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lundi 24 août 2020

Aucun bruit dans un laboratoire

1. Dans les laboratoires de chimie, cela est une règle  : il ne doit pas y avoir de bruit. Et, de surcroît, il doit pas y avoir non plus de musique, car celle-ci empêcherait d'entendre les bruits éventuels. Pourquoi ces règles ?

2. Parce que la chimie, qui est une science des transformations moléculaires, comporte une composante expérimentale & une composante théorique.

3. Pour la composante théorique, on comprend qu'il faille du calme, pour se concentrer sur les équations, les idées, sans que des bruits, c'est-à-dire des alertes, ne viennent nous déranger.

4. Pour la composante expérimentale, il faut rappeler qu'elle comporte des dangers, de sorte que nous devons éviter les risques.

5. Oui, les composés que nous manipulons présentent parfois des dangers : certains sont explosifs,  d'autres sont inflammables & beaucoup sont toxiques. Il y a donc lieu d'éviter les explosions, les incendies, les intoxications, par exemple.

6. Je me répète un peu,  mais la différence entre dangers et risques et essentielle : traverser une rue est dangereux, mais si l'on regarde bien avant de traverser, à gauche & à droite, alors on réduit les risques.

7. Le problème, dans les laboratoires de chimie, c'est que les dangers sont parfois invisibles, & l'on se reportera au billet où je discute une expérience avec de l'iode qui a fait apparaître trois tâches minuscules, alors que la pratique était aussi parfaite que possible.

8. Les bruits dans toute cette affaire ? En général, un bruit résulte du choc, fût-il léger, de deux solides l'un contre l'autre ; en pratique il s'en fait entendre quand on pose un récipient sur la paillasse, dont les carreaux sont souvent en faïence ou en matériau vitrifié. D'ailleurs, au bistrot, vous vous entendrez beaucoup de bruit sur le zinc.

9. Cependant, ces bruits signalent des heurts, & des possibilités de bris ! Or si un récipient se brise,  son contenu peut se répandre...  c'est là que des risques peuvent apparaître. Imaginez un composé très toxique sorti de son flacon ! D'ailleurs, pour un composé qui peut exploser quand il y a des chocs, le bruit révèle un choc & donc une possibilité d'explosion.

10. Mais même sans tout cela, un choc indique possibilité de bris, pour des matériels coûteux, & l'on comprend que manipuler avec soin s'imposent.

11. Finalement, ceux qui manipulent avec des matériaux fragiles doivent apprendre à éviter ces  possibilités de bris, ce qui impose qu'ils s'entraînent à éviter les bruits. Manipuler sans bruit n'est pas facile ;  même poser un récipient sur la paillasse se fait difficilement sans bruit, & il y a une façon de faire qu'il faut apprendre.

12. J'ajoute qu'il y a lieu d'apprendre à manipuler dans le plus grand calme, sans précipitation, car cette dernière serait la possibilité de faire des gestes inconsidérés. La tête doit certainement précéder la main, à savoir que chaque geste doit être mesurée, anticipé, prévu, de sorte qu'on ne laisse pas de place à l'improvisation, à la hâte...

13. On comprend ainsi, finalement, que les bruits soient des signes de danger, non seulement pour soi-même mais pour les autres : entendre un bruit dans un laboratoire où quelqu'un manipule doit être signal d'alerte, qui nous conduit aller voir ce qui se passe, & notamment à nous assurer que le collègue n'a pas de problème.

14. En corollaire, on comprend qu'une musique dans le laboratoire, même si elle "égaye" un peu la pièce, supprime cette possibilité d'alerte. D'autant la musique risque de nous distraire, alors que nous devons être concentrés sur les gestes que nous faisons.

15. On le voit : nos règles ne sont pas arbitraires, mais logiques, ancrées sur l'analyse des travaux que nous faisons.
Des visiteurs qui s'étonneraient de tant de silence mériteraient d'être éclairés sur les raisons de ce dernier : il ne s'agit pas d'inactivité, mais au contraire d'activité parfaitement réglée, contrôlée.

16. J'en viens  maintenant à ce panneau qui figure sur la porte d'une de nos pièces expérimentales, dans notre laboratoire : "que nul n'entre ici si sa tête est troublée". Ce panneau a été mis après qu'un de nos amis  -qui manipule généralement très bien- avait cassé une verrerie. Il n'y avait pas prêté attention, & avait continué son travail.  Mais quelques minutes plus tard,  il avait cassé ensuite une autre verrerie ! Là, nous avons tout arrêté et nous avons cherché les causes de ce comportement étonnant. A vrai dire, la  cause était évidente : il y avait des manifestations sous nos fenêtres, avec des cris, des batailles... Comment ne pas être troublé par tout cela ?

17. La suite de l'histoire est encore mieux : notre ami avait finalement décidé d'arrêter ses manipulations pour faire de la rédaction et du calcul... mais ce jour-là, tous ces calculs ont été faux.



18. Oui, véritablement, pour bien travailler, Il faut éviter que la tête soit troublée. Le peintre Shitao, dans un livre, explique que, pour faire des traits de pinceaux parfaits, il faut vider sa tête de tout, éviter les "poussières du monde".
Dans plusieurs billets précédents, j'ai discuté cette question, & notamment l'idée de la poussière du monde, que je ne crois moins donnée par le monde que produite par nous-mêmes.

