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lundi 3 juillet 2023

Emerveillons-nous des sciences, émerveillons-nous de la technologie, émerveillons-nous de la technique

J'insiste : aux jeunes, nous devons offrir deux voies également passionnantes, à savoir la technologie, d'une part, et la science quantitative, d'autre part. 

Il est temps que nous apprenions à nous émerveiller des extraordinaires résultats de la technique et de la technologie. 

Nos systèmes de chauffage, de transport, nos médicaments, nos cosmétiques, nos peintures et vernis, nos systèmes électroniques et informatiques... Derrière presque chaque objet de notre quotidien, il a de l'intelligence technique, de l'intelligence technologique, et parfois des applications des sciences... 

 

Mais faut-il que je retombe dans ce travers qui consiste à mettre la science très haut, et la technologie en dessous, en position de mettre en œuvre les résultats des sciences, et seulement eux ? Après tout, le fil à couper le beurre a été inventé sans que l'inventeur ne fasse usage de résultats des sciences. 

C'est là le sens d'un changement important, que je viens de faire : dans nos rendez-vous, il n'y aura plus ce « Vive les applications des sciences », mais seulement un « Vive la technologie ». Car, au fond, un ingénieur utilise tout aussi bien la langue naturelle que les résultats des sciences, pour ses innovations. 

 

Oui, les connaissances produites par la science peuvent être utilisés, mais ce serait une erreur que la technologie se limite à ces résultats. Bref, vive la technologie ! Cela étant posé, considérons la technologie. Quelle est sa méthode ? Y en a-t-il plusieurs ? 

Pour les sciences quantitatives, j'ai exposé ailleurs la stratégie générale d'observation de phénomène, de quantification, de réunion des données en lois synthétiques, de recherche inductive de mécanismes, de recherche de conséquences de la théorie et de tests de ces conséquences, à la recherche de réfutation. 

Mais pour la technologie ? Le but étant différent, on conçoit que la méthode soit également différente. Quelle est-elle ? La question est essentielle, parce que nous avons à enseigner à des jeunes ingénieurs. Et la technologie (certains disent l’ingénierie) ferait sans doute une erreur en reprenant la méthode des sciences quantitatives, parce qu'elle serait alors conduite sur la voie scientifique, qui n'est pas la sienne . 

 

Bref, je pose la question, en la divisant : - en supposant que la technologie fasse usage de résultats des sciences, comment doit-elle chercher ces résultats ? - dans la même hypothèse, comment la technologie peut-elle choisir, parmi l'ensemble des résultats, ceux qui pourront faire l'objet d'un transfert technologique ? - comment bien faire les transferts technologiques ? 

 

Je crois que le chantier est urgent. Des idées ?

vendredi 26 août 2022

Le diable est tapi dans les laboratoires



1. Introduction

Je sais bien que des amis m'ont dit qu'il ne fallait pas dire "C'est simple", à des étudiants, mais :
1. je crois que ce conseil est mauvais
2. j'ai analysé ma position et je l'ai publiée
3. je crois que, si c'est un encouragement, alors c'est utile
4. quand on avance pas à pas, le plus long des chemins n'est qu'une succession de pas (qui veut voyager loin ménage sa monture, en quelque sorte).

Voir :

 

En l'occurrence, je propose de voir, avec un nouveau texte, qu'un mélange de calculs simples, formel et numérique, permet d'analyser des cas analytiques pathologiques (en rappelant qu'analyse et synthèse sont indissociables, en chimie et en physico-chimie.


2. La question posée : l'intégration des signaux


Le texte complet est téléchargeable ici :

jeudi 21 avril 2022

Une méthode professionnelle ? Ce n'est pas du baratin au café du commerce

Une méthode professionnelle,  ce n'est pas un baratin tel qu'on le tient au bistrot !

Dans un jury de concours, un de mes collègues demande à un candidat quelle est sa méthode pour chercher de l'information, et nous entendons un discours très long qui nous dit finalement que, parmi les professeurs de cet étudiant, il y en a un qui est très bien et que l'on peut interroger pour obtenir de l'information.

Je résume ici ce qui a fait l'objet d'un (trop) long développement, en beaucoup de phrases qui n'ont pas convaincu (d'accord, nous sommes bêtes, mais pas au point de ne pas comprendre  une réponse) et qui, en réalité, sont un peu rédhibitoires, en ce sens qu'elles voulaient nous "bourrer le mou".

Mais qu'importe, je prends  surtout cette anecdote comme une occasion d'expliquer à des jeunes amis qu'une méthode professionnelle (la recherche d'informations professionnellement utiles) n'est pas une sorte de vague sentiment, et certainement pas la consultation d'une personne isolée, puisque même si cette personne est merveilleuse, elle est humaine, donc insuffisante.


La recherche d'informations se fait au minimum par croisement de plusieurs informations.


Mais il y a aussi la question du niveau d'information voulu, et c'est ainsi que, dans mes cours de Master, je m'élève périodiquement contre des dessins de vulgarisation que l'on nous propose  : un cours de Master, ce n'est pas une histoire qu'on raconte aux enfants à la veillée.

En science et la technologie, il y a l'équation, le quantitatif, et c'est un minimum professionnel que la description soit en ces termes.

Un conte, c'est bon pour des enfants que l'on endort, mais ce n'est pas professionnel,  parce que ce n'est pas réfutable, pas quantitatif.

Et puis,  qui nous prouve que ces informations soient justes, que les descriptions données soient légitimes ?

Seule la question quantitative permet de trancher, de sorte que l'on peut déjà conclure que  la recherche d'informations passe nécessairement par l'obtention d'informations quantitatives, croisées les unes aux autres, avec un objectif initialement bien fixé.

Oui, un objectif bien fixé : une question précise, une analyse terminologique de la question pour qu'elle soit bien posés et qu'elle puisse être bien explorée.

Mais, ensuite,  un ensemble de sources qui ne se résume pas paresseusement à une seule.

Bref il y a une méthodologie de la recherche d'informations, qui mérite mieux qu'un paresseux "Je vais demander à un gentil professeur".

J'ajoute que l'objectif de ce billet n'est pas de dénoncer la paille dans l'oeil de candidats,  mais,  au contraire, de rendre service aux futurs candidats... en évitant la poutre qui pourrait venir dans notre œil à nous.


dimanche 23 janvier 2022

Avant de nous mettre en route...

 Sélectionner la méthode qui permet d'atteindre l'objectif ?



Commençons par dire que, avant de se lancer dans un travail, il vaut mieux avoir bien clarifié  l'objectif.

Se lancer dans un travail, c'est comme se mettre en chemin. Or si nous ne savons pas où nous allons, quand nous prenons la route, il ne nous sera pas possible d'atteindre l'objectif (puisqu'il n'existe pas°;
Oui, si je ne sais pas que je veux aller à Colmar, alors, je risque d'arriver à Marseille,  ou à Bordeaux.

En revanche, l'objectif étant choisi, on peut alors déterminer la méthode pour l'atteindre.
On peut déterminer la méthode, c'est-à-dire le chemin... puisque, en grec, méthode signifie choix du chemin !

Et le chemin, c'est aussi le moyen de le parcourir : à pied, en vélo, en avion...

Dans la vie, les choses sont plus compliquées, et notamment parce qu'on ne sais même pas si un chemin existe, si un chemin est praticable.

Autrement dit, nous avons lieu de bien réfléchir, quand nous nous mettons en route, quand nous nous lançons dans un travail.

Et, au cours de nos études, de nos travaux, de nos recherches, nous ne pouvons faire l'économie de toutes ces réflexions.

samedi 22 janvier 2022

Regardons aussi le mauvais pour en prendre le contrepied et atteindre de l'amélioré

 Il y a une sorte de journalisme scientifique que je n'aime pas : celui qui consiste à produire des articles où l'on raconte sa propre implication personnelle dans la découverte des faits que l'on veut exposer (pour faire "vivant"), en y introduisant par-ci par-là des phrases qui auraient été dites par des scientifiques que l'on a rencontré.

Je n'ai rien contre cette façon de faire, quand c'est bien fait,  mais la systématisation, qui s'apparente à la faute du "cliché" quand on parle, me semble être une faute, et le signe d'un travail insuffisant.

Oui, tout d'abord, il peut y avoir de la répétition, du style... mais encore faut-il que ce soit personnel. Or, ces temps-ci, de trop nombreux journalistes usent de cette manière d'exposer les résultats scientifique pour que l'on ne retrouve pas le procédé, texte après texte.
 
