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lundi 20 avril 2020

Pour obtenir du croustillant/ how to make crisp products

On m'interroge à propos de croustillant  : comment en obtenir quand on cuisine ?
About crackling, how to get it ? (in English at the bottom of the  page. 
 
Pour une telle question, il y a lieu d'analyser un peu en n'oubliant pas ces "commandements" que j'avais donné s dans mon livre Mon histoire de cuisine
 
 
 
 
Je ne vais pas les rappeler tous, car il y en a 14,  et certains n'ont pas de rapport avec la question qui nous intéresse. En revanche, je propose d'observer que les liquides sont... liquides,  et que les solides sont... solides. 
Cela suffit en réalité à tout dire à condition de savoir  que nos aliments sont souvent des assemblage de composés qui sont soit solides soit liquides dans les conditions ambiantes. 
 
Par exemple la farine est solide, mais l'eau est liquide, et l'huile aussi. Dans une pâte, par exemple il peut y avoir des grains de farine - solides-  dispersées dans un liquide, et cette  "suspension" peut-être plus ou moins molle, plus ou moins dure.
Mais restons à cette expérience de disperser de la farine dans de l'eau. On obtient une pâte plus ou moins molle, selon la proportion de solide : par exemple, avec beaucoup d'eau et peu de farine, on a une poudre dispersée (qui finit par sédimenter). Mais avec beaucoup de farine et peu d'eau, on a une pâte plus dure. 
A la cuisson, cette pâte peut durcir. Si on la sèche, c'est-à-dire si l'on élimine liquide, alors on obtient quelque chose de très dur, qui peut-être est craquant si on a une couche un peu épaisse, et croustillant si l'on a milles petits "crac" qui résultent de la rupture de nombreux feuillets, comme dans une pâte feuilletée. 
 
Cette analyse, faite pour l'eau, ne vaut pas pour l'huile, qui ne s'évapore pas à la cuisson : si l'on répète la même expérience que précédemment mais en remplaçant l'eau par du beurre, qui fondra quand il chauffera, on récupérera une pâte sablée, avec des grains de farine dispersées dans du beurre qui, au refroidissement, vont durcir un peu. 
 
Et s'impose maintenant une discussion relative à l'énergie de liaison des molécules dans les solides. 
 
Dans un cristal de sel, les liaisons entre les atomes de sodium et de chlore sont très forts (ce sont des liaisons "électrostatiques", de sorte que de tels cristaux sont très résistants, très durs. 
Idem pour des cristaux de sucre, où, les molécules de saccharose sont tenues par de nombreuses "liaisons hydrogène". 
Idem dans les grain d'amidon,, puisque les "polysaccharides" (amylose et amylopectine) qui composent ces grains sont des polymères de saccharides, toujours avec les liaisons hydrogène précédemment considérées pour le sucre de table, ou saccharose.  
Pour les matières grasses, telle l'huile que l'on fait figer, les cristaux formés sont bien plus mous, parce que les liaisons sont des "liaisons de van der Waals", environ dix fois plus faibles que les liaisons hydrogène, et plus de cent fois plus faibles que les liaisons électrostatiques (je donne des ordres de grandeur). 
 
 Bref, on n'oubliera donc pas de penser à la chimie, si l'on veut maîtriser parfaitement le croustillant, notamment pour ceux qui se préparent à participer au 8e concours de cuisine note à note. 


 
 
PS. Pour les plus chimistes, voici une image que je crois de salut public de distribuer 
 
 
 
 
 
The translation in English : 
 
I'm asked about crispness: how do you get it when you cook?

For such a question, it is necessary to analyze a little while not forgetting these "commandments" that I had given in my book Mon histoire de cuisine.

I am not going to recall them all, because there are 14 of them, and some of them are not related to the question we are interested in. On the other hand, I propose to observe that liquids are... liquids, and solids are... solids.
That's really enough to say it all if you know that our food is often a collection of compounds that are either solid or liquid under the ambient conditions.

For example, flour is solid, but water is liquid, and so is oil. In a dough, for example, there may be grains of flour - solids - dispersed in a liquid, and this "suspension" may be more or less soft, more or less hard.
But let's stick to this experiment of dispersing flour in water. We obtain a more or less soft paste, depending on the proportion of solid: for example, with a lot of water and little flour, we have a dispersed powder (which ends up sedimenting). But with a lot of flour and little water you get a harder dough.
When baking, this dough can harden. If you dry it, i.e. if you remove the liquid, then you get something very hard, which may be crunchy if you have a thick layer, and crispy if you have a thousand little "cracks" resulting from the breaking of many layers, as in a puff pastry.