19. De même, on voit bien comment nos expériences & nos calculs sont perturbées par une foule d'idées que nous avons dans la tête. Ce n'est pas le monde qui nous donne ces idées, mais nous-mêmes qui les avons, qui les laissons tourner & gêner nos activités.
Bien sûr, nous pouvons avoir des ennuis d'argent, de coeur, d'administration, ou même des questions de travail que nous ne parvenons pas à résoudre...  mais pourquoi ne pas poser tout cela de côté, le temps du travail ? Ou bien résoudre les choses au lieu de les laisser traîner, de procrastiner ? D'ailleurs, même des sentiments plus positifs nous empêchent  de nous focaliser complètement sur ce que nous faisons.

20. Se focaliser, oui, se focaliser, là est la clé des expérimentations & des travaux bien faits. Dans le silence le plus complet. D'expérience, c'est toujours un manque de focalisation qui cause les erreurs, de calcul, de manipulation, d'incompréhension...

19. D'où cette merveilleuse "méthode  du soliloque", que j'ai exposée par ailleurs.

jeudi 19 septembre 2019

La question du risque pour la partie expérimentale de la chimie


Pour la partie expérimentale de la science nommée chimie (ce n'est ni une technique ni une technologie), la question principale me semble être de savoir quelle est la question à laquelle on pense pas. Je m'explique ici.

Lors des travaux de chimie, qui explorent une partie inconnue du monde moléculaire, la mise en œuvre de réactions moléculaires encore jamais pratiquées conduit parfois à synthétiser des produits instables, qui peuvent conduire à des accidents, ou à des produits toxiques. Et c'est ce que nous allons donc d'abord considérer, parce que, dans les deux cas, il y a des risques de catastrophes.

Commençons par les produits instables. Au début d'une réaction effectuée par un chimiste, il y a des composés que l'on désigne sous le nom de "réactifs". La chimie étant la "science du feu", elle chauffe ces réactifs. C'est ainsi que l'alchimie procédait, mais en réalité, c'est encore souvent ainsi que l'on procède aujourd'hui. C'est par une telle méthode, par exemple, que Hennig Brandt découvrit le phosphore en 1669, par calcination d'urine. C'est ainsi que l'on produit de la chaux vive à partir de carbonate de calcium (le calcaire)...
Les produits formés sont un peu comme des masses auxquelles on a donné de l'énergie pour les porter en haut d'une montagne. Pour peu qu'elles puissent retomber, elles peuvent faire des dégâts terribles. Bien sûr, il y a une différence entre puissance et énergie : on sait bien que la même masse ne fera pas les mêmes dégâts si elle tombe verticalement ou si elle roule lentement sur une pente douce, avec des frottements. Et oui, la rapidité d'une décomposition (les produits formés relâchant l'énergie que le feu leur a donnée) est un facteur important d'explosion, parce que des changements de volume peuvent créer une onde de choc, comme le bang d'un avion supersonique.
D'autre part, oui, le "feu" donné à des réactifs réorganise les atomes qui composent ces composés : les atomes sont liés par des forces que l'on peut casser, mais ils se réarrangent alors, et c'est ainsi que partant de bleu de Prusse, on a produit de l'acide cyanhydrique, qui est un produit mortel. Là, les exemples sont innombrables.

Bref, il y a donc du danger en chimie... et cela est inévitable pour qui explore le monde moléculaire. Mais la question est moins le danger que le risque. Un produit toxique est dangereux, donc, mais enfermé dans un coffre, il ne présente pas de risque. Encore un exemple : il y a du danger à traverser certaines routes, et le risque est grand si je ne regarde pas à gauche et à droite. Avec des routes de campagne peu fréquentées, le danger est moindre qu'avec des autoroutes, mais qu'importe : si je passe quand il n'y a pas de voiture, le risque est faible dans les deux cas.
La question, toutefois, c'est de savoir quand il y a du danger, pour minimiser les risques. Dans l'histoire de la chimie, on a rapidement su qu'il y avait du danger,  au point même que, il y a seulement 50 ans, les chimistes se reconnaissaient dans la vie civile au fait qu'il leur manquait un œil ou une main. Aujourd'hui, les chimistes se sont dotés de méthodes pour essayer d'envisager les dangers, et, surtout, ils se fondent sur les expériences du passé... et sur des techniques progressivement mises au point pour éviter les accidents. L'une des plus essentielle est de réduire les quantités que l'on manipule
Mais la question demeure  : pour une nouvelle expérience, quel est le danger ? Et c'est là où je retrouve ma question, posée naguère par le philosophe Alain : quelle est la question à laquelle je ne pense pas ? Sans informations particulières, j'ai bien du mal à imaginer les dangers.

Mais l'ignorance n'est pas notre seul handicap. Nous aurions également intérêt à ne pas oublier que nous sommes nous-mêmes causes de danger : si notre tête est troublée, alors nous risquons de faire mal. Et j'ai de nombreux cas en mémoire, sans qu'il y ait eu -heureusement- d'autres conséquences  que matérielles. Par exemple, je me souviens d'un doctorant qui, troublé par des manifestations sous nos fenêtres, avait cassé de la verrerie, puis avait fait des erreurs dans ses calculs. Un calcul faux, on le refait, mais la vie humaine est précieuse, n'est-ce pas ?