D'autre part, il y a la question de l'intelligence, donc du travail. Dans les textes, on juge en quelques phrases de l'intelligence de celui ou de celle qui a écrit... mais cette "intelligence", c'est en réalité du travail. Et l'absence d'intelligence est une absence de travail, une élaboration insuffisante.
A ce propos, comment éviter de citer un de mes amis physiciens qui, interrogé sur sa méthode pour devenir intelligent, m'avait répondu : "Je me filtre" ? Nous sommes tous logés à la même enseigne, mais "les écrivains ne trouvent pas les mots ; alors ils les cherchent".

Une des fautes courantes du type de journalisme que je critique ici, c'est de mettre dans la bouche des personnes citées, des phrases idiotes. Car, la teneur de l'information étant donnée sous la pensée du ou de la journaliste, il ne reste plus que des platitudes à ajouter.
Et c'est ainsi que, souvent, les personnes citées se limitent à du "Par ici mes belles oranges pas chères". J'entends par là qu'on leur fait dire que le résultat obtenu est "très important" (argument d'autorité sans intérêt, d'une part, fautif intellectuement d'autre part).

Mais il y a pire : le "moi je" qui est l'angle retenu dans ce type d'article me fait immanquablement penser à ces livres des mauvais auteurs, refusés par tous les éditeurs, où l'ego s'étale de façon lamentable, ces auteurs n'ayant pas compris que le narrateur de la Recherche du temps perdu n'était pas l'auteur !



Bref, je ne dis pas que cette forme de journalisme ne puisse être très bien conduite, mais cela demande beaucoup de travail, sans doute plus de travail que simplement raconter un peu platement le résultat scientifique nouveau qui a été obtenu.
D'autant que l'on sent les débutants qui mettent en oeuvre naïvement la méthode qui leur a été enseignée dans leur école.

Réfléchissons-y bien, la prochaine fois que nous serons tentés de faire ainsi.



vendredi 7 janvier 2022

Quelle belle découverte !

Quelle belle découverte !

Dans la série des émerveillement, il y a la découverte des fullérènes, ces composés dont les molécules sont en forme de ballon de football, avec 60 atomes de carbone aux nœuds d'un réseau refermé en sphère.

Le carbone est un élément dont il existe plusieurs variétés pures : il y a d'abord le graphite, où les atomes de carbone sont arrangées en réseau hexagonal, comme un nid d'abeille, ce qui forme des plans superposés, donc des possibilités de cliver le graphite entre les plans ; et il y a le diamant, qui est une structure bien plus complexe, d'une dureté tout à fait extraordinaire.

J'insiste un peu : le noir graphite et le cristallin diamant sont tous deux des matériaux fait uniquement d'atomes de carbone.

Et ce qui est merveilleux, ce qui fut un séisme parmi les chimistes, c'est qu'une nouvelle variété de carbone fut découverte il y a quelques décennies : le fullérène.
En réalité, on dit plutôt "les fullérènes", au pluriel, car on a vite découvert qu'il n'y avait pas seulement cette molécule de formule C60, à soixante atomes de carbones, mais aussi des cousins chimiques de la molécules.

J'arrive maintenant à la découverte : on connaissait donc le graphite et diamant, mais des études d'astrochimie, des explorations des molécules qui se trouvent dans l'espace interstellaire, et des analyses de la suie - oui : vous avez bien entendu : de la suie de cheminée -ont montré que se trouvaient dans ces deux environnements des molécules de formule C60.

C'était tout à fait extraordinaire, c'était une vraie découverte au sens littéral du mot "découverte", et les travaux ont été rapidement, et légitimement, récompensés par le prix Nobel de chimie.

Oublions l'interstellaire, qui fut un détour utile, mais le fait est là : il y avait depuis toujours, sous nos yeux, dans cette suie banale, des objets que l'on ne voyait pas et que des chimistes ont découverts. Il y avait des composés, présents en abondance, mais nos esprit n'avait pas permis à nos "yeux" de les voir.

Cette idée de la découverte des fullérènes doit nous accompagner dans toutes nos recherches scientifiques, n'est-ce pas ?

jeudi 10 juin 2021

Comment expliquer ?


Comment expliquer ? Il faudra que j'examine aussi la question "Comment comprendre ?", car elle me semble bien proche : si je ne sais pas expliquer parfaitement,  cela ne signifie-t-il pas que je ne comprends pas "parfaitement" ?
 

Cela étant, il faut commencer par  poser la question "Pourquoi expliquer ?", ou encore "Faut-il expliquer ?", avant de se demander "Comment expliquer ?" ! Car si l'on vise l'autonomie de nos amis, pourquoi ne les pousserions-nous pas à compendre par eux-mêmes, en autonomie ?
 

Bien sûr, cela suppose des documents pour que nos amis puissent comprendre par eux-mêmes, mais :
- il y en a plein internet
- laisser nos amis chercher, c'est les habituer à aller chercher, sans se reposer sur quelqu'un qui leur donne la béquée.
Bref, faut-il vraiment expliquer ? Je propose de laisser la question sans y répondre vraiment.  

Quand je fais un inventaire des explications, je vois quand même que la plupart semble partir du connu pour aller vers l'inconnu.
 

Evidemment, on peut concevoir de donner à nos interlocuteurs une phrase incompréhensible que l'on décortique ensuite, mais alors, puisqu'ils ne la comprennent pas, qu'ils ne comprennent donc pas l'objectif de l'explication, pourquoi la donner ?

Décidément, je n'arrive pas à penser que l'on doive faire ainsi, et je préfère de loin aller lentement du connu vers l'inconnu.

Oui, lentement, car on nous suit difficilement si nos pas sont trop grand. Autre façon de le dire :  les petites bouchées sont plus faciles à avaler que les grosses, raison pour laquelle on mastique pour diviser l'aliment avant de déglutir.

D'ailleurs,  je crois préférable, quand on emmène quelqu'un avec soi vers l'état "une explication donnée", que l'on fasse suivre un chemin peut-être expliqué à l'avance,  mais, en tout cas, pour lequel les pas ne seront pas de géants. Nous devons marcher lentement, et nous assurer qu'ils nous suivent. Mieux dit : il vaut mieux marcher à leur rythme, pas au nôtre.

Cela dit, je vois que reprendre le chemin historique qui a conduit à la découverte de ce que l'on veut expliquer est parfois c'est une bonne chose, à condition d'être capable de ne pas se perdre dans les méandres de l'histoire.
Bien sûr, comme pour la consultation d'un dictionnaire, on s'amusera des méandres de l'histoire, on admirera en chemin les avancées des scientifiques du passé, on ne perdra pas son temps si l'on entre un  peu dans le détail de l'histoire... mais on ne devra jamais oublier que l'objectif est que nos amis comprennent le point que l'on tente d'expliquer. Et puis, il faudra prendre garde de ne pas allonger trop le chemin, sans quoi nous fatiguerons nos amis. Bref, souvent, il est important  d'arriver aussi vite que possible au point visé.

D'autant que,  le plus souvent, nos amis ne comprennent pas parce qu'il leur manque des bases, c'est-à-dire la connaissance d'objets ou de notions qu'ils sont découverts il y a longtemps, mais qu'ils n'ont pas toujours bien compris alors, et dont ils ont même oublié l'existence. Là, c'est grave, car on ne peut pas construire sur des sables mouvants, et il faut reprendre à la base, commencer par établir des fondations solides.

Une autre façon d'expliquer consiste à simplifier le problème, à prendre un exemple aussi simple que possible, à réduire le nombre de dimensions du problème considéré...
Cette stratégie est excellente quand on calcule,  car elle permet de mieux percevoir la méthode, le chemin.

Avec une question récente sur la mécanique quantique, j'analyse maintenant que la présentation d'expériences fondatrices est également utile :  pour la mécanique quantique, c'est l'expérience des fentes d'Young, qui fut un obstacle terrible à la constitution cette mécanique quantique.
Cette explication  pourrait venir en plus de la présentation historique de ce que l'on a nommé la "catastrophe ultraviolette" qui a conduit le physicien allemand Max Planck à découvrir les quanta, le fait que l'énergie puisse être communiquée de façon discontinue, et non pas continue.

Évidemment, quelle que soit l'explication, la question des mots est essentielle, car il est certain que nos amis auront du mal s'ils ne captent pas les mots individuels des explications. Ce matin même, l'un d'entre eux hésitait sur "irrémédiablement", un autre sur "glauque", un troisième sur "rutilant", un quatrième sur "énergie"... Il y a donc lieu de s'assurer que chaque mot est bien compris. 
D'ailleurs, puisque cette question des mots est posée, on prendra garde à n'utiliser que des mots simples, avec aussi peu de syllabes que possible, compréhensibles par tous (éviter "ontologique", "paradigmatique", etc.), mais, aussi, à éviter des mots superflus, selon le bon principe selon lequel tout ce qui est superflu est gênant. 

