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samedi 29 décembre 2018

Commentaires

Un collègue (au sens de l'intérêt pour l'apprentissage ou les études, termes que je préfère à celui d'enseignement) me soumet un texte du logicien britannique Bertrand Russell, en me demandant un point de vue.
Disons quand même que je ne suis capable que de lire les mots qui sont écrits, pour essayer de les comprendre, assez naïvement.
Et c'est donc naïvement que je commente, en alternant le texte de Russell en italiques, et mes commentaires en romain :

"Aucune de nos croyances n'est tout à fait vraie."

J'observe que Russell parle de croyances, quand ce qui me passionne, ce que j'essaie de connaître, c'est la science, ou, plus exactement, la recherche scientifique, dont on ne répétera jamais assez la "méthode" (le cheminement, donc, que je décris ci dessous). Donc, il est question de ce que je cherche personnellement à éviter.
Des croyances ? Si l'on admet qu'il s'agisse d'un  processus mental expérimenté par une personne qui adhère à une thèse ou une hypothèse, de façon qu’elle les considère comme vérité, indépendamment des faits, ou de l'absence de faits, confirmant ou infirmant cette thèse ou cette hypothèse, on voit bien que je les déteste : d'abord, il y a la question de la vérité, qui n'existe pas en science, où l'on doit réfuter, plutôt que prétendre démontrer, mais, surtout, il y a la position de prendre parti indépendamment des faits ! Désolé, mais cela sent le soufre de l'esprit magique ! J'ajoute que les Lumières, dont je réclame que l'on prolonge l'esprit,  combattaient les croyances, en même temps qu'elles luttaient contre les tyrannies. Or prétendre à des thèses sans tenir compte des faits, n'est-ce pas le début de la fin en termes de paix sociale ?


"Toutes recèlent au moins une ombre d'imprécision et d'erreur." 

Dire que toutes les croyances recèlent imprécision ou erreur me semble une généralisation excessive : dans l'ensemble infini des positions arbitraires, pourquoi n'y en aurait-il pas qui soient justes ? Ou, du moins, qui ne soient pas contraires aux faits ?
Et puis, il faut quand même revenir aux "croyances", puisque j'ai parlé de positions. Par exemple, si je fête la Saint Nicolas, au mépris des faits historiques, n'ai-je pas le droit de le faire, très légitimement ? Après tout, il ne tient qu'à moi, sans gêner les autres, d'organiser une jolie fête qui me permettra de réunir ceux que j'aime, non ?


"On connaît bien les méthodes qui accroissent le degré de la vérité de nos croyances; elles consistent à écouter tous les partis, à essayer d'établir tous les faits dignes d'être relevés, à contrôler nos penchants individuels par la discussion avec des personnes qui ont des penchants opposés, et à cultiver l'habitude de rejeter toute hypothèse qui s'est montrée inadéquate."

Moi, je ne connais rien du tout, et je ne comprends pas comment Russell peut livrer une telle affirmation. D'ailleurs, pourquoi l'intuition ne pourrait-elle pas aussi jouer rôle ?
Écouter tous les partis ? Ils sont en n ombre infini, de sorte que, à ce jeu, je risque de n'en prendre aucun.
Essayer d'établir tous les faits ? Mais à quoi bon "accroître le degré de vérité de nos croyances", puisque le fait que les croyances soient des croyances est au mépris de faits ? Pourquoi vouloir des "croyances plus fiables", en quelque sorte, et non pas se débarrasser des croyances ? Mehr Licht !
Cultiver l'habitude de rejeter toute hypothèse qui s'est montrée inadéquate ? Oui, c'est la moindre des choses, mais on va là dans le chemin de la Raison, en non plus de la croyances.


"Dans la science, quand il ne s'agit que d'une connaissance qui ne peut qu'être approximative, l'attitude de l'homme est expérimentale et pleine de doutes."

