qu'elle lève.

Il faut donc examiner ces deux objectifs  -deux objectifs techniques d'ailleurs- , et je propose d'examiner  la recette, mais d'abord sans les quantités, qui sont accessoires et que nous discuterons ensuite.

Nous partons donc d'un peu de lait et de levure, puis nous ajoutons de la farine, puis  du beurre, puis  de l' œuf entier, puis du sucre, et  un peu de sel.
Dit ainsi, c'est tout simple, n'est-ce pas ?  

Ayant réglé la question "au premier ordre", nous pouvons maintenant aller plus dans les  détails.

Ainsi, il est bon de commencer par le lait et la levure pour bien voir que cette dernière est active :  il faut que l'ensemble ne soit ni trop froid,  sans quoi les levure ne se multiplient pas, ni trop chaud,  sans quoi elles sont tuées.
Et l'on pourra passer à la suite dès que l'on observera la formation de bulles, qui marquent le début de la fermentation.

Ayant vérifié l'action des levure, nous ajoutons la farine, qui fait l'essentiel de la pâte. Puis nous ajoutons du sucre, du sel, les oeufs, et nous devons introduire le beurre.
Sachant qu'il faudra bien travailler la pâte, pour des raisons qu'on pourra expliquer ensuite, il n'est pas interdit de mettre le beurre d'un coup et de travailler ensuite pour le disperser correctement. Ou bien de le tiédir préalablement.

C'est alors qu'il faut bien travailler la pâte pour avoir une consistance très lisse, et, éventuellement, ajouter un peu de lait si l'on voit que la pâte est trop dure : il faut que la pâte se tienne mais soit un tout petit peu filante, à savoir qu'elle doit pouvoir elle devra pouvoir couler de la terrine de préparation vers le moule du Kugelopf.

Le travail de la pâte a l'intérêt de former un réseau de gluten, avec les protéines de la farine, et c'est pour cette raison que l'ajout de beurre peut se faire d'un coup :  il est important de bien travailler la pâte et c'est une cause d'échec de ne pas la travailler assez.

Ayant une pâte bien lisse, il s'agit maintenant de faire fermenter, de sorte que les bulles de gaz formées puisse alvéoler la pâte.
On observera ici, mais c'est tout à fait secondaire,  que les bulles d'un baba, d'un Kugelopf, d'un quatre-quart, d'un soufflé, etc.,  sont bien différentes de celles que l'on obtiendrait avec de la poudre levante.

Oui, ici, c'est bien de la levure qu'il faut employer. Des micro-organismes vivants, qui, en se multipliant, forment des bulles de gaz (du dioxyde de carbone)... et des composés qui contribuent au goût.

Et là, j'ai proposé un innovation : au lieu de faire comme dans les recettes classiques, avec une fermentation, un rabat, la mise en moule et la deuxième fermentation avant la cuisson, je propose de considérer que la fermentation engendre notamment un composé qui est nommé sotolon et qui donne ce merveilleux goût de brioche.
De sorte que j'ai proposé non pas une fermentation mais trois, quatre, cinq, six...

Rabattre,  cela signifie dire simplement que quand la pâte a gonflé, on la travaille un peu pour la faire redescendre.

Et les fermentations doivent se faire avec la terrine couverte d'un linge pour éviter un croûtage, et à une température un peu tiède car les levure sont comme nous : elles ne se développement bien  ni dans le froid ni dans le trop chaud.

Ah, les quantités maintenant disons que, pour 250 g de farine, on aura un bon résultat avec un oeuf, 100 g de beurre, 100 g de sucre et du sel, un quart de litre de lait. Pour ce dernier, on l'ajoute pour avoir une pâte comme décrite précédemment : qui doit se tenir mais qui peut un peu couler.

La pâte ayant bien fermenté, la dernière fermentation se fait dans le moule. Un moule qui aura été beurré et sucré afin que la pâte n'y attachs pas à la cuisson.

Et c'est évidemment avant la dernière fermentation qu'on aura mis des raisins secs gonflés dans la pâte, avant de mettre cette dernière dans le moule de cuisson.