A propos des mots, on évitera le jargon, voire les trop nombreuses abréviations, car si elles ne sont pas familières, elles imposeront des "traductions mentales" qui ralentiront nos amis, voire les feront trébucher.
Bien sûr, il y a des "clichés" qui, aussi, sont néfastes, et qui font tomber beaucoup des étudiants. Je pense à "niveau d'énergie", qui peut utilement être remplacé par "énergie".

Et des mots, passons à la structure des phrases : évidemment, on priviligiera des phrases simples (sujet-verbe-complément) et courtes.

Et là, il y a des choix à faire pour ne pas non plus se perdre dans des explications trop longues.

Dans mon examen des méthodes d'explication, je dois évidemment me souvenir du Théétète de Platon, pour lequel un ensemble de questions et réponses (la méthode nommé maïeutique) a montré à un jeune esclave avait en lui la connaissance du fait que la racine carrée de deux est irrationnelle. Je l'explique pas ce dont il s'agit, mais je veux insister sur le fait que Platon nous a beaucoup ébloui, au sens littéral du terme et que nous devrions nous méfier des mythes qu'il a construit, notamment celui qui consiste à penser que nous avons déjà tout en nous et que c'est seulement en le sortant de nous-mêmes que nous arriverons à savoir que nous le savons.
Je  ne brûle pas complètement ce que j'ai adoré, mais j'observe que si la méthode de la maïeutique est extraordinaire, efficace,  merveilleuse, le mythe propagé par le dialogue évoqué doit être oublié.

D'autres méthodes ? Hier, avec un jeune ami, nous avons regardé un document que j'avais rédigé pour expliquer un point de chimie, et en le lisant mot à mot, et en l'interrogeant  sur chaque terme, j'ai vu combien mon document était imparfait.
Il faut dire que mon ami est une de ces personnes remarquables qui osent dire quand elle nes comprennent pas, ce qui est une qualité essentielle.
Bref, grâce à lui, j'ai considérablement amélioré mon document impartant. Bien sûr, j'avais des excuses, puisque j'avais écrit ce texte que nous avons regardé en plus de mon travail en quelques sorte, mais quand même, j'ai vu que j'étais un peu snob, un peu rapide, et que, de ce fait, mon impatience me conduisait à ne pas expliquer suffisamment. J'ai vu aussi des imperfections de détails : un mot qui manquait, une faute d'orthographe, un symbole insuffisamment présenté, expliqué... Le texte est maintenant corrigé, mais, en relisant, je vois bien mieux qu'il y aura lieu de développer encore un peu, au moins pour l'ami que j'évoque.
Bien sûr il y en a d'autres amis qui ont déjà nombre de notions que j'ai détaillées pour la personne que j'ai évoquée, et ils trouveront peut-être mes explications détaillées un peu pesantes... mais, au fond, je les invite à ne pas être rapides, impatientes, car l'histoire des sciences a trop souvent montré que c'est en revenant aux notions élémentaires que l'on faisait les révolutions scientifiques les plus profondes. Et puis, cela faire rarement du mal de s'assurer que nous avons bien compris nous-même.
Personnellement, il m'arrive excessivement souvent de reprendre des idées très élémentaires il m'interroger, je n'ai jamais regretté d'y passer un peu de temps parce que, regardant avec des points de vue différents, puisqu'ils ont changé avec le temps (pensons  à Héraclite pour qui tout coule), j'ai vu les choses différemment, et j'ai mieux détecté des zônes d'ombre qu'il me fallait éclairer.

Dans les méthodes d'explication, je ne veux pas oublier la manière qui consiste à bien distinguer ces diverses catégories que sont les informations, les méthodes, les concepts, les valeurs, les anecdotes. C'est ainsi que je structurai naguère des cours, et le fait de bien situer mon discours dans ces catégories semble avoir aidé mes amis.
En prenant garde aux  "histoires" que l'on raconte : certes, beaucoup aiment cela, ce qui leur permet de ne pas décrocher ("Si Peau d'Âne m'était conté, j'y prendrais un plaisir extrême, disait Jean de la Fontaine), mais on évitera que nos interlocuteurs ne soient fascinés par les histoire au point de perdre l'idée que c'est  le contenu de l'explication, le fond, qui importe.

Et puisque j'évoque mes cours,  je vois que j'aurais dû renvoyer vers mon blog sur la rénovation des études supérieures, car il y a un énorme groupe de billets qui discutent  les différents aspects des études  : n'est-ce pas la question évoquée ici ?
Voir http://www2.agroparistech.fr/-A-propos-d-etudes-superieures-mais-pas-seulement-.html

Et la s'impose une autre discussion à propos du formalisme, qui nous permet de penser un peu automatiquement, car c'est comme une machine dont on tournerait la manivelle et qui produirait automatiquement des conséquences, des conclusions, des idées qu'on avait pas et qui apparaissent merveilleusement.
J'aime évidemment beaucoup cela, et c'est la raison pour laquelle je partage avec Galilée son idées extraordinaire selon lequel le monde est écrit en langage mathématique. Au fond, c'est cette idée qui me fait lever le matin : cette adéquation les mathématiques avec les phénomènes.

Et cette question du formalisme me conduit à celle de l'abstraction : j'aurais dû me souvenir plus tôt de cas pathologiques, par exemple cette élève à  qui je donnais des cours particuliers,   il y a 40 ans, et qui ne parvenait pas à comprendre qu'une lettre puisse représenter plusieurs quantités à volonté. Évidemment son accès au formalisme algébrique était impossible, de sorte que j'avais dû lui conseiller de ne pas chercher à comprendre certains points particuliers, mais les accepter et faire fonctionner le formalisme automatiquement, comme un outil que serait un marteau  ou un tournevis.

Je dois également me souvenir des difficultés de nombreux camarades, au moment des mathématiques modernes, notamment avec la notion de classe d'équivalence.
J'ajoute qu'il est amusant que les mêmes qui critiquaient les mathématiques modernes pour leur abstraction ne voyaient pas de difficultés à imaginer des droites, en géométrie, sans épaisseur, infiniment fines.

J'en suis là, et je vois que ce billet doit se poursuivre, à mesure que j'identifierai des méthodes d'explications, à moins que des amis ne m'en donnent pour ma "collection".



mercredi 2 décembre 2020

Oui, décidément, pas de sciences de la nature modernes sans "calcul" !

 Une discussion

Alors que j'expliquais que les sciences de la nature sont "d'abord du calcul", je reçois plusieurs commentaires à mon billet, dont celui-ci :

Je ne suis pas complètement d'accord avec vous. Les sciences de la nature ne sont pas essentiellement du calcul. Les sciences (et vous en serez je pense d'accord) sont d'abord de l'observation, puis de la modélisation, puis, au bout du compte, effectivement, du calcul.
Mais, à mon sens, l'étape "calcul" est loin d'être la plus intéressante. La meilleure preuve est que c'est celle qui est la plus facilement automatisable ou, pour le dire brutalement, celle qui est le plus facilement réalisable par la stupidité artificielle.


J'aime beaucoup quand des amis ne sont pas d'accord avec moi, parce que cela me montre soit que je me trompe, soit que je me suis mal expliqué. Dans les deux cas, j'ai une piste pour m'améliorer.

Ici, je crois que j'étais insuffisamment clair... mais je crois aussi que mon ami est un peu dans l'erreur, comme je vais essayer de l'expliquer.

Tout d'abord :
1. je distingue les mathématiques et le calcul. Les mathématiques, ce n'est pas du calcul, mais... des mathématiques, c'est-à-dire l'exploration du monde mathématique, des structures mathématiques... Un travail de mathématicien, bien difficile à définir (on a parfois dit en souriant "c'est ce que font les mathématiciens"), mais avec un objectif qui n'est pas celui des sciences de la nature, lesquelles cherchent les mécanismes des phénomènes. Et je nomme calcul l'usage des mathématiques.