Là, je doute de la traduction, mais, surtout, il y a ce mot "science" qui est bien ambigu, car les sciences de l'humain et de la société ne sont en aucun cas les sciences de la nature.
Ces dernières sont les seules dont je puisse parler raisonnablement. Oui, l'attitude est alors expérimentale. En revanche, l'attitude est-elle dans le "doute" ? Proposer la réfutation des théories comme méthode n'est pas la même chose que douter.
Pour mieux me faire comprendre, je reprends la méthode des sciences de la nature :
1. identifier un phénomène : là, il n'y a pas de doute

2. le quantifier : encore un travail technique où le doute n'a pas sa place

3. réunir les données en équations ("lois") : aucun doute non plus, même s'il y a la question de la généralisation,  que je considère maintenant sur un exemple :
Mettons-nous dans la peau de Georg Ohm, qui, il y a quelques siècles, mesure l'intensité d'un courant électrique en fonction de la différence de potentiel électrique, dans un circuit très simple fait d'un générateur électrique et d'une résistance. Il applique une différence de potentiel et mesure une intensité ; puis il applique une autre différence de potentiel et mesure une autre intensité ; et ainsi de suite dix ou cent fois de suite. Quand il trace un diagramme de l'intensité en fonction de la différence de potentiel, il voit que les couples (intensité, différence de potentiel) s'alignent environ sur une droite, ce qui montre une proportionnalité... et il introduit la notion de résistance électrique. Dans cette proposition, il y a plusieurs idées merveilleuses :
- d'une part, Ohm fait l'hypothèse que même pour des valeurs de différence de potentiel, il y aura proportionnalité ; observons qu'on n'en sait rien, mais on fait une hypothèse, que l'on se réserve le soin de tester ; et comme c'est une hypothèse, on ne sera pas désarçonné si la courbe se révèle en réalité être une oscillation, ou des marches d'escalier, par exemple, au lieu d'être une droite
- d'autre part, il y a dans la proposition d'une proportionnalité des "approximations", en ce que les expériences ne montrent en réalité aucun alignement parfait de tous les points de mesure. Là, il y a non pas une croyance, mais un acte de foi, exprimé par Galilée dans la sentence  "Le monde est écrit en langage mathématique". Ce qui me conduit au troisième point
- souvent, la proportionnalité s'impose, quand il y a des variations continues, en vertu de la nature même du calcul différentiel et intégral, qui a fait la physique classique : dans un petit intervalle, et notamment près de zéro, toute courbe continue et dérivable est assimilable à un segment de droite .
Pour en fini avec ce point 3, il n'y a pas de doute, mais de l'ignorance que l'on combat positivement, sur la base de mesures qui ont été faites et qui valent ce qu'elles valent, à savoir ce que valent les instruments de mesure, maniés par des expérimentateurs humains, donc faillibles, d'autant qu'ils sont portés par des théories insuffisantes (mais ils ont le droit de ne pas être imbéciles, et de savoir que le diable est caché derrière tout résultat expérimental et tout calcul, par exemple).

4. induire une théorie, en introduisant des concepts, des "objets théoriques", quantitativement compatibles avec les lois qui sont réunies dans la théorie. Ici, il y a de l'induction, et non de la déduction, mais :
- d'une part, les nouveaux objets ou concepts introduits ne sont que des propositions théoriques, et pas des "vérités", surtout si l'on regarde ce qui suit (5 et 6)
 - les nouveaux objets et concepts doivent être quantitativement compatibles avec les lois

5. chercher des conséquences théoriques testables : là, pas de doute non plus.

6. tester expérimentalement les prévisions théoriques (ce que j'avais nommé les "conséquences théoriques testables") : pas de doute à avoir.



Finalement, je ne comprends pas bien Russell, parce que son propos ne colle pas avec ma pratique scientifique quotidienne. D'ailleurs, j'ajoute une différence entre la "science" et la "recherche scientifique". Je sais bien ce qu'est la recherche scientifique : une activité que je viens de décrire. Mais la science ? Est-ce un état ? Une pratique ? Un résultat ?


"Tout au contraire en religion et en politique : bien qu'ici il n'y ait encore rien qui approche de la connaissance scientifique, chacun considère qu'il est de rigueur d'avoir une opinion dogmatique qu'on doit soutenir en infligeant des peines de prison, la faim, la guerre, et qu'on doit soigneusement éviter d'entrer en concurrence par arguments avec n'importe quelle opinion différente."

Là, je crois reconnaître que ce texte est un extrait de Two cultures ?
Cela dit, religion, politique : n'aurions-nous pas raison de nous demander ce qu'aurait dit Denis Diderot de tout cela ? Et le "dogme" ? Et ces "arguments", qui me font immanquablement penser à cette règle numéro 5 de Michael Faraday "Ne jamais participer à une controverse"...
Enfin, il y ces "opinions" que je déteste : n'importe quel imbécile aviné a des opinions. Notre humanité ne mérite-t-elle pas mieux ?