Restons avec cette phrase : quelle est la question à laquelle je ne pense pas ? quel est le danger que je m'imagine pas ?

mardi 28 mai 2019

Quoi, de l'acide glacial en cuisine ? Pourquoi pas !


Je me souviens avoir été interrogé par des journalistes de télévision à propos de ce terrible "acide acétique glacial" que de très méchants industriels auraient mis dans les aliments qu'ils vendaient.
Mais je veux quand même observer que personne n'est obligé d'acheter les aliments industriels : que ceux qui ont (inutilement) peur et qui sont paresseux au point de ne pas chercher à comprendre le monde où ils vivent n'achètent pas les produits qui leur font peur.
A cet argument, quelques êtres "supérieurs" me répondent qu'il faut protéger le public et qu'il faut des "contre pouvoirs"... mais que c'est argument est suffisant (au sens de prétentieux) et minable ! D'abord, sans l'industrie, ni emploi ni produits alimentaires. Et puis nos amis vont-ils broyer eux-mêmes, dans leur cuisine, les betteraves pour extraire le sucre ? Et le tournesol pour faire leur huile ?
Que les dieux nous préservent des râleurs, des négatifs : Rabelais les nommait des "pisse vinaigre". Et je propose que nous nous interrogions sur leurs motifs : il y a ceux qui veulent du pouvoir (sur les autres), ceux qui veulent de l'argent, ceux qui ont peur de tout, ceux qui sont simplement pervers, ceux qui promeuvent en sous main des idéologies...

Allons, tournons regard vers mieux !

Et commençons par dire que, à propos de l'usage éventuel de l'acide acétique glacial en cuisine, la question est d'abord de comprendre. Et notamment de comprendre ce qu'est que ce fameux "acide acétique glacial" dont quelques uns font commerce de cauchemar.
Partons d'un fruit sucré, et laissons le fermenter. Par exemple du raisin. Le fruit contient initialement des sucres (souvent le glucose, le fructose et le saccharose), et la fermentation (par des bactéries de l'environnement) transforme le sucre en éthanol. Dans du vin ou du raisin que l'on fait fermenter, on récupère environ cinq à dix pour cent d'éthanol en solution dans l'eau. Puis, en présence d'air, d'autres micro-organismes transforment l'éthanol en acide acétique : c'est ainsi que se forme le vinaigre.
Mais on sait que la distillation permet de concentrer du vin pour obtenir de l'alcool, où la teneur en éthanol (l'alcool des eaux de vie) est plus concentrée que dans le vin initial. De même, on peut concentrer de l'acide acétique. Et si l'on s'y prend habilement, on peut obtenir de l'acide acétique très pur, sans eau : on dit "glacial" en raison de sa propension à cristalliser dès que la température devient inférieure à 16,7°C.
Et oui, c'est un produit dangereux, car il est inflammable, ainsi que ses vapeurs, et provoque des brûlures de la peau et des lésions oculaires graves. Quand on le respire (il faut être imbécile), il est suffoquant...

Quoi, un produit dangereux dans les aliments ? Oui, parce que personne ne ferait un tel composé s'il était pur, et que  l'industrie alimentaire qui utilise de l'acide acétique glacial (pour ne pas transporter de l'eau, s'il était dilué), le dilue avec de l'eau sur les lieux de production, afin d'avoir l'acidité voulue. Faites-moi confiance, mais je suis prêt à boire de l'acide acétique glacial... après qu'il aura été dilué : si la dilution est suffisante, on aura une solution moins acide que du vinaigre, voire que du jus d'orange !
A nouveau, répétons que la question n'est pas le danger, mais les risques. Si nous savons éliminer ceux-ci, aucun problème.

Mais je sais aussi que les marchands de cauchemars ne s'arrêteront pas à une telle explication. Combattons-les absolument par des faits justes !




jeudi 28 février 2019

Dangers et risques

Dans les discussions sur la sécurité sanitaire des aliments, il y a deux mots essentiels, qui sont hélas trop souvent confondus, tout comme dans les cuisine, à propos de la méthode "HACCP", qui vise à produire dans des conditions de sécurité... qui éviteront que, comme aux Etats-Unis en 2017, la moitié des toxi-infections alimentaires résultent d'un passage au restaurant, où le lavage des mains est la première mesure à prendre.

Bref, les deux mots sont "danger" et "risque". 

Le danger est inhérent à la chose. Une chaise est dangereuse, par exemple, parce que si elle lâche, on peut tomber et se blesser. Une voiture est dangereuse, un couteau est dangereux, mais aussi une fourchette, une cuiller, une assiette, le sel, le poivre, l'eau : je vous laisse jouer au jeu d'imaginer dans quelles circonstances, mais voici des pistes.
La fourchette peut crever un oeil.
L'assiette peut, mal lavée, apporter des micro-organismes pathogènes.
L'eau trop pure (neige fondue, par exemple) peut provoquer des chocs osmotiques.