La cuisson, elle, se fera 180 degrés pendant 50 minutes : c'est le temps nécessaire que la chaleur atteingne le cœur d'une préparation dans le diamètre est important et qui doit un peu crouter : le contraste de cette croûte avec la tendreté de la mie est une composante essentielle du Kugelopf... mais cela relève des qualités artistique.


Tout cela étant dit, on a déjà un Kugelopf, mais il y a lieu de faire mieux, et de considérer la question esthétique, artistique.

Bien sûr, la quantité de sucre est importante. Bien sûr il faut du sel en quantité  suffisante c'est-à-dire environ un quart de cuillerée à café pour la préparation que nous avons décrite. La fermentation engendre différent composés, mais il y a de l'éthanol, l'alcool des eaux-de-vie et des vins, et bien d'autres composés, tel ce sotolon que j'ai évoqué précédemment.
Or je sais que certains amis ne veulent pas le côté un peu acide  des fermentations longues et c'est donc un choix esthétique que de faire deux, trois, quatre, cinq, six fermentations.

Tout comme l'ajout des raisins éventuellement. Ces raisins, qui auront été pris secs, auront été gonflés : on les met dans un peu d'eau que l'on porte à ébullition avant de laisser reposer un bon moment.

Il y en a qui veulent des amandes, et d'autres qui n'en veulent pas  : tout est possible et c'est votre choix, votre choix artistique, le même que celui d'un peintre qui décide de faire un bleu plus clair ou plus sombre sur une partie de sa toile.

J'ai dit que la cuisson était longue et j'insiste un peu en signalant qu'elle produit donc une croûte, qui fait contraste de consistance avec la mie : cela me donne l'occasion de rappeler que notre système sensoriel detecte les contrastes et donc les apprécie. Ces contrastes peuvent être de couleur, de saveurs, de consistance, d'odeur...

Personnellement, je conserve l'eau des raisins, je la sucre, j'ajoute du kirsch et je porte à ébullition. Puis quand le Kugelopf est refroidi dans son moule, je le démoule et je l'arrose avec ce liquide.

Bien sûr, avec tout ce qui précède, on n'a pas épuisé le sujet : on n'a pas discuté la matière du moule, ni le choix de la farine, du beurre, et ainsi de suite : de sorte que je conclus que, même pour une simple préparation, même si l'on facilite l'apprentissage en séparant le technique de l'artistique, vita brevis, ars longa (l'art est long, la vie est brève).



jeudi 3 février 2022

The difference between a technician and a technologist

 

Today, a friend of mine is asking if cooks are technologists. And my answer is very clear: no, a cook is not a technologist, but (generally) a technician. Let's avoid confusions ! 
 
Here, I explain the difference as clearly as possible :

1. When you do something, you are doing technique, from the Greek word "techne", which means "to do". A cook is producing dishes, a shoe maker is producing shoes, an electrician repairs electricy devices. And even a physician is a technician.

For cooking, the issue is that there are two kind of cooks
- some are just producing food for the body : when you are doing food that you eat for lunch, when you don't have much time, for exemple ; by the way, you can compare this with a painter who paints walls
- some cooks are artist, and the issue is now very different, because it is the same as for Picasso, or Rembrandt : the issue is not to speak to the body, but to the spirit.
Of  courses, even the painter for buildings and walls tries to do something "well done", but this is not the same purpose as Rembrandt. And even the cook in the street tries to do something "good", but it is not what some artists as Pierre Gagnaire are doing.

 
 
2. Now, for technology : the word comes from "techne" and "logos" : a technologist studies cooking in order to improve it, not in order to make it.
For sure, some cooks can try to improve their practice... but this is very new, and it was introduced by molecular gastronomy and molecular cooking !

 
3. And finally, sciences of nature have nothing to do with all this, because it means more or less solving equations.


Apprendre à cuisiner

 
Je viens de comprendre qu'il y a lieu de mieux apprendre la cuisine que comme on le faisait par le passé,  et cela tient dans cette phrase : la cuisine, c'est la de technique, de l'art, de l'amour.