2. je dois répéter que, pour les sciences de la nature, l'objectif est donc de chercher les mécanismes des phénomènes, mais il faut ajouter que cela se fait par une méthode bien particulière :
1.  Identifier les phénomènes, les mettre en évidence,
2. Puis les caractériser quantitativement, les mesurer, les "nombrer"... ce qui se fait parfois en même temps que l'identification précédente, mais qui, en tout cas, produit des quantités considérables de nombres, de résultats de mesure... Or que fait-on avec des nombres ? Des calculs, bien sûr !
3. D'ailleurs, c'est bien la troisième étape, qui consiste à synthétiser les mesures, à regrouper les données en  équations nommées "lois"... et l'on voit ici le calcul apparaître. Pas le calcul en termes d'additions, de soustractions, etc. mais en termes d'équations qui sont le plus souvent des équations aux dérivées partielles, notamment. Ce n'est pas du calcul, cela ?
4. Ayant ces équations, le travail est loin d'être terminé, puisqu'il faut faire maintenant quelque chose de particulièrement délicat, à savoir "induire" des théories, c'est-à-dire introduire des concepts qui donnent, avec l'ensemble des équations pertinentes, un cadre qui s'apparente à ces fameux mécanismes que l'on cherchait. D'ailleurs, il y a lieu d'ajouter que les notions introduites doivent être compatibles quantitativement (du calcul, vous dis-je) avec les équations qui composent la théorie.
5. Une fois cette théorie proposé, ce qui n'est pas facile, loin de là, il y a lieu de chercher des conséquences de la théorie proposée, de faire des déductions, en quelques sorte.
6. Puis vient l'étape qui consiste à  tester expérimentalement ces conséquences que l'on avait tirées de la théorie. Tester, cela signifie certes de faire une expérience, mais, surtout, de voir l'écart quantitatif -j'insiste- l'écart à la théorie, c'est-à-dire aux lois, aux équations.

Oui, les sciences de la nature sont, au total,  une activité merveilleusement  "complète", qui joint l'expérience au calcul. Mais pas au calcul simplet que l'on pouvait me prêter. Non, nous mettons des calculs bien plus complexes, dont on aura un avant-goût si l'on sait qu'Albert Einstein avait dû faire appel à son ami mathématicien Marcel Grossmann pour l'introduction des tenseur qui ont correspondu à la théorie de la relativité générale. Ajoutons que ce qui est dit ici d'Einstein, à la pointe du calcul du 20e siècle, pouvait se dire de Galilée, qui vivait à une époque où le calcul différentiel et intégral était à peine développé !   A une époque où le savait pas résoudre des équations du troisième degré ! Oui, Galilée, ou Newton,  par exemple, utilisaient les calculs les plus avancés de leur époque.  des ressources mathématiques exceptionnel pour son époque.

Et aujourd'hui ? Regardons la science moderne, et pas celle du passé. On y voit de la physique, qui, par exemple, cherche à immobiliser des atomes : à cette fin, les physiciens doivent utiliser  le formalisme de la mécanique quantique comme chante un rossignol. Regardons la chimie  : là, des calculs avancés, avec des ordinateurs, permettent de simuler le mouvement des atomes ou molécules, ou encore peuvent déterminer les interactions entre molécules voisines. La biologie ? Tout récemment, des programmes d'intelligence artificielle ont presque réussi à calculer - j'insiste : calculer- le repliement d'une protéine.
 
On le voit : la science moderne est bien loin d'une simple expérimentation comme on les montre dans ce merveilleux Palais de la découverte, et le calcul est partout. Oui, il y a lieu d'expérimenter, à plusieurs étapes du cheminement scientifique, mais mêmes ces expérimentations sont guidées par le calcul. Nous ne sommes plus à  la Renaissance !
Bien sûr, il faut aussi de la "dextérité", de l'ingéniosité, du Fingerspitzengefühl (l'intelligence du bout des doigts), mais tout cela se fonde sur des calculs. Bien sûr, il faut savoir aligner des miroirs sur un banc optique, préparer un montage de chimie pour éviter la moindre trace d'humidité ou d'oxygène, parfois, mais les raisons de ces gestes sont calculées. Et il ne faut pas confondre technique et science.

Vraiment, si je me suis insuffisamment expliqué dans mon précédent billet, je ne crois pas m'être trompé !

lundi 21 septembre 2020

Rêver... activement !

 
science/études/cuisine/politique/Alsace/gratitude/émerveillement


1. Je dis souvent aux étudiants qu'il faut rêver... mais je me reprends quasi immédiatement : rêver efficacement, activement !

2. De quoi s'agit-il ? Face à une question un peu difficile, nous ne parvenons pas toujours à trouver facilement une solution, souvent parce que nous manquons d'une stratégie fiable de recherche de la solution. Et l'on peut s'interroger sur la façon de nous y prendre.

3. Ma proposition consiste évidemment toujours à bien poser la question, puis à l'analyser par un soliloque, avant de proposer une solution, puis d'imaginer une évaluation de la solution trouvée.

4. Mais quand, malgré nos efforts, nous n'y parvenons pas ? Ou quand, dans un temps imparti limité, nous n'avons pas trouvé la solution ? C'est là que je parle de rêve : une fois l'analyse bien posée (par écrit !), on va se coucher... et souvent la solution apparaît pendant la nuit, comme par miracle.

5. J'insiste un peu : c'est bien rare que la solution arrive quand on n'a pas d'abord bien cherché, quand on n'a pas passé du temps, activement, à décortiquer la question. Donc rêve, oui, mais rêve actif !

6. Et je ne saurais assez recommander la technique, parce que ce moment où la solution survient est un grand bonheur, qui correspond à ce que Martin Gardner, fervent promoteur des "jeux mathématiques", qui tint une chronique mensuelle dans Scientific American, nommait "le haha, ou l'éclair de la compréhension mathématique". Il en a fait un livre épatant, que je vous recommande évidemment.

6. Oui, rêvons, mais n'oublions que seuls ceux qui ont fait un long chemin sont soudainement déposés par les fées de l'"intuition", de l'avant-dernière étape jusqu'au but de leur cheminement. 




vendredi 11 septembre 2020

Comment structurer un journal ?

Rubrique : science/études/cuisine/politique

 

 

1. Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir été invité, un jour, à tenir son journal, et tout le monde n'a pas eu le bonheur de voir celui du physico-chimiste britannique Michael Faraday : http://faradaysdiary.com/. C'est un exemple merveilleux pour ce qui concerne la recherche scientifique et on aurait intérêt à s'en inspirer.

2. Pour autant, pour considérer la question du journal personnel, du "cahier de laboratoire", on serait avisé de partir des trois maîtres mots des laboratoires de chimie, qui sont sécurité, qualité, traçabilité.
 

3. Oui, dans nos laboratoires, la sécurité prime. Cela signifie évidemment beaucoup de soin, beaucoup de connaissances et beaucoup d'attention, mais ce n'est pas l'objet de ce billet que de discuter de cela. Je préfère ici parler de qualité et de traçabilité.

4. On pourrait penser qu'un journal ne vise que la la traçabilité, gardant trace de tout ce que l'on a fait dans la journée, mais en réalité, avec un peu d'intelligence, cette traçabilité rejaillit considérablement sur la qualité.

5. Je fais cette observation, car ayant d'abord admiré que des collègues aient demandé à des étudiants d'avoir un journal pour consigner le résultat de séances de travaux pratiques, j'ai constaté, à  l'analyse, que ces journaux, qui s'apparentent donc à des journaux de bord comme je l'ai déjà dit dans un autre billet (https://hervethis.blogspot.com/2019/08/un-journal-surtout-un-journal-et-des.html), manquaient de structure. Et, comme souvent, c'est la structure qui nous pousse à faire mieux.

6. Voici en tout cas la structure que nous utilisons dans mon groupe de recherche  :

7. On voit que je distingue d'abord l'administration, la communication et le travail. Certains des amis de notre groupe s'étonnent, par exemple, que je mentionne la rédaction d'articles dans la partie de communication plutôt que dans du travail, car,  après tout,  n'est-ce pas aussi du travail que de rédiger des articles ? Oui, mais pour ce qui me concerne, le travail est le travail scientifique, alors que rédactions d'articles ou  conférences sont  de  la communication. D'ailleurs, la même question vaut pour l'administration, puisque c'est dans cette case là que j'y mets personnellement le remplissage de notre spectroscope de résonance magnétique nucléaire avec de l'azote liquide : bien sûr, cela fait partie de mon travail, mais en réalité, c'est une sorte d'intendance et non pas mon travail scientifique stricto sensu.  