"Si on pouvait seulement amener les hommes à avoir une attitude agnostique sur ces matières, neuf dixièmes des maux du monde moderne seraient guéris ; la guerre deviendrait impossible ; car chaque camp comprendrait que tous les deux doivent avoir tort. Les persécutions cesseraient. L'éducation tendrait à élargir les esprits et non à les rétrécir".

Oh le bel idéalisme...  Mais tout cela ne me va guère : où notre homme a-t-il mesuré neuf dixièmes ? Et surtout, avec des "si", on mettrait Paris en bouteille. Je m'étonne même de la naïveté de cette phrase, qui aurait mérité une rhétorique plus affinée. Et une analyse : faut-il de l'éducation ou de l'instruction ? Et aurait-on tout d'un coup oublié les enseignements platoniciens ?
Bref, la question est surtout de savoir comment promouvoir un esprit analytique, comment asseoir la Raison, comment allumer les Lumières ? Rien que réunir les hommes, les femmes, les enfants pour discuter de cette question est un pas vers l'amélioration souhaitée par Russell... et par tous les humains de bonne volonté, n'est-ce pas ?

mardi 11 août 2015

Je tiens mes références à votre disposition

Alors que chacun peut publier sur internet à peu près n'importe quoi, se pose la question de savoir quel crédit accorder à des propos ainsi publiés. Le fait qu'un site soit "plébiscité" (sélectionné par le peuple) ne dit rien de sa qualité, et l'on connaît milles sites internet pourris ou minables qui sont pourtant largement visités. D'ailleurs, la recette est simple : si l'on publie des "actualités", si l'on est un peu populiste ou démagogue, alors on aura des chances d'être lu. La recette de la malhonnêteté est connue depuis longtemps : le philosophe grec Platon, il y a plus de 2000 ans, dit déjà combien l'art oratoire peut convaincre, alors même que les idées propagées sont fausses ; et l'auteur grec Aristophane nous décrit un état de la Cité qui ressemble étrangement à celui d'aujourd'hui. Rien de nouveau sous le soleil.
Mais là n'est pas l'objet de mon billet. Je veux oublier les minables, pour me consacrer à la diffusion de faits justes, d'idées intéressantes, de valeurs loyales... Mes billets vont toujours dans le sans de la vérité, et pas de l'idéologie ni de la tromperie, quelles que soient mes "opinions" (d'ailleurs, je préfère les idées aux opinions, parce que je n'ai pas de temps à perdre en discussions d'opinions discutables par essence).
Je produis donc des billets qui donnent des faits... mais je suis conscient que mes amis sont en droit de se demander si ce que j'avance est juste. En quoi mes blogs différeraient-ils d'autres qui seraient plus tendancieux ?
Une solution pourrait être de donner des références scientifiques, mais elle ne serait pas parfaitement satisfaisante, car bien des sites citent des références "pourries". Faire une référence n'est pas une garantie : les scientifiques le savent bien, eux  qui croisent les références, font des études aussi exhaustives possibles des sources, tout en analysant ces dernières (par exemple, les parties intitulées "Matériels et méthodes" des publications scientifiques en disent long sur la qualité des travaux). Les bons scientifiques ne confondent pas les corrélations et les causalités, par exemple, et ils évitent comme la peste les adjectifs et les adverbes, les remplaçant par la réponse à la question "combien ?". Ils refusent absolument l'argument d'autorité, et ils veulent des monstrations de tout ce qui est avancé.
Scientifique moi-même, je fais donc ce travail, mais je n'ai pas pris la décision d'encombrer mes textes avec les références que j'ai consultées. Pour autant, je tiens à la disposition de tous mes  amis (et aussi mes ennemis si j'en ai... bien que je sois de ceux qui considèrent que les chiens aboient et que la caravane passe) toutes ces références, et aussi les textes complets, quand j'ai le droit de les partager. Naguère, j'avais un blog où, une fois par semaine, je faisais l'éloge d'un bel article, mais, parce qu'il y avait plus urgent (notamment à propos de l'apprentissage par les étudiants), j'ai mis cela de côté. Pour autant, je continue de tenir à la disposition de qui veut les références des articles qui établissent que "bon pour la santé" est une impossibilité, que 99,99 pour cent des pesticides ne sont pas produits par l'industrie chimique mais par les plantes elles-mêmes, que la peau des pommes de terre nous expose à des poisons, lesquels résistent aux températures des bains de friture, etc.
 Bref, n'hésitez pas : je me ferai un plaisir de donner mes références, le cas échéant.