Bref, puisque le danger est partout, il serait imbécile de légiférer sur le danger, et, heureusement, certains de nos élus ont compris qu'il faut plutôt légiférer ou réglementer sur le risque.
Par exemple, le couteau ne pouvant être interdit, ce que la loi peut faire, c'est d'interdire des couteaux trop dangereux (pointus, à cran d'arrêt, plus long que la paume de la main) dans certains lieux publics. Ou encore, puisque la voiture est dangereuse, on réglementera ou on légiférera sur la vitesse maximale.
Et tout cela avec doigté, sans excès, sans prudence excessive qui immobiliserait toute notre société.

Donc il faut s'assurer des risques.

Ce qui vient d'être dit des voitures ou des couteaux vaut pour les composés variés que nous utilisons : les pesticides, les conservateurs des aliments, les additifs variés que nous utilisons.
Et cette législation, cette réglementation doit se faire, pour les aliments, dans le cadre de la loi sur le commerce des denrées alimentaires, dont on rappelle qu'elles doivent être saines, loyales et marchandes.

Bref, considérons moins les dangers que les risques !


mardi 19 décembre 2017

Peut-on manger des viandes cuites au barbecue ? Oui !

Ce matin, un correspondant (amical) me demande des précisions sur la cancérogénicité des viandes cuites au barbecue, afin de ne plus en manger :

"Vous dites que manger des aliments cuits au barbecue est cancérigène, pouvez-vous me préciser exactement ce qui l'est, est-ce le charbon ou autre chose ? J'aimerais en savoir plus avant d’arrêter définitivement ces moments plaisirs de l'été."

 Je lui réponds  :

Je ne dis pas qu'il ne faut pas manger de viande cuite au barbecue, pour cette première et importante raison que je dis que chacun doit faire ce qu'il veut.

Dans mon laboratoire, les "on doit" ou les "il faut" sont interdits, et nous invitons chacun à prendre des décisions responsables, après recherche.
Pour ce qui concerne le barbecue, je dis plus exactement (et j'ai des tas de références scientifiques à vous donner) que la viande mise au-dessus du feu ou de la braise se charge de benzopyrènes cancérogènes. Que le feu soit vif, avec des flammes,  ou qu'il n'y ait que des braises, que l'on ait utilisé du bois ou du charbon de bois, peu importe.

En revanche, je propose de savoir que si l'on surélève la grille, la quantité de benzopyrènes diminue, mais, surtout, que si l'on met la viande à côté du feu, et non pas dessus, alors la quantité de benzopyrène devient indétectable (pour ne pas dire nulle) : en effet, les viandes cuisent tout  aussi bien, parce que les infrarouges se propagent dans toutes les direction ; mieux encore, on peut mettre derrière la viande un réflecteur, nommé "coquille", qui accélère la cuisson. Et dans cette configuration, évidemment, pas de benzopyrène !

Finalement, s'il est vrai que les benzopyrènes cancérogènes sont effectivement abondants dans les viandes au barbecue classique, je ne crois pas qu'il faille arrêter de cuire ainsi, quand cela n'a lieu que quelques fois. Car le risque n'est grand que pas la répétition des expositions.

D'autre part, je prends souvent l'exemple de la viande au barbecue non pas pour empêcher mes amis de manger des préparations, mais surtout pour inviter à être de bonne foi, et à ne pas se préoccuper de dangers moins avérés, de risques plus faibles (les additifs, les pesticides, les perturbateurs endocriniens, le gluten, que sais-je ?) quand on fait soi-même bien pire. Il y a d'autres exemples de ce type : fumer, boire, ne pas enlever la peau des pommes de terre, etc.

 Je revendique surtout de la cohérence !














Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

jeudi 2 juin 2016

A méditer...

Si les gouvernements ne sont pas certains que le glyphosate est sans danger, les Européens ne devraient pas y être exposés, dit Bert Wander, directeur de campagne d'un collectif qui a recueilli 1,4 million de signatures contre l'utilisation du glyphosate. 





Ah bon ? Rappelons d'abord les  classifications du CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer)


Groupe 1 (cancérogène certain pour au moins une localisation)
118 substances
Groupe 2A (cancérogène probable)
75 substances
Groupe 2B (cancérogène possible)
288 substances
Groupe 3 (inclassable)
503 substances
Groupe 4 (probablement non cancérogène)
1 substance (caprolactame)
 
La catégorie « non cancérogène » n’existe pas… et les gouvernements ne sont donc pas près d’être « certains ».

Pour mémoire :
- la viande transformée et les boissons alcoolisées sont en groupe 1
- la viande rouge est en 2A
- le café en 2B. 


Alors ? 

dimanche 29 mai 2016

Faut-il manger des viandes cuites au barbecue ?

Ce matin, un correspondant (amical) me demande des précisions sur la cancérogénicité des viandes cuites au barbecue, afin de ne plus en manger :
"Vous dites que manger des aliments cuits au barbecue est cancérigène, pouvez-vous me préciser exactement ce qui l'est, est-ce le charbon ou autre chose ? J'aimerais en savoir plus avant d’arrêter définitivement ces moments plaisirs de l'été."