8. Il y a bien des cases passionnantes dans notre moule vide, mais la section la plus importante est certainement celle qui évoque "ce qui a coincé", des "symptômes", car c'est là que nous avons une chance de devenir demain plus intelligent qu'aujourd'hui, en nous entraînant à prendre du recul, à analyser, à soliloquer, et, notamment, à ne pas répéter inlassablement les mêmes erreurs.
Une section d'autant plus importante que, même si nous ne parvenons pas à trouver la solution à la question posée, elle est posée... et l'expérience montre que, souvent, la solution vient pendant la nuit (j'ai oublié de signaler que cette section est remplie le soir).

9. Bref, j'invite mes collègues à bien diffuser ce modèle vide, qui peut être rempli chaque jour. Ou, s'ils le souhaitent, à m'en proposer des améliorations ! Après tout, ne suis-je pas sans cesse à chercher à "tendre avec efforts vers l'infaillibilité sans y prétendre"



mercredi 2 septembre 2020

De la méthode, de la méthode, de la méthode



science/études/cuisine/politique


1. Nous sortons d'une journée passionnante, merveilleuse: une journée de cours avec les étudiants d'un master qui me fait l'honneur de penser que je puisse rendre service, & je fais ici le bilan de cette journée, au-delà du détail de certaines questions du travail que nous avons entrepris en commun.

2. Parmi les points essentiels que nous avons abordés, je vois,  par exemple,  la discussion à propos d'un "journa"l, à savoir un cahier que l'on tient, comme un journal de bord d'un navire, où l'on consigne les mouvements de la journée. Aucun de mes jeunes amis n'en avaient, de sorte qu'ils vivaient un peu comme des feuilles mortes au gré du vent :  à gauche, à droite... J'ai donc proposé de structurer, j'ai donné une méthode pour le faire.

3. Puis, à un moment, nous étions face à des listes interminables, et j'ai proposé de nous retrousser les manches & de structurer ; mieux, de structurer dans un tableau pour y voir plus clair, de répartir les informations,  de les organiser et, par la structure même, de voir surgir du nouveau, de faire des rapprochements,  de faire des commentaires, d'y mettre en quelque sorte de l'intelligence. Là encore il s'est agi de méthode, donc.

4. Puis il y a eu des questions de choix, à un moment, et d'évaluation à un autre moment: dans les deux cas, il nous faut des critères. Des critères de choix, des critères d'évaluation, mais en tous cas des critères analytiques sans quoi le choix est arbitraire et l'évaluation aussi d'ailleurs. La discussion est donc remontée à la méthode, avant de se lancer dans le choix et dans l'évaluation.

5. A propos d'un autre travail, il s'agissait de prendre des décisions. Là, nous avons dû être analytiques pour bien décortiquer la question posée, ce qui en soi est une méthode, mais il y avait lieu de faire plus : nous poser des questions sur la façon dont nous décomposition. Là encore, il s'agissait de se mettre un pas en arrière de soi-même afin de ne pas se lancer dans le travail sans l'avoir cadré, et rien que cela est une méthode, qui nécessite des sous méthodes

6. En réalité, si je regarde bien notre journée, à propos de tout, nous avons cherché une méthode. Toute la journée,  nous avons cherché à interpréter, à comprendre, à organiser... À propos de tout, nous avons posé clairement la question de l'objectif, nous avons posé la question des raisons de l'objectif, avant de nous  poser la question des valeurs qui sous-tendaient ces raisons. Cela, enfin, relève d'une saine méthodologie.

7. Oui, prendre du recul sur les questions que nous examinons, c'est d'abord faire oeuvre méthodologique.

vendredi 17 juillet 2020

Apprendre, c'est retenir


1. À propos des études, il y a cette question de savoir si recevoir une information est suffisant pour en disposer.

2. Par exemple, peut-on apprendre à partir d'un livre ? D'un film ? D'un podcast ? Combien de fois faudra-il voir le film, lire le livre, écouter le podcast  ?

3. La question est importante, car il est exact qu'on ne retient généralement pas tout d'un premier coup. Et j'ai entendu nombre de professeurs dire qu'il ne suffisait pas de comprendre, et qu'il fallait apprendre.

4. Dont acte, mais apprendre comment ? Pour des sciences de la nature, on m'a dit "refaire les démonstrations",  "faire des exercices", "faire des problèmes". Mais pour d'autre disciplines ?

5. Et puis, mes professeurs étaient-ils bien placés pour me conseiller ? Après tout, ils n'avaient ni le prix Nobel, ni n'étaient tous professeurs au Collège de France ! Bref, d'où sortaient-ils leurs conseils ? Sans "référence", j'invite les étudiants à ne pas gober n'importe quelle méthode.

6. Mais alors ? Pardon pour l'évocation d'idiosyncrasies, mais je suis de ceux qui, quand ils doivent apprendre quelque chose, le prennent, le triturent, l'ingèrent, le ruminent,  avant de le digérer, y reviennent, y reviennent encore.
Quand il s'agit d'un  calcul,  je le refais, je le réécris, je cherche à changer des paramètres... Quand c'est une poésie,  je la prends, je la divise en petits morceaux, je cherche  des associations,  & ainsi de suite.

7. Bref mon apprentissage est actif... mais mon apprentissage personnel n'est  pas la question, qui est  "Quelle est la bonne méthode ?".
Par exemple,  regarder un film est-il plus efficace que lire un livre, ou qu'écouter un podcast ? Etudier en marchant est-il mieux qu'en restant assis à une table ?

8. Je n'ai aucune idée de la réponse à ces question, et j'ajoute que je ne veux surtout pas recueillir  le sentiment personnel de chacun. Nous avons besoin de données fiables, sur lesquelles nous pourrions trouver une méthode qui soit digne d'être propagée... & que je puisse éventuellement m'appliquer à moi-même,  changeant ma propre méthode  empirique, puisqu'elle n'est  peut-être pas la plus efficace.

9. Efficace ? Un adjectif  : on se souvient que j'invite  mes amis et moi-même à les remplacer par la réponse à la question "Combien ?"... et cela se mesurera au fait que je me souvienne de ce que j'ai appris !




lundi 23 mars 2020

La vraie question, c'est l'étude.


Oui, je suis de ceux qui étudient seuls, et qui ne peuvent pas étudier en groupe. Bien sûr, je peux étudier dans un café, mais il y a du bruit, du mouvement, de l'agitation, et j'étudie mieux seul, au calme.
Pour autant, je propose ici de ne pas considérer que ma méthode soit la meilleure, et je peux considérer la possibilité -je dis bien  "considérer" et "possibilité"- qu'il puisse y avoir, pour d'autres que moi, une efficacité supérieure à étudier en groupe. Car je n'oublie pas que l'être humain est social, que la socialité est une caractéristique biologique qui a été sélectionnée biologiquement pour promouvoir le succès de l'espèce.
Bref ce n'est pas parce que j'étudie personnellement seul qu'il n'est pas possible que d'autres puissent étudier en groupe.
Mais j'observe qu'il y a bien des façons d'étudier en groupe, d'une part, et, d'autre part, la question est surtout de trouver de "meilleures" méthodes. Pas des méthodes idiosyncratiques, que nous appliquons faute d'avoir le courage d'en essayer de nouvelles ; pas des méthodes que nous appliquons parce que nous n'avons pas l'idée d'en avoir d'autres ; pas des méthodes que nous gardons par paresse. Non, la quète, c'est celle de méthodes meilleures que celles que nous avons, ou, disons plus modestement, de trouver des améliorations de nos méthodes.

Je me vois très démunis vis-à-vis de l'analyse de cette question, au-delà de l'avoir posée. Or je crois qu'il faut répondre toujours non pas en fonction de nos goûts propres, de nos a priori, mais en fonction de données quantitatives. J'observe aussi qu'il n'est pas établi que la même méthode d'étude s'applique à tous... mais l'inverse n'est pas établi non plus. Et, dans l'ignorance des réponses à ces questions, pourquoi supportons-nous que nos systèmes fassent comme ils font ? Pour des raisons économiques ? Certainement. Politiques ? Certainement aussi. Mais tout cela se fait au détriment des études elles-mêmes.
D'ailleurs, en supposant que certains étudient mieux seuls, et d'autres en groupe, on fait une erreur en organisant un même système pour tous. Et, par là-même, on met les professeurs dans une situation intenable. C'est donc une erreur. Mettons-y fin !