Je sais bien que le titre du livre que j'ai publié précédemment, c'est l'inverse : la cuisine c'est de l'amour, de l'art, de la technique. Mais quand même, on ne pourra rien exprimer artistiquement si l'on n'a pas la technique nécessaire pour le faire.

J'ai l'habitude de comparer la cuisine à la peinture, à la musique ou à la littérature : un peintre qui ne saurait pas éviter à la peinture de couler ne pourrait pas réaliser une toile ; un musicien qui ne saurait pas poser correctement les doigts sur le piano ne pourrait pas jouer une musique ; un écrivain qui ignorerait l'orthographe, la grammaire, la rhétorique ne pourrait pas produire une œuvre littéraire.
En cuisine, il en va de même et je crois que nous devrions séparer les différentes composantes quand nous découvrons une recette.

Par exemple, imaginons que vous nous voulions faire des pâtes aux couteaux.
Bien sûr, il peut y avoir un protocole que l'on suivrait machinalement, mais c'est quand même mieux de bien comprendre que les couteaux restent tendres quand ils sont cuits 5 minutes seulement dans un four, auquel cas ils s'ouvrent spontanément. Pour les pâtes, il y a lieu de comprendre qu'il suffit d'une dizaine de minutes de cuisson dans une grande quantité d'eau salée pour qu'elles restent al dente.

Là, on a un bon début. Mais on n'a pas réglé la question du goût,  et cette question du goût nous imposera peut-être d'utiliser des oignons et de l'ail. Pour avoir un bon goût avec ces produits, on pourra par exemple considérer des questions techniques, à savoir que les oignons prennent une odeur envoûtante quand on les cuit, ou que le sel peut contribuer à changer leur couleur. Du point de vue technique, il faut de la matière grasse soit doucement chauffée. Si on veut un goût plus puissant, alors on pousse le feu et l'on obtient une couleur plus soutenu. Pour l'ail, il y a lieu de savoir que l'ail cru donne un goût bien différent de l'ail grillé, que l'on peut obtenir des pétales grillés en chauffant des lamelles d'air dans de l'huile jusqu'à ce qu'elles brunissent.

Mais le choix de la pratique est "artistique" : il faut avoir son idée du "bon".
Choisir de l'ail cru ou de l'ail grillé ? Un choix artistique. Apporter de la douceur ? Un choix artistique. L'apporter par l'oignon plutôt que par la tomate, ou bien l'inverse ? Un choix artistique.

Et là, il faudra de l'inventivité, car des pâtes à l'eau, c'est triste  : le goût se construit, et il est naïf de croire qu'il est donné par un ou deux ingrédients. Pensons à des pistaches, des raisins secs gonflés, des anchois, etc.

L'accumulation des ingrédients, toutefois, ne doit pas faire perdre la ligne artistique... qui doit donc être créée antérieurement. S'impose une volonté qui guide l'ensemble de nos choix.
Pour la musique, au lieu de mettre des notes au hasard, il faut donner une organisation musicale. Pour la cuisine  il en va de même : au lieu de mettre des goûts au hasard, il faut faire plus que se contenter de penser en termes de contraste, et il faut une raison pour employer un ingrédient plutôt qu'un autre.

On n'oubliera pas, enfin, que j'ai parlé d'amour, de lien social  : tout ce que nous préparons devrait être composé en vue du bonheur de nos amis.
Par exemple, faut-il mélanger tous les ingrédients ou, au contraire, les répartir de façon visible, afin qu'il constatent que nous avons fait quelque chose pour eux ? Ma réponse est surtout de ne pas choisir entre les deux options mais, au contraire, de les employer toutes les deux.
Par exemple, si l'on choisit de disperser les oignons brunis dans les pâtes, alors pourquoi ne pas aussi en faire un petit tas visible par-dessus, ou sur les bords ?
Par exemple, il n'est pas certain qu'il faille disperser les couteaux pour faire une masse indistincte, mais on pourra peut-être soit les aligner avec des spaghettis, soit les placer au-dessus des pâtes pour qu'ils soient bien visibles, et ainsi de suite.

