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samedi 16 juin 2018

La vérité en science ?



On entend parler de vérité, en science, mais est-ce légitime ?

La science considère des « faits », et, si je ne méconnais pas les innombrables débats à propos de ce mot (tout comme d'ailleurs à propos de vérité), il faut éviter de se contorsionner intellectuellement trop. C'est un fait qu'un morceau de sodium qui tombe sur de l'eau fait au minimum une grande lueur, ou au maximum une explosion ; en tout cas, il se passe quelque chose. Cela a été, cela est, et cela sera si l'on refait l'expérience dans les conditions où nous l'entendons tous : à savoir à la température ambiante, avec des masses macroscopiques que l'on n'aurait aucune peine à préciser. De même, c'est un fait que la pomme tombe de l'arbre, dans les conditions (que l'on pourrait préciser) habituelles.
Les faits ne sont ni vrais ni faux : ce sont des faits. Il n'y a pas de valeur de vérité pour les faits : un « fait faux » n'est pas un fait, tout comme un « carré rond » n'existe pas.
Et les théories ? Là, c'est encore plus simple, parce que les théories scientifiques sont toutes insuffisantes, donc fausses. De sorte que, bien entendu, elles ne sont alors pas « vraies ». 


Et, en conséquence, la science ne cherche certainement pas la vérité, mais elle cherche les mécanismes des phénomènes, sous la forme de théories (idées, concepts, relations quantitatives entre des concepts) qui sont insuffisantes et dont on cherche lentement à augmenter les capacités prédictives. Souvent, on avance par petits pas, et, parfois, il y a un saut conceptuel, un changement complet de cadre descriptif, comme quand on est passé de la physique classique à la physique quantique.
Mais pas de vérité, dans tout cela !

mardi 26 décembre 2017

Surtout considérer les faits, avant les interprétations !


Ne pas confondre les faits et les interprétations : le conseil fut donné il y a quelques décennies par Hubert Beuve-Méry, un des fondateurs du journal Le monde, mais elle s'impose évidemment en sciences de la nature (en plus de s'imposer, plus que jamais, pour le journal de Beuve-Méry).


Pour Beuvre-Mery, le bon journaliste sait faire la part des choses : il est honnête (ne fait certainement pas ce qui est décrit dans Le président, à la suite de la séquence https://www.youtube.com/watch?v=o6pcBGpag2o ), et présente d'abord les faits, avant les interprétations.
Oui, même pour un journal d'opinion, il est honnête de  donner les faits. Ensuite, on peut utiliser ces derniers pour asseoir des opinions, des valeurs, des jugements.

D'où mon étonnement (pour ne pas dire plus), il y  a quelques mois, quand j'ai assisté à une conversation où un journaliste (je le savais détestable, mais j'en ai eu la preuve) d'un grand quotidien (hélas), parlant à auditoire dans une soirée, se disait parfaitement vertueux, selon lui, parce que, dans un de ses articles (doit-on nommer cela "article", ou bien tract de propagande?) avait fait état de travaux qui étaient opposés à ses propres idées (en matière d'écologie).
Sur  le coup, j'avais été intrigué, parce que je savais l'homme idéologiquement malhonnête... mais qu'il semblait y avoir  une certaine honnêteté dans cette affaire. Toutefois, quand on y pense bien, notre homme n'aurait-il pas mieux pas  fait de changer ses idées, puisqu'elles étaient contredites par les faits ? Oui, finalement, je vois moins de la vertu que de la bêtise ou de la malhonnêteté, dans ce comportement dont le journaliste se vantait.

Passons... en tirant des leçons sur le crédit que l'on doit accorder au journal où cet homme travaille.

Plus positivement, donc, cette question des faits et des interprétations, qui donc a été énoncée pour le journalisme, est essentielle en sciences, où nous cherchons les mécanismes des phénomènes, c'est-à-dire des interprétations des faits.
Le scientifique observe un phénomène, le quantifie, obtient des données, et il ou elle doit ensuite chercher des régularités, des mécanismes.
Sans des données fiables, nos recherches de régularités et mécanismes ne valent rien, ce qui justifie qu'un de mes amis chimiste répète à l'envi, et très  justement,  que "donnée mal acquise ne profite à personne".
Oui, il nous faut des faits bien établis, validés, et validés encore, afin que nous ne bâtissions pas des châteaux sur le sable, que ce soit sur un sol parfaitement ferme que nous érigeons nos théories. Sans quoi nos idées ne valent rien, et elles s'écrouleront au moindre coup de vent. Il faut donc d'abord les faits, puis les interprétations. Des faits bien établis, et des interprétations qui n'aillent pas au-delà de ce que les faits nous font penser.