Et surtout, mettons-y fin en nous focalisant sur le plus important : donner le goût d'étudier, d'apprendre. Montrons que cela est essentiel et merveilleux, commençons  par trouver les moyens de faire comprendre que cela vaut mieux que ce panem et circenses que les gouvernements instaurent pour ne pas sauter !

mercredi 26 février 2020

Comment déguster, dans un jury



Alors que je sors d'un jury de dégustation, je m'aperçois que l'organisation était fautive, puisque  les jurés qui m'accompagnaient manquaient parfaitement de méthode, et que les grilles d'évaluation étaient insuffisantes, confondant la saveur et le   goût. Surtout, j'ai été choqué de voir que les jurés à ma table avaient l'impudence de vouloir noter sur leur goût propre, sur leurs préférences ! Ce n'est pas ça qui leur est demandé  : nous devons juger... quoi au juste ? Si l'objectif n'est pas clair, nos amis auront du mal.
En l'occurrence il s'agissait de miels, c'est-à-dire de préparations sucrées mais qui ne se réduisent certainement pas au sucre dans l'eau, sans quoi on mettrait du sucre dans  de l'eau et l'on ferait des sirops.
Non, les miels doivent savoir du goût,  et ce goût s'obtient précisément quand les abeilles butinent des plantes très particulières. Avec les miel toutes fleurs, on peut avoir, parfois, de bonnes surprises, mais avec les vielles monofloraux, on peut avoir plus de typicité, plus de chant gustatif.

Mais commençons par le commencement  : l'aspect. A notre table, il y avait des miels cristallisés et des miels liquides. Aucune des deux formes n'est fautive, en soi, d'autant que l'on sait que  le miel crémeux peut fondre, et que la cristallisation est d'une physico-chimie complexe. Bien sûr, les miels cristallisés ne doivent pas laisser  de trop gros cristaux en bouche, ne doivent pas fendre le palais... Mais, je le répète, la cristallisation se contrôle parfaitement. Pour les miels  liquides, le trouble n'est pas un défaut... car ce qui m'importe, c'est le goût.
Approchons un miel de la bouche : quand il passe devant le nez, laissons-l'y séjourner un peu, pour apprécier  l'odeur, l'odeur anténasale. Pas l'arôme, parce que le mot "arôme" désigne en français l'odeur d'une plante aromatique... ce que n'est pas le miel.
Là, pour l'odeur anténasale, je dois constater qu'il y avait de belles différences, selon les échantillons. Pour certains miels,  une très belle odeur, puissante, et pour d'autres miels,  une odeur beaucoup plus faible. Une odeur faible, c'est déjà le signe que le miel n'aura sans doute pas une  grande qualité gustative. Pas une preuve absolue, mais un premier signe.
Puis j'ai proposé aux jurés à ma table de se pincer d'abord le nez avant de mettre le miel en bouche, car c'est ainsi que l'on perçoit la saveur, indépendamment des autres composantes du goût. Et là on percevait effectivement des miels plus ou moins sucrés, des acidités plus ou moins agressives, des fraîcheurs, parfois une amertume. Certains miels étaient  excessivement sucrés, preuve  sans doute que le contenu en fructose était important  ; et quand le  sucré l'emportait, il y avait donc un défaut.
Puis quand on libère les narines lors de la mastication, alors on perçoit l'odeur retronasale, qui,  avec la saveur et le reste des sensations,  fait le goût. Là,  il y a eu de très beaux miels,  avec des odeurs de cire propre,  de rose,  florales, fruités... Cela, ce sont des vrais qualité.
Enfin on n'oubliera pas qu'il est toujours bon de considérer la longueur en bouche,  et c'est là où j'ai eu des plus belles surprises  : alors que certains miels qui, d'ailleurs,  n'avaient pas beaucoup d'odeur anténasale n'avait de durée en bouche que quelques secondes, il y a eu un miel très puissant, pour lequel le goût a persisté  pendant 40 secondes. Je dis bien 40 secondes  : je ne l'aimais pas particulièrement, mais qu'importe mon goût personnel idiot ; c'était un miel extraordinaire et j'ai appuyé de toutes mes forces pour qu'on lui donne une médaille !

lundi 21 octobre 2019

Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?


Étonnant phénomène que celui que j'ai détecté hier,  lors d'une conférence que je donnais :  je montrais l'évolution de la cuisine au cours du temps ;  puis je montrais  l'état de la cuisine d'aujourd'hui dans différents pays. Je signalais donc l'organisation de mes exemples selon  deux axes perpendiculaires,  l'un vertical pour le temps et l'autre horizontal pour la répartition géographique.
Et immédiatement, j'ajoutais qu'il nous fallait donc chercher sans attendre un troisième axe perpendiculaire aux deux autres.
Cette proposition n'était pas indécente intellectuellement... sauf que, le soir venu, je me suis aperçu qu'il était un peu paresseux de chercher seulement un troisième axe perpendiculaire aux deux autres  : pourquoi pas, aussi, un quatrième, puis un cinquième, etc. ?

Pourquoi n'avais-je pas proposé immédiatement plusieurs axes, et non pas seulement un de plus ?  Une première analyse me fait comprendre que le troisième axe s'est imposé parce que nous vivons dans un espace à trois dimensions. Certes, mais,  quand même, il n'est pas interdit de penser les espaces les espaces  à quatre, cinq, six, etc.  dimensions ? 

Il y avait donc une erreur terrible, et si l'on se préoccupe d'innovation,  alors il apparaît clairement que le nombre trois doit appeler le nombre quatre, qui doit appeler  le nombre cinq,  et ainsi de suite à l'infini !

mercredi 2 octobre 2019

Pour un bon scientifique


L'histoire est exacte : un jour, il y a longtemps, discutant avec un "directeur de recherche", ce dernier m'a dit "Il faut faire de la bonne science". Et je lui ai répondu : "C'est quoi ?". A l'époque, il n'avait pas su me répondre, et j'avais évidemment été narquois... mais c c'est sans doute parce que j'ai un assez mauvais fond, n'est-ce pas ?  Toutefois le pêcheur peut se rachter, et c'est ce que je propose de faire ici, en livrant quelques "Règles pour un bon scientifique".
J'en donne aujourd'hui trois : (1) dire combien,  (2) citer de (bonnes références),  (3) réclamer les moyens de la preuve pour chercher à comprendre.

Dire combien, combien, combien ?

La première règle se fonde sur la méthode des sciences de la nature, que j'ai discutée dans nombre de billets. Cette quantification intervient dans le deuxième étape de la démarche, à savoir que le phénomène identifié dans la première étape doit être quantifié, de tous les points de vue utiles. Ce seront ces données qui seront réunies en "lois", c'est-à-dire en équations, lesquelles permettront l'établissement d'une théorie, ou ensemble d'équations assorties de concepts quantitatifs, avant les tests de réfutation (quantitative) des conséquences de la théorie.
Bref, du nombre, du nombre, du nombre... Et voici pourquoi nous devons nous interdire d'utiliser des adjectifs ou des adverbes : la question, l'unique question, c'est "Combien ?".


Les références

En science, rien ne doit être donné  ou fait sans justification ! Et c'est là que s'impose la bibliographie, et, de ce fait, la donnée de références.
Les mauvais scientifiques se contentent de trouver des références et de les donner sans justification, sans analyse critique. En revanche, les bons scientifiques savent évaluer les publications, et ne donner de références qu'avec une appréciation critique. Par exemple, on comprend facilement qu'on n'établit pas un fait si l'on cite une publication dont les méthodes sont défaillantes ! Et l'on comprend que l'on n'ira jamais donner des sources non scientifiques.
Mais la question est donc de savoir bien juger un travail publié, car il serait naïf de croire que toutes les publications sont bonnes, et je peux l'attester, moi qui ai vu mille fois publier des articles que j'avais refusé (pour cause de graves insuffisances méthodologiques), en tant que rapporteur !
Reste qu'il faut citer ses sources.


Les "moyens de la preuve"

Si l'on met dit qu'une fusée a décollé, je reste aussi bête qu'avant. Si l'on met dit qu'il y a une bataille en 1515, l'information est vide de sens, sans informations complémentaires. Si l'on me donne un dosage d'un produit dans une matrice, je doute, car je sais que les dosages imposent souvent des extractions, lesquelles sont bien souvent incomplètes. Et ainsi de suite.
C'est la raison pour laquelle, pour chaque donnée qui m'est délivrée, j'ai besoin des "besoins de la preuve", des détails de la procédure. Comment la fusée a-t-elle décollé ? Quels étaient les combustibles ? Et s'est-elle élevé de deux mètres ou a-t-elle atteint l'altitude de libération du champ gravitationnel terrestre ? Et à Marignan : étaient-ils une poignée, ou des milliers ? Et combien de temps cela a-t-il duré ? Combien de morts ? Et pour le dosage : quelle précision ? Comment s'est-on assuré que l'on a fait un bon dosage ? Et ainsi de suite.
Bref, avant d'admettre une information, il  me faut mille détails, mille circonstances. L'énoncé précis des matériels et des méthodes employés par les personnes qui ont été à l'origine des résultats donnés.