L'organisation du plat est essentielle parce qu'elle dit beaucoup. Mon ami Pierre Gagnaire, par exemple, met souvent un chapeau par-dessus ses plats, quelque chose qui cache ce qu'il y a dessous, qui prépare une surprise. C'est plus délicat, évidemment,  que de montrer directement ce dont qu'il s'agit... mais je suis bien sûr que même Pierre ne proposerait pas de systématiser cette solution car précisément la variété s'impose aussi.
L'art ne se réduit pas à les principes mécaniques.

Mais pour en revenir et conclure sur l'enseignement, j'observe que c'est bon de bien séparer les composantes de la cuisine, quand on apprend à la faire !

mercredi 17 novembre 2021

A propos d'amour



J'ai fait une erreur, à propos d'une cassolette de moules pour laquelle j'ai oublié que la cuisine, c'est d'abord de l'amour.

La question est la suivante : j'avais donc des moules, que j'ai cuites avec vin blanc, ail et oignon, avant de les décortiquer. Et l'on voit bien donc là que je me suis préoccupé de mes convives puisque je leur ai évité de se salir les doigts.
Pour la sauce, j'avais sué de l'oignon et de la carotte dans du beurre, avant d'ajouter du vin blanc, un fond de volaille et de la crème, que j'avais fait un peu réduire.

Et c'est à ce moment-là, après l'assaisonnement, la rectification du goût du liquide, que j'ai eu l'idée de mixer  mon liquide contenant  la carotte et l'oignon.

Pas de problème technique pour cette opération, mais quand j'ai mis dans de jolis bols le liquide brûlant avec les moules, alors nous avions un sentiment un peu rustique, car il n'y avait pas la belle consistance lisse d'un consommé. Tout allait bien également du point de vue artistique, le goût y était, mais c'est la question de l'amour qui était mal réglée, car j'aurais bien mieux fait de passer mon liqude au chinois pour récupérer une préparation parfaitement lisse.

Oui, n'oublions pas que la cuisine,  c'est  de la technique, de l'art mais surtout de l'amour !

mardi 18 mai 2021

La synthèse organique ? La chimie analytique ? Ce n'est pas toujours de la chimie

 

Naguère, il y avait cette opposition entre la chimie organique et la chimie analytique, synthèse contre analyse... Les organiciens se disaient les rois de la chimie, et les analyticiens disaient que, sans eux, on ne pouvait rien faire. Imbécile controverse.

D'ailleurs, il faut observer que la synthèse organique n'est pas toujours de la chimie, et que la "chimie analytique" usurpe parfois son nom.

Car la chimie est une science de la nature : son objectif est de chercher les mécanismes des phénomènes, d'explorer les transformations moléculaires.

Pas de construire des molécules, pas de faire des analyses. Car construire des molécules, c'est un métier technique, et faire des analyses aussi.

Il n'y a chimie, dans la synthèse organique, que si les constructions visent à tester des hypothèses sur des propriétés chimiques particulières, sur des voies de synthèse particulières, sur l'exploration. Et il n'y a chimie, dans la "chimie analytique", que si l'on fait autre chose que de l'analyse (technique), ou du perfectionnement des méthodes d'analyse (technologie).

De sorte que l'on renvoie nombre de protagonistes dos à dos. Et que l'on peut enfin faire rêver de jeunes amis à des activités plus claires.

mercredi 21 avril 2021

Comment ne pas décevoir ? En expliquant bien ce qu'est la gastronomie moléculaire. Et ce n'est pas de la cuisine !

 
Je reçois un de ces innombrables email d'un jeune homme qui me dit vouloir faire un stage dans notre groupe de gastronomie moléculaire "parce que" il aime beaucoup la pâtisserie. 


Invariablement, je commence par lui expliquer que la pâtisserie, comme les autres métiers du goût, a trois composantes : sociale, artistique, technique  : à minima, le pâtissier est un technicien, à savoir qu'il doit être capable de suivre une recette, de faire les gestes précis, soigneux, qui parviendront à faire exister la préparation visée, qu'il s'agisse d'une génoise ou d'un soufflé, par exemple. 