Bien sûr, l'induction qui est au coeur du travail scientifique, dépasse les faits en ce qu'elle propose des prévisions de faits qui ne sont pas établis. C'est même là l'intérêt des théories scientifiques que de recouvrir d'innombrables situations par un même cadre théorique, de mieux décrire le réel, les phénomènes, mais il y a précisément ce risque d'aller élucubrer.
Nous devons chercher les interprétations, les tester, avec prudence. Avec audace, mais avec raison, en ce que nous devons, quand nous avons fait une proposition théorique, chercher à la tester… en vue de la réfuter, car la science honnnête sait bien que nos théories ne sont que des descriptions approximatives, que nous devons donc améliorer sans cesse, pour nous approcher  d'une meilleure description du monde.

La description parfaite n'existe pas, mais nous sommes dans cette description de meilleure en meilleure, et, chemin faisant, nous décrivons des objets, notions, concepts, phénomènes, qu'il était impossible de voir auparavant.










Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

mardi 8 août 2017

Bonnes pratique : être à la hauteur de ses dires

Au terme de cette série de billets inspirés par le Responsible Science de l'Académie américaine des sciences, je m'aperçois que je n'aimerais pas être du groupe qui a produit ce document : à ne voir que le crime, que la fange, la boue, on ne peut manquer de la voir partout.
Tiens, aujourd'hui, je trouve dans ce document :

Misrepresenting speculations as fact or releasing preliminary research results, especially in the public media, without providing sufficient data to allow peers to judge the validity of the results or to reproduce the experiments

Ce qui signifie en français : "Faire croire que des spéculations sont avérées, ou publier des résultats de recherche préliminaires, notamment dans les média à l'attention du public général, sans fournir assez de données aux pair pour que ceux-ci puissent juger de la validité des résultats ou reproduire les expériences". Cela dit, il est vrai que le désir d'être encensé conduit certains à des comportements étranges, et je ne peux manquer de me souvenir de notre deuxième colloques international de gastronomie moléculaire, où plusieurs des participants initiaux étaient devenus des vedettes... dont le comportement avait changé ; la présence de journalistes dans nos débats les conduisait à se comporter en vedettes, au lieu d'être en position de discuter de questions scientifiques. Ah, ce fatal ego ! Il fallut interdire la participation de la presse à partir des troisièmes rencontres. 

Mais levons le nez de la boue, et regardons le ciel, car il est bleu ! Oublions la publication pour le bonheur de la production scientifique, et, soudain, tout change : comment, alors, irions-nous trop vite à confondre des spéculations et des faits ? Nous savons bien que le diable est caché dans le moindre détail expérimental, dans le moindre calcul, et nous n'avons en réalité pas besoin des pairs pour évaluer nos travaux, puisque nous en sommes les premiers censeurs, les premiers rapporteurs. L'explorateur, dans la jungle, n'a pas besoin de public, pour savoir s'il avance ou non, et il sait que c'est à la sueur de la machette qu'il peut se frayer un chemin ; il sait combien de route il parcourt, et il sait que son cheminement est lent.

Oui, décidément, la vertu est sa propre récompense, et nos avancées scientifiques sont ce qu'elles sont : du pur bonheur quand nous faisons le travail soigneusement !

mercredi 5 avril 2017

"Mensonges scientifiques" ? Impossible

Un collègue qui veut lutter contre les idéologies pourries qui détournent les faits (à propos de vaccination, de prétendus perturbateurs endocriniens, de pesticides, etc.) évoque, dans un message, des "mensonges scientifiques".

Des "mensonges scientifiques" ? Il ne suffit pas d'aligner des mots pour dire des choses justes. Je veux dire ici que les "mensonges scientifiques" n'existent pas, n'existeront jamais, ne peuvent pas exister. 


Partons de l'idée de Galilée qui préside à la création de la science de la nature moderne :

"Un bon moyen pour atteindre la vérité, c'est de préférer l'expérience à n'importe quel raisonnement, puisque nous sommes sûrs que lorsqu'un raisonnement est en désaccord avec l'expérience il contient une erreur, au moins sous une forme dissimulée. Il n'est pas possible, en effet, qu'une expérience sensible soit contraire à la vérité. Et c'est vraiment là un précepte qu'Aristote plaçait très haut et dont la force et la valeur dépassent de beaucoup celles qu'il faut accorder à l'autorité de n'importe quel homme au monde"
Galilée (1564-1642)

Tout est dit : la science de la nature se fonde sur des faits, des faits expérimentaux. Et la science moderne de la nature ne fait que reconnaître ces faits. Mieux même, elle caractérise quantitativement les phénomènes, et c'est la raison pour laquelle les adjectifs et adverbes sont interdits dans notre Groupe de gastronomie moléculaire : ils doivent obligatoirement être remplacés par la réponse à la question "combien?". Une montagne n'est ni petite ni grande ; elle mesure tant de mètres de hauteur. Le ciel n'est ni bleu ni gris : sa couleur est décrite par exemple par des paramètres L*, a* et b*.