 Je lui réponds  :

Je ne dis pas qu'il ne faut pas manger de viande cuite au barbecue, pour cette première et importante raison que je dis que chacun doit faire ce qu'il veut. Dans mon laboratoire, les "on doit" ou les "il faut" sont interdits, et nous invitons chacun à prendre des décisions responsables, après recherche.
Pour ce qui concerne le barbecue, je dis plus exactement (et j'ai des tas de références scientifiques à vous donner) que la viande mise au-dessus du feu ou de la braise se charge de benzopyrènes cancérogènes. Que le feu soit vif, avec des flammes,  ou qu'il n'y ait que des braises, que l'on ait utilisé du bois ou du charbon de bois, peu importe.
En revanche, je propose de savoir que si l'on surélève la grille, la quantité de benzopyrènes diminue, mais, surtout, que si l'on met la viande à côté du feu, et non pas dessus, alors la quantité de benzopyrène devient indétectable (pour ne pas dire nulle) : en effet, les viandes cuisent tout  aussi bien, parce que les infrarouges se propagent dans toutes les direction ; mieux encore, on peut mettre derrière la viande un réflecteur, nommé "coquille", qui accélère la cuisson. Et dans cette configuration, évidemment, pas de benzopyrène !
Finalement, s'il est vrai que les benzopyrènes cancérogènes sont effectivement abondants dans les viandes au barbecue classique, je ne crois pas qu'il faille arrêter de cuire ainsi, quand cela n'a lieu que quelques fois. Car le risque n'est grand que pas la répétition des expositions.
D'autre part, je prends souvent l'exemple de la viande au barbecue non pas pour empêcher mes amis de manger des préparations, mais surtout pour inviter à être de bonne foi, et à ne pas se préoccuper de dangers moins avérés, de risques plus faibles (les additifs, les pesticides, les perturbateurs endocriniens, le gluten, que sais-je ?) quand on fait soi-même bien pire. Il y a d'autres exemples de ce type : fumer, boire, ne pas enlever la peau des pommes de terre, etc.

 Je revendique surtout de la cohérence !

samedi 29 août 2015

A propos d'un article contre la cuisine moléculaire

 Les critiques portées contre la cuisine moléculaire sont étonnantes, récurrentes, et tendancieuses.


Mais avant toute chose, qu'est-ce que la cuisine moléculaire ? 

Souvent, il y a confusion entre gastronomie moléculaire et cuisine moléculaire, et cette confusion résulte d'une confusion sur le mot "gastronomie", que certains interprètent comme de la cuisine d'apparat, alors que le terme a été introduit pour désigner "la connaissance raisonnée de ce qui se rapporte à l'être humain en tant qu'il se nourrit". Autrement dit, les études historiques de la cuisine sont de la gastronomie historique ; les études sociologiques de la gastronomie sociologique... et les études physico-chimiques de la gastronomie moléculaire.

La cuisine moléculaire ? C'est moi qui ait introduit la terminologie (et je conviens qu'elle est mal choisie), pour désigner la technique culinaire rénovée : dès le début des années 1980, il me semblait ahurissant que l'on continue à cuisiner avec des ustensiles qui datent du  passé, alors qu'au même moment, on prend l'avion, on utilise des ordinateurs, au lieu de rouler en char à boeufs et d'écrire à la plume d'oie et à l'encre.
Rénover les techniques culinaires ? Il s'agissait simplement de rationaliser les opérations et d'avoir une réflexion technologique. Si l'on veut foisonner, il faut un instrument approprié ; si l'on veut émulsionner, l'instrument doit être différent (dans les laboratoires de physico-chimie, on utilise à cette fin des sondes à ultrasons) ; si l'on veut filtrer, broyer, chauffer, refroidir, condenser, décanter, etc., alors les catalogues de matériel de laboratoire offrent des systèmes mieux pensés, que j'avais proposé d'introduire en cuisine. C'est cela, d'abord, la cuisine moléculaire, et il n'y a pas de quoi fouetter un chat, ni publier un article tendancieux ?

Cette introduction étant faite, il y a effectivement eu des incidents dans des restaurants de cuisine moléculaire... comme il y  en a sans cesse dans les restaurants plus traditionnels. Mais il est vrai qu'une certaine mode du "cru" expose davantage les mangeurs à des risques microbiologiques. La cuisson à basse température, introduite grâce à l'usage de systèmes  précis de chauffage, procure des résultats merveilleux, à condition de bien les maîtriser, sous peine de prolifération microbienne.
Cette cuisson à basse température s'est imposée pour les résultats qu'elle permet d'obtenir, mais aussi pour des raisons économiques : à basse température, des viandes dures s'attendrissent, et, de surcroît, la masse servie est voisine de la masse achetée, alors que, pour un rôtissage, on perd jusqu'à 25 pour cent de la masse. Personnellement, j'ai toujours pris soin d'alerter mes interlocuteurs cuisiniers sur la nécessité de chauffer suffisamment, afin de ne pas risque des proliférations microbiennes dangereuses, ou l'absence d'inactivation des parasites éventuels. C'est ainsi que, pour le porc, le sanglier, le cheval, je préconise la plus grande prudence.