Mais, mieux que cette technique que tout le monde peut maîtriser (à condition d'y passer du temps), il y a la question "artistique", à savoir que la préparation doit être "bonne", c'est-à-dire "belle à manger". Et là, si les recettes donnent quelques indications, c'est un bon un peu médiocre, qui ne fera sans doute pas le succès d'un artisan. Pour faire bon, il faut notamment faire soigneux, mais il faut faire mieux : imaginer des goûts, des ajouts qui donnent un petit quelque chose de plus aux recettes. Certains parlent de "supplément d'âme"... et ils sont rares.
Enfin, il y a la composante sociale : en bouche, la pâtisserie doit nous dire que l'on nous aime, et cela est le plus difficile.

Mon jeune correspondant me dit donc qu'il veut faire un CAP de pâtisserie, et je lui réponds que c'est effectivement un bon début, pour être pâtissier. Mais il insiste en disant qu'il est "fasciné" par la compréhension des gestes techniques... et c'est tant mieux. Mais il insiste : puisqu'il est fasciné, il veut faire un stage, qui, de surcroît, le décidera à choisir entre deux "passions" (mais son email est manifestement outré), à savoir l' "alimentaire" (dit-il) et l'écologie.

Là, il y a beaucoup à dire, à commencer par expliquer que ce n'est pas un stage dans un laboratoire de recherche scientifique qui lui dira ni s'il aime  l'"alimentaire", ni s'il préfère cela à l'écologie.

D'ailleurs, je lui signale que nous n'avons pas de casserole au laboratoire, que nous ne faisons ni cuisine ni pâtisserie : les sciences de la nature ne sont pas des techniques !

J'insiste un peu en lui expliquant que, au laboratoire, nous faisons des analyses par résonance magnétique nucléaire, que nous explorons des équations différentielles....

J'insiste encore, parce qu'il faut être clair :  par exemple nous avons un projet qui explore la diffusion de composés fluorescents dans un gel à plusieurs couches, et cela est l'occasion de calculer sans cesse. Certes, il y a au coeur du projet une expérience apparemment très simple,  qui consiste à faire un gel à plusieurs couches, et cela doit prendre à peu près une demi-journée, en calculant correctement les concentrations,  mais il y a surtout la conception de ce gel, en tenant compte de différences de pressions osmotiques, des diffusions attendues des solutés qui seront dans le gel,  et là, c'est devant un ordinateur, avec des calculs, que se fait le travail, qui prend bien une semaine...  à condition d'avoir appris à le faire, de savoir calculer. Une fois les échantillons prélevés,  nous les analysons par spectroscopie de fluorescence, et là, on a le nez collé à  des tableaux de nombres, les absorption et les émissions de la lumière aux différentes longueurs d'onde que nous utilisons pour sonder les échantillons recueillis. Une fois ces tableaux de nombres obtenus, il s'agit de relier les nombres en équations, pas différentielles celle-là, mais en équations quand même. Et nous n'en sommes qu'au début, car va pouvoir alors commencer le travail scientifique, qui consiste à explorer les ensembles d'équations recueillies.

On voit  dans cette description honnête qu'il n'y a pas beaucoup de place pour la pâtisserie ni pour la cuisine dans tout cela,  et l'on voit que je n'exagérais pas, en faisant une belle différence entre cuisine et science.

Comme mon interlocuteur insistait, je lui ai demandé s'il pouvait me dire comme ça, en claquant des doigts,  la primitive du produit du sinus de x par le cosinus de x (une question de calcul parfaitement élémentaire, mais juste pour voir), et  il n'en savait rien.
Je lui ai alors demandé si cette question l'intéressait, et, de fait,  elle ne l'intéressait pas...  parce qu'il voulait faire de la pâtisserie.

La conclusion tirée en commun s'imposait :  ce n'était pas la recherche scientifique qui l'intéressait et donc pas la gastronomie moléculaire puisque la gastronomie moléculaire est une discipline scientifique.

Oui, notre propos, en recherche scientifique, n'est pas, comme le croyait notre ami, d'expliquer "comme cela", "avec les mains", les phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires. Nous ne cherchons qu'indirectement à comprendre la préparation de la génoise, le gonflement du soufflé ou l'épaississement de la crème anglaise... car tout cela est assez simple, et, surtout, bien éloigné de notre ambition, qui est de faire des découvertes scientifiques.