Avec cela, on a un (tout) petit début, mais au moins, on sait ce qu'il y a à faire.






mercredi 10 juillet 2019

Les physiciens sont insensés de vouloir des lois générales, et les chimistes manquent d'ambition, à ne pas en chercher.


Il y a cette opposition classique des physiciens et des chimistes : les uns sauraient calculer, et ils manipuleraient des équations, et les autres seraient plus "pratiques", lancés dans des synthèses. Évidemment, cette description est fausse, mais elle s'assortit de critiques d'un groupe vers l'autre, ce qui s'exprime notamment dans cette boutade : les physiciens font des expériences très propres avec des matériaux très sales, alors que les chimistes font des expériences très sales avec des matériaux très propres (et l'on ajoute alors : imaginez les physico-chimistes !).
Les arguments pleuvent : les chimistes, incapables de calculer, feraient à l'infini des synthèses insensées, ce que l'on résume dans "méthyle, éthyle, propyle, butyle, futile": cela pour exprimer que l'ajout d'un groupe chimique sur une molécule conduit à envisager systématiquement des ajouts de plus en plus gros (avec un atome de carbone, on a le groupe "méthyle", puis les groupes éthyle, propyle et butyle avec respectivement deux, trois ou quatre atomes de carbone). Et puis ces explorations manqueraient de plan d'ensemble, resteraient "classiques", en retard sur la physique, laquelle est passée de la mécanique classique à la mécanique quantique... Enfin, le pire des reproches est celui de la nature de la chimie qui serait une technologie ou une technique plutôt qu'une science.
Les chimistes, bien sûr, se rebiffent, signalant que l'équation de Schrödinger, qui est à la base de la mécanique quantique, ne fera jamais une molécule de benzène à partir de six atomes de carbone et de six atomes d'hydrogène dans une boite infinie. Ils indiquent que leur usage de la physique quantique est constant, avec les méthodes spectroscopiques, mais aussi avec la modélisation numérique, qui guide les synthèses, lesquelles sont en réalité des tests de la physique quantique. Surtout, ils observent que cela ne sert à rien de faire des théories à partir d'objets qui n'existent pas, rétorquent que les matières des physiciens sont fantasmées, et qu'à force d'approximations, on en vient à dire n'importe quoi.
Car les physiciens seraient en réalité des albatros collés au sol des navires, avec la volonté de faire de grandes théories, mais des théories inapplicables, car la matière est complexe, et les théories ne valent que pour des échantillons parfaitement purs.Et puis, n'a-t-on pas démontré qu'au delà de trois corps en interaction gravitationnelle, l'évolution du système est impossible à prévoir ? Sans compter que Stephen Wolfram a montré qu'il existe des automates dont la prévision ne peut se faire que si l'on exécute l'automate entièrement.

Ces discussions sont interminables, et sans intérêt.  Elles montrent combien on aurait intérêt à bien avoir sous les yeux le schéma qui décrit la démarche générale des sciences, et que voici :




Un phénomène étant identifié, on le caractérise quantitativement, puis on réunit les données en "lois", c'est-à-dire en équations, avant d'introduire des concepts pour faire des théorie quantitativement compatibles avec toutes les lois, ce qui permet de tirer des conclusions théoriques que l'on teste expérimentalement. 
La chimie de synthèse ? Connaissant les réactivités et les molécules que nous connaissons, il s'agit de repérer des catégories, des structures, pour imaginer des objets de types nouveaux que l'on cherche à réaliser. Peut-on faire une molécule dont les atomes de carbone sont aux coins d'un carré, par exemple ? Peut-on reproduire la chimie organique en remplaçant le carbone par le silicium ? Comment des molécules peuvent-elles s'organiser spontanément ? Et ainsi de suite.
Pour l'analyse chimique, la question est aujourd'hui celle d'analyser des systèmes complexes, des mélanges, par exemple.
La physique ? On la voit faisant un pont entre la physique des particules et la cosmologie, notamment, mais on la voit aussi explorer des phénomènes nouveaux, à propos de "matière molle", ou bien s'intéresser à des systèmes matériels où les interactions entre structures sont de types nouveaux, ce qui conduit à des propriétés inenvisagées.

Surtout, on voit bien une convergence de ces deux sciences, quand il s'agit de matière à des échelles qui vont du  macroscopique, à notre échelle, jusqu'à l'échelle atomique. C'est en réalité le royaume de la physico-chimie... qui expérimente, calcule...

vendredi 19 avril 2019

La répétition des expériences ?

Nous sommes bien d'accord que les expériences doit être répétées, ce qui est un petit minimum pour avoir des validations de nos résultats. Répétition ? Reproduction ? Et les validations ?
Une répétition, cela peut être, en musique ou pour le théâtre, une première production de la pièce... et l'on voit mal pourquoi on ne pourrait conserver cette acception pour les sciences de la nature. Mais, tant que l'usage n'est pas là, il y a lieu de penser que c'est une deuxième expérience analogue à la première. Analogue ou identique ? On observera tout d'abord, avec Héraclite, que l'eau qui coule n'est jamais la même ("tu ne te baigneras jamais dans le même fleuve"). C'est donc une reproduction éventuelle à l'analogue, et jamais à l'identique. Ce qui peut paraître une fioriture terminologique est en réalité essentiel, car je vois des collègues plus jeunes vouloir faire la même chose plusieurs fois de suite, ou bien en parallèle. C'est évidemment mieux que s'ils ne faisaient qu'une seule mesure, notamment parce que cela donne des confirmations et une information sur la dispersion des résultats de mesure. Mais pourquoi se priver de possibilité d'améliorer un protocole ? Pourquoi serions-nous condamnés à répéter une expérience un peu médiocre,  non que l'on ait mal fait, mais plutôt qu'il est bien difficile d'arriver immédiatement un protocole idéal, parfait.
Ne vaut-il pas mieux tirer des enseignements d'une première expérience pour chercher, dans une nouvelle expérience, à obtenir le même résultat, mais mieux ? Il y a des discussions interminables entre les partisans des deux manières, certains disant qu'il faut reproduire toutes choses égales par ailleurs, et il est vrai que si l'on veut une  mesure de la dispersion des résultats d'un protocole particulier, c'est ce protocole, et pas un autre, qui doit être mis en oeuvre plusieurs fois de suite.

Mais, dans notre discussion, je crois que la question est surtout celle de l'objectif :  que voulons-nous ? que cherchons-nous à obtenir. La réponse est : le résultat le meilleur possible. Et c'est pour cette raison que je suis partisan de faire les expériences successivement, en améliorant -si possible- chaque fois. Bien sûr, il ne faudra pas ensuite prétendre que l'on aura fait trois fois la même chose, mais pourquoi ne pas dire simplement que nous avons cherché à améliorer, et interpréter les résultats en fonction ?




Retrouver l'ensemble des textes sur les bonnes pratiques en science sur :
http://www2.agroparistech.fr/A-propos-de-la-repetition-des-experiences.html






lundi 25 mars 2019

Des connaissances peuvent-elles être "scientifiques" ?

Hier, à l'Académie d'Agriculture, lors d'une séance publique, deux intervenants ont dit l'expression "connaissance scientifique",  et ma réflexion sur la méthode des sciences de la nature m'a conduit à m'interroger sur cette terminologie.

Qu'est-ce qu'une connaissance scientifique ? Et cela existe-t-il vraiment ?

Dans une telle circonstance, je crains immédiatement la faute du partitif, et aussi le cliché, série de mots que l'on répète sans l'interroger.
Une connaissance, je comprends bien de quoi il s'agit. Par exemple, un intervenant nous a montré des images de bois au microscope, et il nous a  donc donné une nouvelle vision, une nouvelle description d'un objet dont nous avions une moindre connaissance : au lieu de voir simplement les fibres à l'oeil nu, nous avons pu comprendre qu'il y avait des  cellules plus ou moins grosses selon les saisons, et également des canaux par où la sève peut circuler.
Mais où était la science dans cette affaire ? Certes il a fallu un microscope pour obtenir une telle l'image, mais le microscope est un objet ancien qui relève moins d'ailleurs de la science que la technique ou  de la technologie. Certes il a fallu que quelqu'un ait  l'idée d'utiliser le microscope pour regarder le bois afin de produire la description qui nous a été présentée... mais la connaissance n'a été scientifique que si ce quelqu'un était un scientifique, et pas si ce quelqu'un était un technicien ou un technologue. En l'occurrence, les connaissances qui étaient dites scientifiques étaient du naturalisme des siècles passés, et ces images auraient presque pu être produites par Antoni van Leuwenhoek.