Cela dit, les journaliste qui attaquent la cuisine moléculaire tombent souvent dans la faute de pensée nommée généralisation, confondant l'usage de produits de la catégorie des additifs avec des incidents microbiologiques. Derrière cette confusion (volontaire ?), il y a souvent de l'idéologie, et notamment des idées très fausses à propos de la "chimie". On doit répéter que le caramel est un additif.... qu'utilisent tous les pâtissiers, artisans ou pas. Ou encore que l'additif E460 n'est autre que le "vert d'épinard" produit depuis des siècles par les cuisiniers pour verdir leurs préparations. L'acide citrique ? Il y en a plein le jus de citron. L'acide ascorbique ? Une vitamine que l'on élimine dans les urines quand elle est en excès, et avec laquelle Linus Pauling prétendait soigner presque tout.
Surtout nombre de critiques de la cuisine moléculaire tombent dans le mythe du "bon naturel", oubliant que la ciguë est naturelle est parfaitement mortelle, par exemple.
Bref, j'hésite toujours, face à de tels articles : s'agit-il d'ignorance ? d'idéologie ? de peur  ? de la malhonnêteté qu'il y a à faire du scandale pour vendre les journaux ?

Récemment, un article qui faisait état des prétendus risques de la cuisine moléculaire reproduit étonamment ce qui a été publié vers 1996, avec les mêmes arguments, et aucune nouveauté. Les faits rapportés sont tendancieux. Par exemple, les journalistes qui ont produit ce torchon signalent des incidents chez le chef anglais Heston Blumenthal (que je n'ai pas à défendre : il est assez grand), mais, en réalité,  l'enquête des services vétérinaires avait finalement établi que tout était venu des huîtres ! L'article confond donc tout, de la cuisson basse température avec les additifs, oubliant que le braisage est une cuisson à basse température, et  que le caramel est un additif. Et en oubliant qu'une salade de carottes, c'est cuisiner à froid, donc rien de nouveau sous le soleil, de ce point de vue. En revanche, les professionnels doivent faire attention, et c'est la raison pour laquelle l'Education nationale promeut très justement la méthode HACCP.

En réalité, c'est l'ignorance qui fait le risque : ainsi, je m'inquiète de voir la peau des pommes de terre servie avec les tubercules, alors qu'une étude récente a montré que le seuil de toxicité en glycoalcaloïdes est atteint au Pakistan, pour la cuisine de rue (ces alcaloïdes résistent très bien aux températures de friture par exemple). Ainsi je m'inquiète de voir des infusions d'estragon dans l'alcool (le méthylchavicol est soluble dans l'éthanol, et très toxique), ou des macérations  de grappes de tomates dans l'huile (ce qui extrait un composé toxique), sans parler des plantes dont on ne sait pas bien la toxicité.
Ces pratiques "traditionnelles" ne justifient pas, évidemment, les mauvaises pratiques de cuisine moléculaire, mais c'est moins le principe que son application qui est en cause : un steak trop salé, cela ne condamne pas le steak grillé en général, mais un steak trop salé en particulier.

Oui, les nouvelles techniques sont dérivées d'analyses scientifiques, et il est vrai que la cuisine moléculaire découle de la gastronomie moléculaire. Oui, le passage de la science à la technique conduit à des risques nouveaux : la découverte de l'atome, et la bombe atomique ; la découverte de l'électricité et la chaise électrique ; la découverte des micro-organismes et des attaques à l'anthrax ; la découverte du feu et les incendies... Je maintiens que les responsables d'un acte condamnable sont ceux qui ont fait cet acte, et non les scientifiques qui ont fait la découverte. Pierre et Marie Curie ne sont pas responsables d'Hiroshima !

A propos d'un article contre la cuisine moléculaire

 Les critiques portées contre la cuisine moléculaire sont étonnantes, récurrentes, et tendancieuses.


Mais avant toute chose, qu'est-ce que la cuisine moléculaire ? 

Souvent, il y a confusion entre gastronomie moléculaire et cuisine moléculaire, et cette confusion résulte d'une confusion sur le mot "gastronomie", que certains interprètent comme de la cuisine d'apparat, alors que le terme a été introduit pour désigner "la connaissance raisonnée de ce qui se rapporte à l'être humain en tant qu'il se nourrit". Autrement dit, les études historiques de la cuisine sont de la gastronomie historique ; les études sociologiques de la gastronomie sociologique... et les études physico-chimiques de la gastronomie moléculaire.

La cuisine moléculaire ? C'est moi qui ait introduit la terminologie (et je conviens qu'elle est mal choisie), pour désigner la technique culinaire rénovée : dès le début des années 1980, il me semblait ahurissant que l'on continue à cuisiner avec des ustensiles qui datent du  passé, alors qu'au même moment, on prend l'avion, on utilise des ordinateurs, au lieu de rouler en char à boeufs et d'écrire à la plume d'oie et à l'encre.
Rénover les techniques culinaires ? Il s'agissait simplement de rationaliser les opérations et d'avoir une réflexion technologique. Si l'on veut foisonner, il faut un instrument approprié ; si l'on veut émulsionner, l'instrument doit être différent (dans les laboratoires de physico-chimie, on utilise à cette fin des sondes à ultrasons) ; si l'on veut filtrer, broyer, chauffer, refroidir, condenser, décanter, etc., alors les catalogues de matériel de laboratoire offrent des systèmes mieux pensés, que j'avais proposé d'introduire en cuisine. C'est cela, d'abord, la cuisine moléculaire, et il n'y a pas de quoi fouetter un chat, ni publier un article tendancieux ?