Finalement il y avait donc lieu de restituer les choses entre technique, technologie et sciences de la nature. Notre ami n'avait en réalité aucune idée précise d'aucun des trois (y compris la pâtisserie), et j'espère l'avoir éclairé. Oui j'espère lui avoir été utile en lui évitant de faire un stage où il aurait été malheureux parce qu'il n'aurait pas été capable de faire ce qui aurait été attendu de lui.

Derrière sa confusion, il faut quand même analyser que la difficulté, c'est le mot "gastronomie" qui est dans "gastronomie moléculaire", et qui est souvent confondu avec "cuisine".  Mais qui puis-je si mes interlocuteurs ne connaissent pas bien la langue française ?

mardi 23 mars 2021

Qu'est-ce que la chimie ? Et, a contrario, qu'est-ce qui n'est pas de la chimie ?



La chimie ? je suis obligé de me répéter un peu parce que non ne cesse de m'interroger et que, au fond, ayant fait le travail d'être en mesure de répondre aux questions de ce type, c'est bien la moindre des choses que je réponde.

Pour savoir ce que c'est que la chimie, il faut partir de l'alchimie.

L'alchimie est née de l'étonnement de l'apparition de métaux quand on calcine des minerais, par exemple, ou de l'étonnement du cycle d'évaporation et de condensation de l'eau, par exemple... Car il y a dans l'environnement de l'être humain ancien une foule de phénomènes,  évidemment tous mystérieux tant que l'on n'en a pas la clé, tant qu'on en comprends pas les mécanismes.

Ces phénomènes, les êtres humains anciens n'ont pas manqué de les explorer, au moins pour certains, et cela faisait déjà une sorte de philosophie naturelle, une sorte de sciences : chercher les mécanismes des phénomènes, n'est-ce pas l'objectif des sciences de la nature ?

 Bien sûr, à l'époque, il n'avait ni la méthode scientifique que nous avons aujourd'hui, ni les outils d'analyse modernes, ni même les concepts qui sont si important pour comprendre le monde :  le concept d'inertie, le concept de force, le concept d'énergie, l'iée d'atomes et de molécules... et les incertitudes ont duré pendant des siècles à propos de ce que nous savons être aujourd'hui et réarrangement d'atomes.

Il a fallu des tâtonnements, avec les "moyens du bord",  à savoir  le broyage, le chauffage, le refroidissement, et ainsi de suite pour explorer ces transformations.
Et c'est ainsi que l'on a pu croire, au moins pour certains, que l'on trouvait dans ces métamorphoses du monde les clés de longue vie,  d'où des recherches d'élixir de pierre philosophale, etc.

Il y a eu une alchimie expérimentale, "opérative", qui consistait à effectuer des expériences, et une alchimie plus spéculative, qui faisait des théories, et des théories sans  vraiment avoir les moyens de faire, débordant parfois considérable, délirant même parfois.

C'est vers le 17e siècle qui est apparue progressivement la possibilité de comprendre les réarrangement d'atomes.

Et après quelques hésitations, c'est quand même entre la parution du premier tome de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert et l'apparition du dernier tome de cette même Encyclopédie que l'on a cessé de parler d'alchimie, dans cette quête des mécanismes des transformations et des phénomènes,  pour parler de "chymie", d'abord, puis ensuite de "chimie".

Il était  ainsi très clair, pour Lavoisier et ses successeurs que la chimie était une science de la nature :  la science qui étudie les mécanismes des transformations de la matière, ce que nous savons être aujourd'hui des réarrangement d'atome entre atomes isolés, ions, molécules, etc.

Voilà pour la chimie : la science de la nature qui explore les réarrangements d'atomes

Ce qui n'est pas de la chimie ? Les applications de la chimie ne sont pas de la chimie. Louis Pasteur le disait ainsi : le fruit n'est pas l'arbre.
Ce qui n'est pas de la chimie ? La technique chimique, les industries de la chimie. Respirer ou marcher n'est pas faire de la chimie, parce que, ainsi, on ne cherche pas les mécanismes des phénomènes par la méthode scientifique : on se contente de respirer, de marcher, comme un animal. Et même si des réarrangements d'atomes ont lieu dans l'organisme. Car on se souvient que la chimie est l'étude de ces réarrangements, par l'opération de ces réarrangements.