Mais pour en revenir à la faute du partitif : il aurait fallu dire plutôt connaissance produite par des scientifiques, si cela avait été le cas. Au fait, toutes les connaissances ne sont-elles pas de produites par les scientifiques ? Non, car les grammairiens ont des connaissances qui ne relèvent pas des sciences de la nature, par exemple.

Une question pernicieuse : pourquoi nos intervenants, qui n'étaient pas scientifiques, ont-ils utilisé cette expression ? On devine que cela posait le discours, qu'il s'agissait d'un (mauvais) argument d'autorité !

Mais revenons maintenant au statut des sciences de la nature, et de leurs méthodes : il s'agit plutôt de réfutation que de démonstration. Que vaut alors une connaissance produite par un scientifique ? Sera-t-elle réfutée? Bien sûr, si l'on utilisait des techniques analytiques perfectionnées, on pourrait  améliorer l'image qui nous a été montrée dans les détails, mais sans doute pas dans les grandes lignes, de sorte que l'image subsisterait malgré les réfutations successives.
Au fond, Henri Poincaré avait raison de dire que tout croire ou douter de tout sont deux attitudes également mauvaises. Les travaux scientifiques conduisent à des descriptions progressivement affinées, mais chaque stade conserve une certaine validité et quand je dis que la science produit des connaissances fausses, je me reprends généralement en disant que ces connaissances sont plutôt insuffisantes.
Je renvoie à des billets anciens ou j'évoquais la loi d'Ohm,  relation de proportionnalité entre le potentiel électrique et l'intensité d'un courant : cette loi a été abattue par la découverte de l'effet hall quantique, Klaus von Klitzing ayant montré  qu'il n'y a pas proportionnalité exacte, mais proportionnalité approchée : si on regarde de loin, on voit une ligne, mais si on regarde de très près, on voit une sorte d'escalier.
Le fait que la description en terme d'escalier soit faite par un scientifique récent ne change rien à l'affaire, du point de vue du principe. La connaissance donné par un scientifique récents ou par un scientifique ayant vécu il y a longtemps est du même type, c'est une connaissance produite par la science... et pas une connaissance scientifique.

lundi 25 février 2019

La vulgarisation ? Cacher les équations est une mauvais solution, un service qu'on ne rend pas

Allons, commençons par un argument d'autorité : pendant vingt ans, j'ai travaillé à la revue Pour la Science, notamment, où j'ai fait de la vulgarisation scientifique, d'ailleurs d'un niveau plus élevé que dans nombre de revues de vulgarisation populaires. J'ai également fait des travaux pour enfants, publié des livres, des revues, fait des émissions de radio et de télévision... mais finalement, je crois  qu'une bonne vulgarisation ne doit en aucun cas faire l'économie des équations.
Cela a été prétendu, avec des tas de mauvais arguments, et par des personnes variées. L'astrophysicien Stephen Hawkins, par exemple, a écrit dans un de ses livres que son éditeur lui avait interdit les équations. Et nombre de scientifiques, notamment des physiciens, ont fait de la "physique avec les mains", évitant les équations.
Mais est-ce une bonne raison ?

Commençons par nous interroger : quelle est la fonction de la vulgarisation ? Il y en a d'innombrables selon les publics, mais je ne me résoudrai jamais à ce qu'elle se limite à donner une formation du type "La fusée à décollé", parce que l'on est aussi bête avant qu'après. Non, je lui vois un intérêt supplémentaire quand elle explique comment on est parvenu à faire décoller la fusée.
Évidemment, cet exemple est technologique, et non pas scientifique, mais c'est une métaphore, et pour les découvertes actuelle, il y a, de même lieu de donner  non pas seulement le résultat ais d'expliquer comment on y est parvenu.
Pour la science, qui se distingue donc de la technologie, considérons le mouvement général du travail, qui passe par l'observation du phénomène, sa quantification, la réunion des données en lois, l'induction d'une théorie avec introduction de nouveau concept quantitativement compatibles avec toutes les lois, la prédiction d'une conséquence théorique et le test expérimental qui suit.
Pour l'observation du phénomène, c'est quelque chose de bien élémentaire, mais on peut se poser la question de savoir si la vulgarisation a déjà consacré des pages à ce propos.
Pour  la caractérisation quantitative des phénomènes, j'ai bien peur que le public ne soit guère intéressé,  sauf si l'on entre dans des conditions considérations technologiques sur les méthodes de mesure... mais je n'oublie pas que la communication est tout aussi bien une question sociale ou artistique que technique, de sorte qu'il ne semble pas y avoir de règle : quelqu'un d'intelligent devrait pouvoir intéresser à ce point.
Réunir les données en loi ? Là encore, le public se trouve souvent cela bien aride, et l'on fait souvent l'hypothèse qu'il veut aller au fait, à savoir les mécanismes des phénomènes, lesquels constituent le corpus théorique. Mais là encore, ne serait-ce pas intéressant et salutaire d'expliquer le travail effectué ?
La production théorique ? C'est ce que l'on trouve le plus souvent dans les articles : le "résultats". Cela conduit à voir s'empiler les articles de cosmologie ou d'astrophysique qui s'apparentent à des collections de papillons  : on nous parle d'objets exotiques, de théories qui ne durent guère... Et c'est là que, souvent, se fait la confusion entre science et technologie. Mais on ne sort guère grandi de ces énumérations, parce que l'on n'y a gagné ni concept, ni notion, ni méthode. On est resté à l'information scientifique, et non pas à la vulgarisation scientifique, dont  l'ambition est quand même supérieure.

Et si l'on prenait le problème différemment, en essayant de faire partager l'enthousiasme de la recherche scientifique, de chacune de ses étapes ? Alors, il y aurait lieu de s'interroger sur la nature de ces étapes, sur leur beauté, sur leur intérêt...

A propos de l'exploration d'un phénomène, il y aurait donc lieu de s'interroger sur la façon dont ces derniers sont sélectionnés, c'est-à-dire en réalité sur des questions de stratégie scientifique.
À propos à propos du recueil de données quantitatives, par exemple il y aurait sans doute leu de montrer,  en se souvenant que donner mal acquise ne profite à personne, comment on s'y prend pour obtenir des données bien acquises, et cela dans chaque cas expérimental. Il ne s'agit pas moins que de faire partager  ce bonheur de l'orfèvre qui fait de belles oeuvres !
La réunion des données en loi ? Là encore il, il y a de la méthode à communiquer. Et, on se souviendra que pour beaucoup de savants du passé, il y avait le recours au principe d'Occam, selon lequel les entités ne doivent pas être multipliées. Il faut discuter cette hypothèse qui consiste, pour des données, à chercher les lois les plus simple, dans des cas tous différents.
Et ainsi de suite :  chacune des étapes du travail scientifique peut-être décrite, expliquée, cas par cas, car il y a une infinie diversité des travaux, et donc d'explications à donner. Aucune répétition dans cette affaire, et les revues de vulgarisation pourront parfaitement paraître tous les mois sans se redire, sans se répéter.
Finalement, je vois qu'il n'est pas inintéressant, pour notre discussion, de considérer l'analyse d'un très bel article de vulgarisation qui avait été écrit par Kenneth Wilson à propos de la renormalisation, dans la revue Pour la Science. Bien sûr, l'article était trop long (17 pages !), sans doute un peu trop difficile. Mais trop difficile parce qu'il était trop long. Il y aurait lieu de reprendre cet article, de le diviser, de profiter de la place donnée à chaque morceau pour étendre un peu. Sans diluer,  évidemment, mais en mettant un peu plus de liant,  car il est vrai que cet article a été, entièrement focalisé sur l'objet, sans aucun effet de manche.
Bien sûr, je ne méconnais pas les circonstances dans lesquelles la vulgarisation scientifique est produite : le coût du papier, des éditeurs, des studios de radio de télévision... Mais à l'heure du numérique, nous avons de nouvelles possibilités que nous pouvons exploiter au mieux pour arriver à faire partager l'enthousiasme pour la science, ses méthodes et ses résultats. Et j'ai vraiment l'impression que l'on évitera le dogme, la litanie, si nous partageons votre l'enthousiasme pour chacune des étapes scientifiques. Et le calcul est au coeur de l'affaire : la science, ce n'est pas un discours poétique, mais bien une étude où le nombre, l'équation sont au coeur du travail.