This analysis, made for water, does not apply to oil, which does not evaporate during cooking: if we repeat the same experiment as before, but replacing the water with butter, which will melt when it heats up, we will recover a shortbread dough, with grains of flour dispersed in butter which, on cooling, will harden a little.

And now a discussion about the binding energy of the molecules in the solids is necessary.

In a salt crystal, the bonds between the sodium and chlorine atoms are very strong (these are "electrostatic" bonds, so that such crystals are very resistant, very hard.
Same for sugar crystals, where the sucrose molecules are held by many "hydrogen bonds".
Ditto in starch grains, since the "polysaccharides" (amylose and amylopectin) that make up these grains are polymers of saccharides, again with the hydrogen bonds previously considered for table sugar, or sucrose. 
For fats, such as oil, which is frozen, the crystals formed are much softer, because the bonds are "van der Waals bonds", about ten times weaker than hydrogen bonds, and more than one hundred times weaker than electrostatic bonds (I give orders of magnitude).

 In short, one should not forget to think about chemistry, if one wants to perfectly master the crispness, especially for those who are preparing to participate in the 8th note-to-notes cooking contest.




PS. For the most chemists, here is a picture that I think of public salvation to distribute

lundi 27 janvier 2020

Questions de croûte et de croustillant

À propos de pain, de gâteaux, de terrines, de soufflés...

Hier, lors de notre séminaire de gastronomie moléculaire (qui, je le répète est une rencontre expérimentale qui a lieu tous les troisièmes lundi du mois, public et gratuite), j'ai été amené à répondre à des questions concernant la croûte des frites.
Car il est vrai que les frites sont des objets qui doivent avoir un extérieur croustillant et un intérieur tendre. C'est la raison pour laquelle on les frit, ce qui signifie qu'on les met dans de l'huile très chaude.

Très chaude mais combien ? Voilà la question que pose la science : Combien ? En l'occurrence, la majorité des ingrédients alimentaires sont fait d'eau, et cette eau s'évapore à 100 degrés, de sorte que, très chaud,  cela signifie par exemple 170 ou 180 degrés, ce qui est bien supérieur aux 100 degrés de l'évaporation de l'eau.
Et c'est la raison pour laquelle, quand on met un bâtonnet de pomme de terre dans de l'huile très chaude, l'eau de la pomme de terre s'évapore. Et c'est la raison pour laquelle on voit des jets de bulles de vapeur sortir des bâtonnets. D'ailleurs, il est intéressant de savoir que les bâtonnets de pomme de terre devenus des   frites perdent jusqu'à presque un tiers de leur poids : c'est une quantité considérable d'eau,  qui engendre  une quantité considérable de vapeur, d'où les bulles, les jets de bulles qui sortent de la pomme de terre.
Quand la frite est dans le bain d'huile, la température à l'extérieur de la frite est la même que celle du bain l'huile : 170 ou 180 degrés par exemple.

Mais il y a une donnée importante, à savoir qu'un ingrédient qui contient de l'eau ne voit pas sa température monter à plus que 100 degrés. De fait,  à l'intérieur des frites, il ne fait pas plus que 100 degrés, disons du cœur jusqu'à la limite interne de la côte. Car oui, la croûte est une partie de pommes de terre asséchée, où il fait 180 degrés à l'extérieur et exactement 100 degrés à l'intérieur. Cette limite des 100 degrés se propage progressivement vers l'intérieur au fur à mesure que la la frite cuit.
Au début, la croûte est très mince, et plus en cuit, plus l'épaisseur de la croûte augmente toujours avec 100 degrés à l'intérieur et 180 extérieur.
Il y a donc une règle facile pour les produits qui ont une croûte  : cuire suffisamment longtemps pour que l'épaisseur de la croûte soit celle que l'on veut  : faible quand on cuit peu de temps et plus épaisse quand on cuit plus longuement.
Par exemple,  pour un pain de campagne, on a intérêt à cuire longtemps si l'on veut une croûte épaisse.  on observera par exemple Pour un soufflé, une  matière qui contient beaucoup d'eau, la croûte est assez mince même après 45 minutes de cuisson. Idem pour un gâteau, par exemple,  où l'on ne cherche pas avoir une grosse épaisseur de croûte.

On a donc là la connaissance nécessaire pour obtenir le résultat que l'on souhaite pour avoir une croûte :  il faut chauffer énergiquement pendant un temps qui correspond à l'épaisseur de croûte que l'on souhaite.

vendredi 12 janvier 2018

Pour faire un bon laquage


Comment faire un bon canard laqué ? Comment faire du laquage ?

