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mardi 5 septembre 2023

Comment se comporter devant un examinateur ?

En ces temps de d'examens, aidons les candidats. 

 

Je propose deux cas : celui où le candidat sait répondre à la question posée, et le cas où il ne sait pas. 

S'il sait répondre, son cas est assez facilement réglé, mais attention à ne pas laisser une perle dans le fumier. C'est parce que l'on sait répondre que l'on prendra le plus grand soin à bien mettre en valeur la réponse. Par oral, on ira droit au but, sans hésitations. Par écrit, on ne manquera pas de soigner l'écriture, la mise en page, l'orthographe... 

Si le candidat ne sait pas répondre, tout n'est pas perdu, car il y a toujours cette merveilleuse métaphore du taureau qui fonce quand on agit devant lui un torchon rouge. L'examinateur étant un enseignant, son but est de voir l'apprenant réussir à apprendre. Autrement dit, il faut lui montrer que l'on a appris, même si l'on n'a pas spécifiquement appris le point qu'il nous demande et que l'on ignore

Un exemple ? Soit la question « Combien de cheveux sur ma tête ? ». Une mauvaise réponse est un «  je ne sais pas », qui n'a que le mérite de l'honnêteté (2/20 ?). Une autre mauvaise réponse est « dix millions », parce que c'est du bluff idiot. Le mieux, c'est quand on analyse la question, qu'on la remâche. Des cheveux sur la tête ? Disons que les cheveux sont espacés de un millimètre, ce qui en fait 100 par centimètres carré. A raison d'une tête de 20 centimètres par 20 centimètres, cela fait 400 centimètres carrés, et l'on triplera pour considérer la nuque et les côtés, soit 1200 centimètres carrés, soit finalement 120000 cheveux. Là, l'ordre de grandeur est bon, et il faudrait être malintentionné pour récuser une telle réponse, surtout si elle est énoncée aimablement (autant être poli : cela ne coûte rien). D'accord, c'est un cas où l'on pouvait s'en tirer facilement. 

Un autre ? Je donne ici la question que je pose en Master 2 de chimie analytique, pour le cours de spectroscopie de résonance magnétique nucléaire que je fais : soit un spectre de résonance magnétique nucléaire, avec une résonance de hauteur égale à 10 (unités arbitraires). Le bruit a une intensité de 1. Quelle partie de la résonance est perdue dans le bruit ?
Dans un tel cas, il faut « remâcher la question », c'est-à-dire la faire sienne, notamment par un schéma. 
On voit ici une résonance et du bruit : une partie de la résonance se trouve effectivement dans le bruit. Toutefois un tel schéma mérite mieux : les examinateurs ont le réflexe de demander d'indiquer ce que sont les abscisses et les ordonnées. Alors autant commencer par mettre les axes, puis des libellés pour les deux axes. Souvent, alors, le problème est bien posé... et l'analyse conduit automatiquement à sa résolution. On commencera, par exemple, par considérer que c'est un problème général, qui se résout donc par des équations générales. La résonance ? Si l'on sait que les résonances de RMN sont des lorentziennes, de forme A/(B+x2), c'est tant mieux. Sinon, on écrira que la résonance est de la forme i=f(d), où i est l'intensité, et d le déplacement. Pour le bruit, on pourra considérer qu'il correspond à une bande entre i = 0 et i = e. Et l'on trouvera les intersection de la résonance en résolvant f(d)=e, ce qui conduira à deux valeurs d1 et d2. Enfin, on considérera des valeurs du signal avec les intégrales entre -∞ et d1, entre d1 et d2, puis entre d2 et +∞. Là, on le voit, il manque seulement les parties les plus mécaniques du calcul, mais l'idée y est. 

Pourquoi l'examinateur ne s'en satisferait-il pas ? Après tout, on a cherché à vraiment résoudre la question, sans le prendre pour un imbécile comme si l'on avait énoncé des choses sues sans rapport avec la question. Bref, il y a une stratégie des réponses, et autant la considérer avec autant d'attention que les matières elles-mêmes, n'est-ce pas ?

jeudi 8 décembre 2022

samedi 17 septembre 2022

Close to my heart



In the last note-to-note cooking competition, one of the contestants who was shortlisted and presented his work said he wanted to make a dish that was "close to his heart".

Why not.... but is it a good strategy?

Because in the end, the jury doesn't care what is dear to its heart, and it is the preparations dear to the jury's heart that are important.

All this obviously reminds me of the paradox of the actor of this wonderful Denis Diderot, who explains well that if one dies on stage to represent a character who dies, then one is a bad actor; what one must do to be a good actor, is to give the impression that one dies on stage.

Yes, you have to remain frozen inside to perfectly control the appearance you give, the message you transmit.

In the same way, making a dish that we like is quite secondary. What counts in a contest is that you please the jury!

Of course, if we work on a subject we are passionate about, we will put more energy, more enthusiasm and more time into it than if we do something that bores us.

But we should not confuse the objectives: when we do a competition it is to win it over other competitors, right? However, knowing that everyone is marked by the same jury, the question is above all to know what the criteria of the competition are, what the personal criteria of the jurors are.

These are the real questions!


dimanche 8 mai 2022

A propos de cuisine note à note

 

Ce matin, des questions :

Avec une camarade, nous avons commencé à étudier la cuisine note à note pour notre sujet de tipe à mener en vue des concours de deuxième année.
Nous avons déjà prévu d'extraire un arôme de fruit. C'est pourquoi nous sommes maintenant à la recherche de composés tels que des protéines que nous pourrions extraire d'aliments comme des fruits ou des légumes afin de continuer notre étude.
Nous nous demandons avec ma camarade si vous pourriez nous donner des idées sur des composés que vous savez utiliser en cuisine note à note.