En conséquence, les industries qui se disent "chimiques" usurpent le mot. Et il faut le dénoncer, car cela est malhonnête.

A contrario, il y a lieu de bien dire  à nos jeunes amis que l'étude des réarrangements d'atomes, la chimie donc, est une entreprise qui est loin d'être terminée. Elle a besoin de talents !

mardi 2 mars 2021

A propos des accords mets-vin



Ce soir, je reçois ce message :

Je travaille actuellement sur un sujet de science alimentaire sur les accords mets et vins.  
Je suis aujourd'hui en recherche d'informations scientifiques sur les accords mets et vins, à savoir quelles sont les composantes chimiques et/ou organoleptiques qui régissent ces accords ? Avez-vous déjà étudié ces relations, si oui auriez-vous des articles à me suggérer ?



Et ma réponse


Merci pour votre message amical.
La question est d'autant plus intéressante qu'elle est plombée par des gens (je connais au moins un sommelier dont les dents rayent le parquet)  qui disent n'importe quoi, parce que :
1. ils cherchent à paraître savants (ce qu'ils ne sont pas)
2. ils le font parce qu'ils vendent leurs compétences
3. ils ne "cadrent" pas bien la question.

Il faut commencer par observer que l'appréciation gustative (mets ou boissons, ou les deux) est d'abord une question sociale, ensuite une question artistique, et seulement enfin une question technique.
Par exemple, l'appréciation de l'amertume est une question de culture, ces saveurs étant rejetées par les jeunes enfants. Et c'est ainsi que certains en viendront à aimer le durian, et d'autres la boulette d'Avesnes.
Donc surtout pas ne pas mélanger les phénomènes physico-chimiques avec les questions du "j'aime" ou du "je n'aime pas". Et ne pas chercher du côté de la théorie du "food pairing", qui est très pourrie (à venir, dans le Handbook of molecular gastronomy, parution avril, un chapitre qui fait le constat de façon serrée, scientifique).

Ensuite il y a la question artistique : on aurait fait entendre du Debussy à Mozart qu'il serait sauté au plafond d'effroi. Là encore, une question difficile, culturelle... et qui était à l'origine de mon meilleur livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique", lequel est à ma connaissance le premier traité d'esthétique culinaire jamais publié.

Enfin, il y a la question technique, et là, il y a des faits :
- par exemple, la complexation des protéines salivaires par des tanins (seulement certains des polyphénols)
- par exemple, des phénomènes à base de pH
- par exemple, la force ionique qui provoque le relarguage des composés les plus hydrophobes
- par exemple...
Et c'est ainsi que j'avais fait une quotidienne sur ce thème, il y a plus de dix ans, sur France Inter, l'été, avec Philippe Faure Brac.

Cela étant, vous avez vu que j'ai mis le social et l'art avant la technique... car on a le droit d' aimer la sensation bizarre du bordeaux tannique avec de la salade bien vinaigrée (et je connais des gourmands qui l'aime).
Autrement dit, il n'est pas nécessaire de vouloir justifier des accords, mais, surtout, il y a lieu de bien séparer les faits et les interprétations. Ce qui signifie poser les faits physiologiques, biologiques, sociaux... et ne pas aller plus loin.
Tout cela, bien sûr, doit être fondé sur une bonne appréciation de ce qu'est le goût : saveur (un nombre infini de saveurs), odeur (ne parlez svp pas d'arôme mais de composés odorants), trigéminal, oléogustation, sensation du calcium, couleur, nom (pour les réflexes conditionnés type acidité, gras ou amidon), consistance, température, et autres.