 J'ai répondu dans une proposition que j'ai faite il y a plusieurs années à mon ami Pierre Gagnaire : pour avoir un aspect laqué, il faut des couches successives de polymères à l'état vitreux. Voir la rubrique "Pierre et Hervé" de son site.

Tiens, je vous invite à laisser un oeuf, entier, dans sa coquille, pendant plusieurs mois dans la cuisine. Ou bien à mettre un oeuf à l'étuve, pendant quelques jours. Parfois, l'intérieur de l'oeuf se rétrécit, et fait une bille dure dans la coquille : on entend cela en secouant. Si l'on ouvre, on voit que le jaune s'est rétréci en une sphère environ moitié plus petite qu'un jaune d'oeuf ordinaire, liquide, et qu'il est recouvert par une "résine" brune, transparente : ce sont les protéines qui se sont agrégées en une phase amorphe solide, quand l'eau du blanc a été évaporée. Et l'ensemble est très lisse : n'est-ce pas le résultat que nous voulions ?
D'où la proposition qui consiste à déposer des couches successives d'une solution de polymères (par exemple des protéines) dont on évapore l'eau. Comment s'y prendre ? Prenons un fond de volaille, qui contient beaucoup de gélatine en solution, ou bien du blanc d'oeuf, par exemple, et peignons des couches successives en séchant (air chaud, four...).

Toutefois, dans un canard laqué, il faut aussi que la chair soit cuite. Cela tombe bien, car pour avoir le canard tendre, il vaut mieux cuire à basse température : si on fait le laquage dans un four ventilé à 70 degrés, par exemple, alors la chair cuira sans sécher, tandis que l'on pourra éliminer l'eau de la solution de laquage.

Le goût de la peau ? Il y a mille façons d'en donner, mais on peut évidemment utiliser un chalumeau ou un pistolet décape peinture. On peut aussi promouvoir les réactions de brunissement en changeant l'acidité... mais le goût est alors changé. Plus généralement, selon les composés présents dans la solution de laquage, on peut obtenir le goût que l'on veut. Dans le canard, la matière grasse de la peau peut réagir avec les acides aminés et les protéines présentes, par des réactions qui s'ajoutent aux réactions de Maillard, qui, je le rappelle, ne sont qu'un cas très particulier de réactions de brunissement des aliments.

Bref, il y a de quoi s'amuser... et s'entraîner pour le prochain concours de cuisine note à note










Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

lundi 11 décembre 2017

La tendreté des pâtes cuites

Tiens, nous cuisons une flammkuecha ou une pissaladière, voire une pizza, c'est-à-dire une couche de pâte, obtenue par mélange de farine et d'eau.
Nous avons utilisé un rouleau ou un autre instrument afin d'obtenir une épaisseur assez régulière. Cette pâte, éventuellement avec une garniture, est placée dans un four très chaud, par exemple  200 °C.

A cette température, les parties externes de la pâte ont leur eau qui s'évapore, ce qui produit un croûte croquante. À l'intérieur, la température reste toujours inférieure à 100°, parce que, tant qu'il y a de l'eau, la température ne peut guère augmenter (au mieux quelques degrés, parce que cette eau n'est pas pure, mais contient des "solutés", des composés dissous*).

La chaleur arrive donc à la surface, et de l'eau s'évapore donc de la partie supérieure et de la  partie inférieure de la pâte, tandis que la tendreté du centre subsiste.

Je  propose un exercice aux amateurs de sciences de la nature, un petit calcul : connaissant les lois classiques de transfert de la chaleur, connaissant la température du four, connaissant la chaleur latente d'évaporation de l'eau (combien il faut d'énergie pour évaporer une masse d'eau donnée, à la température de 100 °C),  pouvons-nous calculer quel sera, après 10 minutes de cuisson par exemple, l'épaisseur des croûtes inférieure et supérieure ?

La réponse à  la question est intéressante, parce que si l'épaisseur totale de la pâte est inférieure à la somme de ces deux épaisseurs,  alors nous obtiendrons une couche de pâte entièrement croquante ;  en revanche, si l'épaisseur totale est supérieure à la somme des deux épaisseurs, alors nous ferons un coeur tendre entre deux couches croquantes.

En pratique, les cuisiniers répondent à la question par l'expérience, mais les étudiants en physico-chimie obtiendront facilement le résultat par un simple calcul.  Et puis ? Ce type de problème ne conduit-il pas à l'étude de la physico-chimie ? A la connaissance par la gourmandise ?



* A titre indicatif, quand on fait bouillir 200 g d'eau additionnés de 200 g de sel, la température d'ébullition de l'eau n'est pas de 100 °C, mais de 103 °C ; pas de quoi fouetter un chat.







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)