Tout cela étant dit, un "mensonge scientifique" serait quoi ? Un mensonge de la science ? Impossible, puisque les sciences ne disent que les faits.


En réalité, je me fais un peu plus bête que je ne suis, car je sais bien que mon collègue voulait évoquer des contre-vérités propagées par des idéologues malhonnêtes, et qui s'opposent aux faits. Ce ne sont pas des "mensonges scientifiques", mais des mensonges idéologiques  : ne pas confondre !

samedi 30 avril 2016

Ne pas confondre les faits et les interprétations.


Ne pas confondre les faits et les interprétations : le conseil fut donné il y a quelques décennies par Hubert Beuve-Méry, un des fondateurs du journal Le monde, mais elle s'impose évidemment en sciences de la nature (en plus de s'imposer, plus que jamais, pour le journal de Beuve-Méry).
Pour Beuvre-Mery, le bon journaliste sait faire la part des choses : il est honnête (ne fait certainement pas ce qui est décrit dans Le président, à la suite de la séquence https://www.youtube.com/watch?v=o6pcBGpag2o ), et présente d'abord les faits, avant les interprétations. Oui, même pour un journal d'opinion, il est honnête de  donner les faits. Ensuite, on peut utiliser ces derniers pour asseoir des opinions, des valeurs, des jugements.
D'où mon étonnement, il y  a quelques mois, quand j'ai assisté à une conversation où un journaliste d'un grand quootidien, parlant à auditoire dans une soirée, se disait parfaitement vertueux, selon lui, parce qu'il avait fait état de travaux qui étaient opposés à ses propres idées (en matière d'écologie). Sur  le coup, j'avais été intrigué, parce que je savais l'homme idéologiquement malhonnête... mais qu'il semblait y avoir  une certaine honnêteté dans cette affaire. Toutefois, quand on y pense bien, notre homme n'aurait-il pas mieux pas  fait de changer ses idées, puisqu'elles étaient contredites par les faits ? Oui, finalement, je vois moins de la vertu que de la bêtise ou de la malhonnêteté, dans ce comportement dont le journaliste se vantait. Passons... en tirant des leçons sur le crédit que l'on doit accorder au journal où cet homme travaille.

Plus positivement, donc, cette question des faits et des interprétations, qui donc a été énoncée pour le journalisme, est essentielle en sciences, où nous cherchons les mécanismes des phénomènes, c'est-à-dire des interprétations des faits. Le scientifique observe un phénomène, le quantifie, obtient des données, et il ou elle doit ensuite chercher des régularités, des mécanismes.
Sans des données fiables, nos recherches de régularités et mécanismes ne valent rien, ce qui justifie qu'un de mes amis chimiste répète à l'envi, et très  justement,  que "donnée mal acquise ne profite à personne".
Oui, il nous faut des faits bien établis, validés, et validés encore, afin que nous ne bâtissions pas des châteaux sur le sable, que ce soit sur un sol parfaitement ferme que nous érigeons nos théories. Sans quoi nos idées ne valent rien, et elles s'écrouleront au moindre coup de vent. Il faut donc d'abord les faits, puis les interprétations. Des faits bien établis, et des interprétations qui n'aillent pas au-delà de ce que les faits nous font penser.
Bien sûr, l'induction qui est au coeur du travail scientifique, dépasse les faits en ce qu'elle propose des prévisions de faits qui ne sont pas établis. C'est même là l'intérêt des théories scientifiques que de recouvrir d'innombrables situations par un même cadre théorique, de mieux décrire le réel, les phénomènes, mais il y a précisément ce risque d'aller élucubrer. Nous devons chercher les interprétations, les tester, avec prudence. Avec audace, mais avec raison, en ce que nous devons, quand nous avons fait une proposition théorique, chercher à la tester… en vue de la réfuter, car la science honnnête sait bien que nos théories ne sont que des descriptions approximatives, que nous devons donc améliorer sans cesse, pour nous approcher  d'une meilleure description du monde.
La description parfaite n'existe pas, mais nous sommes dans cette description de meilleure en meilleure, et, chemin faisant, nous décrivons des objets, notions, concepts, phénomènes, qu'il était impossible de voir auparavant.