Un point de méthode, maintenant : comment allez vous faire pour trouver les bonnes sources ? A la réflexion, je partirai de l'analyse de la question, avec (pour les professeurs qui en sont bien ignorants), un état de la perception sensorielle du goût ; puis un état des phénomènes connus sur des influences en bouche (température, pH, salinité, etc) ; puis un état des influences mutuelles ; puis une rechercher de l'évolution artistique de la question (un travail difficile, jamais fait), et enfin un état des effets sociaux (pour ce que l'on en sait, sans jamais dépasser les faits, et, surtout, sans vouloir des conclusions quie ne sont pas accessibles).

Pas opposé à vous aider à bien faire, car cela serait utile que quelqu'un pose tout ce que je vous ai dit par écrit.
bien à vous

samedi 27 février 2021

Des classifications ? A condition qu'elles soient utiles !

 Se pose à nouveau à moi, aujourd'hui, la question des référentiels et des examens pour les cuisiniers.

Il y a quelques années, j'avais combattu une classification fautives, qui évoquait des "cuissons par concentration" (alors qu'il n'y avait de concentration) et des cuissons dites "par expansion", où n'y avait pas non plus ce qui était dit dans le nom.

Je m'aperçois aujourd'hui que je n'ai pas pris le mal à la racine... car, au fond, pourquoi cette classification ?

Un ancien formateur me dit aujourd'hui :
"Mais en fait, jamais je n’ai entendu dans une brigade dans la bouche d’un chef ordonner de cuire par expansion etc. C’était appris pour le savoir le jour de l’examen. Donc une théorie totalement inutile."

Donc non seulement c'était faux, mais c'était de surcroît inutile ? De qui se moque-t-on ?

Et puis, quand même, y a-t-il tant de types de cuisson qu'il faille en faire une catégorisation ? On compte les cuissons sur les doigts d'une main : rôtissage, poêlage (dans un poêlon), sauté (dans une poêle), étuvage, cuisson à la vapeur, grillades...

Surtout, quel service une catégorisation peut-elle rendre ? Si elle ne rend pas un service pratique, alors il est idiot de l'utiliser. C'est de la pédanterie (quand c'est juste), ou un scandale (quand c'est faux).

Pour autant, on comprend que l'enseignement culinaire ne doive pas montrer seulement de la technique, mais s'élever à de la technologie, plus puissante.

De sorte que se pose la question de voir plus loin que le geste technique. Voir quoi ?

Comparons un pot-au-feu et un poulet rôti : on voit bien une différence, à savoir que le poulet devient croustillant et brun, alors que la viande de pot au feu devient grisâtre et molle (dans les bons cas). Si l'on analyse, ce n'est pas la question du brunissement qui est première, mais le fait que, à plus de 100 degrés (pour le rôtissage), l'eau de surface s'évapore, et la viande croûte ; ce qui ne se produit pas dans le cas du pot-au-feu.

Et c'est la raison pour laquelle, dans Mon histoire de cuisine, j'ai proposé 14 commandements aussi fondamentaux que simples, et véritablement "technologiques", car il donnent es véritables clé de la technologie culinaire au lieu d'être des mots de plus de trois syllabes prétentieusement plaqués sur les notions variables et floues.

Aujourd'hui, la question se pose à nouveau à propos de la cuisson des légumes et, de nouveau, je dépiste des terminologies foireuses.

Mais il se trouve que au même moment, je vois pour la pâtisserie des incohérences... avec le même phénomène d'interprétations technologiques fautives. Là encore, je retrouve la prétention qui ne prend pas la technologie au phénomène, mais introduit des terminologies fautives.

Il y a donc lieu de mener un grand combat, de faire un grand ménage et si nos élèves gagnent à savoir faire des gestes particuliers tels que rôtir, sauter, et cetera, il y a surtout à donner les clés technologique, car,  je le répète,  pour la pâtisserie, il y a surtout dans deux idées,  à savoir que
1. quand on m'alaxe de la farine et de l'eau, on obtient une pâte de plus en plus ferme,  parce que des protéines liées par de l'eau forment un réseau, nommé "réseau de gluten", 2. si l'on ajoute du sucre à une pâte ferme, elle perd sa fermeté, s'effondre,  parce que le sucre capte l'eau pour former un sirop dans lequel les grains d'amidon sont dispersés.
Arrêtons-nous là, et on aura déjà rendu bien service !