Cette introduction étant faite, il y a effectivement eu des incidents dans des restaurants de cuisine moléculaire... comme il y  en a sans cesse dans les restaurants plus traditionnels. Mais il est vrai qu'une certaine mode du "cru" expose davantage les mangeurs à des risques microbiologiques. La cuisson à basse température, introduite grâce à l'usage de systèmes  précis de chauffage, procure des résultats merveilleux, à condition de bien les maîtriser, sous peine de prolifération microbienne.
Cette cuisson à basse température s'est imposée pour les résultats qu'elle permet d'obtenir, mais aussi pour des raisons économiques : à basse température, des viandes dures s'attendrissent, et, de surcroît, la masse servie est voisine de la masse achetée, alors que, pour un rôtissage, on perd jusqu'à 25 pour cent de la masse. Personnellement, j'ai toujours pris soin d'alerter mes interlocuteurs cuisiniers sur la nécessité de chauffer suffisamment, afin de ne pas risque des proliférations microbiennes dangereuses, ou l'absence d'inactivation des parasites éventuels. C'est ainsi que, pour le porc, le sanglier, le cheval, je préconise la plus grande prudence.

Cela dit, les journaliste qui attaquent la cuisine moléculaire tombent souvent dans la faute de pensée nommée généralisation, confondant l'usage de produits de la catégorie des additifs avec des incidents microbiologiques. Derrière cette confusion (volontaire ?), il y a souvent de l'idéologie, et notamment des idées très fausses à propos de la "chimie". On doit répéter que le caramel est un additif.... qu'utilisent tous les pâtissiers, artisans ou pas. Ou encore que l'additif E460 n'est autre que le "vert d'épinard" produit depuis des siècles par les cuisiniers pour verdir leurs préparations. L'acide citrique ? Il y en a plein le jus de citron. L'acide ascorbique ? Une vitamine que l'on élimine dans les urines quand elle est en excès, et avec laquelle Linus Pauling prétendait soigner presque tout.
Surtout nombre de critiques de la cuisine moléculaire tombent dans le mythe du "bon naturel", oubliant que la ciguë est naturelle est parfaitement mortelle, par exemple.
Bref, j'hésite toujours, face à de tels articles : s'agit-il d'ignorance ? d'idéologie ? de peur  ? de la malhonnêteté qu'il y a à faire du scandale pour vendre les journaux ?

Récemment, un article qui faisait état des prétendus risques de la cuisine moléculaire reproduit étonamment ce qui a été publié vers 1996, avec les mêmes arguments, et aucune nouveauté. Les faits rapportés sont tendancieux. Par exemple, les journalistes qui ont produit ce torchon signalent des incidents chez le chef anglais Heston Blumenthal (que je n'ai pas à défendre : il est assez grand), mais, en réalité,  l'enquête des services vétérinaires avait finalement établi que tout était venu des huîtres ! L'article confond donc tout, de la cuisson basse température avec les additifs, oubliant que le braisage est une cuisson à basse température, et  que le caramel est un additif. Et en oubliant qu'une salade de carottes, c'est cuisiner à froid, donc rien de nouveau sous le soleil, de ce point de vue. En revanche, les professionnels doivent faire attention, et c'est la raison pour laquelle l'Education nationale promeut très justement la méthode HACCP.

En réalité, c'est l'ignorance qui fait le risque : ainsi, je m'inquiète de voir la peau des pommes de terre servie avec les tubercules, alors qu'une étude récente a montré que le seuil de toxicité en glycoalcaloïdes est atteint au Pakistan, pour la cuisine de rue (ces alcaloïdes résistent très bien aux températures de friture par exemple). Ainsi je m'inquiète de voir des infusions d'estragon dans l'alcool (le méthylchavicol est soluble dans l'éthanol, et très toxique), ou des macérations  de grappes de tomates dans l'huile (ce qui extrait un composé toxique), sans parler des plantes dont on ne sait pas bien la toxicité.
Ces pratiques "traditionnelles" ne justifient pas, évidemment, les mauvaises pratiques de cuisine moléculaire, mais c'est moins le principe que son application qui est en cause : un steak trop salé, cela ne condamne pas le steak grillé en général, mais un steak trop salé en particulier.

Oui, les nouvelles techniques sont dérivées d'analyses scientifiques, et il est vrai que la cuisine moléculaire découle de la gastronomie moléculaire. Oui, le passage de la science à la technique conduit à des risques nouveaux : la découverte de l'atome, et la bombe atomique ; la découverte de l'électricité et la chaise électrique ; la découverte des micro-organismes et des attaques à l'anthrax ; la découverte du feu et les incendies... Je maintiens que les responsables d'un acte condamnable sont ceux qui ont fait cet acte, et non les scientifiques qui ont fait la découverte. Pierre et Marie Curie ne sont pas responsables d'Hiroshima !

vendredi 21 septembre 2012

Faut-il vraiment avoir peur des OGM ?

L'étude sur les OGM fortement contestée

Mots clés : OGM
De nombreux scientifiques mettent en avant des problèmes méthodologiques et statistiques dans l'étude affirmant la toxicité des OGM sur des rats.
Echantillons non representatifs, souche de rats fortement prédisposée au développement de tumeurs, manque d'informations sur le dispositif expérimental: l'étude française qui a défrayé la chronique mercredi en montrant une hausse du nombre de cancers et de la mortalité des rats nourris avec un maïs génétiquement modifié de Monsanto est aujourd'hui sous le feu des critiques tant en France qu'à l'étranger.
Ce décalage de 24 heures provient du fait que la communauté scientifique n'a pu avoir accès à l'étude à paraître dans la revue Food and Chemical Toxicology que mercredi à 15 heures. Soit bien après les médias, comme le Nouvel Observateur, qui ont révélé ce «scoop» moyennant «la signature d'une clause de confidentialité». C'est du moins, ce qu'expliquait le matin même au Figaro, l'assistante de Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l'université de Caen et principal auteur de l'étude. Résultat: des images chocs de rats déformés par des tumeurs monstrueuses, et des propos définitifs sur la dangerosité des OGM, «enfin avérée», ont circulé toute la journée sans qu'il soit possible pour d'autres scientifiques d'apporter la moindre contradiction.

«Un échantillon bien trop faible»

«Cela ne vaut pas un clou, confiait ce matin au Figaro, le toxicologue Gérard Pascal après avoir pu enfin procéder à une lecture approfondie du travail de ses collègues. Pour faire une étude de cancérologie sérieuse sur deux ans, il faut des groupes d'au moins 50 rats. Or ici, ils n'en comptent que dix. Du fait des décès spontanés qui surviennnent pendant l'expérience, l'échantillon est bien trop faible pour tirer la moindre conclusion. Enfin, la souche de rats utilisée est réputée pour développer spontanément des cancers mammaires.» La littérature scientifique montre en effet qu'au bout de deux ans, 90 % de ces rongeurs attrapent un cancer. Qu'ils aient mangé ou non des OGM.
De son côté, le Pr Marc Fellous, ancien président de la Commission du génie biomoléculaire, pointe le manque d'information sur le régime alimentaire des rats. «A part le maïs OGM, on ne sait pas ce qu'ils ont mangé. De plus, le maïs renferme des mycotoxines, des substances naturelles fortement cancérigènes. A-t-on mesuré leur concentration? La publication ne le dit pas».

«Hypermédiatisation»

«Pour bien faire, il faudrait que l'Agence française de sécurité sanitaire et le Haut conseil des biotechnologies (mandatés hier par le gouvernement pour donner un avis sur cette étude choc, NDLR) ne se limitent pas un examen des dossiers individuels des rats mais conduisent une enquête de terrain afin, notamment, de consulter les carnets de laboratoire ou les coupes histologiques» renchérit Gérard Pascal.
Pressé par le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, de rendre ses résultats «le plus vite possible», le Pr Frédéric Pagès, qui préside le comité scientifique du Haut conseil des biotechnologies, a déclaré ce matin qu'il prendra avec ses collègues «le temps nécessaire pour produire une analyse consistante sans impératif de calendrier». Mais il s'est d'ores et déjà insurgé contre «l'exploitation tout sauf scientifique des photos» de rats malades et «l'hypermédiatisation» de ces travaux.

«Un coup médiatique soigneusement préparé»

A l'étranger, les médias ont accordé eux aussi une large place à l'information, particulièrement en Californie, où l'État envisage de rendre obligatoire l'étiquetage des aliments contenant des éléments transgéniques. Ce projet de loi qui va être soumis à référendum en novembre est une première aux États-Unis, où les OGM sont considérés comme des aliments comme les autres.
«Ce n'est pas une publication scientifique innocente, mais un coup médiatique soigneusement préparé», critique dans le New York Times, Bruce Chassy, professeur émérite des sciences de l'alimentation à l'université de l'Illinois. Contrairement à beaucoup de leurs homologues français, les médias américians n'ont pas omis de préciser que le Pr Séralini est ouvertement opposé aux OGM et que ses travaux ont été financés par le Criigen, une association militant contre les biotechnologies, et par deux géants de la grande distribution, Auchan et Carrefour, en pointe sur la vente de produits «bio» ou garantis sans OGM…

Américains et britannique très critiques

Les scientifiques américains ou britanniques se montrent eux aussi très critiques sur les résultats et la méthodologie des travaux de l'équipe française. Pour Anthony Trewavas, de l'université d'Edimbourg, il aurait dû y avoir autant de rats testés avec OGM que de rats dans le groupe témoin (alimentation sans OGM), ce qui n'était pas le cas, rapporte le New Scientist.
Le Los Angeles Times, comme d'autres titres, s'étonne que la gravité des symptômes observés n'augmente pas avec la dose d'OGM et d'herbicides donnés aux rats. Les rongeurs mâles nourris avec 33 % d'OGM vivent ainsi plus longtemps que ceux qui n'en avaient que 11 % dans leur alimentation et même que ceux qui n'en mangent pas du tout. «On observe probablement les variations d'un risque normal de développement de tumeurs au sein d'une petite population de rats», estime dans le même journal, Kevin Folta, biologiste de l'université de Floride, à Gainsville.