 

J'ai évidemment félicité ces étudiantes de s'intéresser à la cuisine note à note, plutôt qu'à la cuisine moléculaire, bien plus ancienne.
Mais, ensuite, je me suis posé des questions, stratégiques tout d'abord.

Tout d'abord faut-il faire l'extraction soi même ? En gros, la production ou la cuisine ?

Oui, mes interlocutrices ont pour projet de faire l'extraction d'un "arôme de fruit" (je discute plus loin les guillemets que j'ajoute), me disent-elles, mais cela est un sujet en soi, et ce travail ne serait pas de la cuisine, mais de la production d'ingrédients pour la cuisine.
La question est d'être bien clair avec le sujet du travail :
- soit c'est de faire de la "cuisine note à note", et il faut alors se procurer les ingrédients, et s'intéresser à la constitution des mets note à note ; en gros, le musicien de synthèse ne construit pas son synthétiseur, mais il l'utilise, et cela impose d'ailleurs beaucoup de compétences
- soit le travail consiste à préparer des ingrédients de la cuisine note à note, et ce n'est plus de la cuisine.
Bien sûr, on peut hybrider, mais nos interlocutrices y gagneront à avoir un projet bien clair, qu'elles exposeront en introduction, afin qu'elles soient évaluées sur le travail fait en réponse à la question posée. Oui, décidément, toujours bien poser la question centrale en introduction, bien définir l'objectif.


Le mot "arôme"

J'en arrive à un détail... important. Oui, la question terminologique qui était posée par mes guillemets, à "arôme de fruit" est un détail, par rapport à l'objectif, mais ce "détail" est important, parce que le grand Antoine Laurent de Lavoisier avait mille fois raisons de dire que la pensée et les mots vont ensemble.
Ici, on gagne a répéter que le mot "arôme", en français, signifie "odeur des plantes aromatiques". Il y a donc l'arôme du thym, du romarin, de la sauge... mais pas d'arômes de viande ni de poisson, par exemple. Pour les fruits, on peut hésiter.
Un des avantages de bien utiliser le mot "arôme", c'est que l'on évite la confusion avec l'odeur, d'une part, et avec les aromatisants, d'autre part.

Bref, nos deux interlocutrices veulent extraire des composés odorants de fruits. Et il y a mille façons d'obtenir des fractions odorantes... qui ne seront jamais, d'ailleurs, la totalité de l'odeur du fruits, soit parce que l'on n'aura pas extrait tous les composés, soit parce que l'on aura des proportions différentes des divers composés.
Mais... Au fait, la cuisine note à note vise à utiliser des composés purs pour construire les mets : pourquoi ne pas utiliser plutôt quelques composés purs, plutôt qu'un ensemble ?
En musique, quand on fait de la musique de synthèse pure, on utilise des ondes sonores pures, n'est-ce pas ?
Bien sûr, il n'y a pas de loi qui impose de faire de la cuisine note à note pure, plutôt que de la cuisine note à note pratique.
Mais, en tout cas, l'extraction de fractions odorantes des fruits est peut-être déjà un sujet de travail en soi.


Des composés ?

Vient alors la question des composés. Quels sont-ils ? Des protéines, des glucides, des lipides, des composés minéraux, et ainsi de suite.
Comme indiqué dans la fiche d'annonce du concours note à note, ces composés se trouvent facilement.
Les protéines : soit en pâtisserie, soit dans des boutiques diététiques, soit chez des sociétés telles que Louis François.
Les lipides : on prendra simplement de l'huile, puisque c'est quasiment réduit à des triglycérides.
Les glucides : la fécule de maïs, c'est de l'amylopectine quasi pure ; la cellulose, c'est le résidu solide obtenu par centrifugation de végétaux, puis lavage ; la pectine, c'est ce que l'on utilise pour faire des confitures, en plus du sucre ; d'ailleurs, à côté des polysaccharides, il y a des mono-, di- et oligo saccharides tels que glucose, fructose, saccharose, maltose, lactose, etc. ; des sels minéraux, pas difficile ; et ainsi de suite ; pour les colorants, on pendra des colorants alimentaires (bien sûr) ; pour les composés odorants, il y a des composés purs vendus par la société Iqemusu (en ligne : iqemusu.com).


Participer au concours ?

Et pendant que nous y sommes, pourquoi le travail de nos deux interlocutrices ne feraient-ils pas d'une pierre deux coups : pourquoi ne participeraient-elles pas au concours international de cuisine note à note, dont le thème, cette année est "des cubes salés avec des fibres" ? Les documents d'information et d'inscription sont là : http://www2.agroparistech.fr/The-10th-International-Contest-for-Note-by-Note-Cooking-is-announced.html

vendredi 22 avril 2022

Passer un concours par entretien



Dans un jury de concours, je vois des discours très stéréotypées et très convenus.

Cela me pousse à comprendre, et à partager mon analyse, en vue d'aider celles et ceux qui ont de telles épreuves à passer.

Disons tout d'abord que tous ne seront pas pris : un concours, ce n'est pas un examen.

De sorte que le jury a la difficile tâche de sélectionner des "têtes qui dépassent".

Autrement dit, si les discours de tous les candidats sont les mêmes (je suis très bien, je suis très très bien), ce n'est pas un discours qui puisse avoir des chances de succès.

Bref, il faut qu'une tête dépasse... mais sans prétention ! Après tout, la modestie est une qualité, non ? Et la prétention... Je déteste personnellement cela, en observant que quand on travaille plus qu'on a de prétentions, on est travailleur, mais quand on a plus de prétentions que de travail, on est prétentieux.

Et puis, au fond, je ne suis pas intéressé par des tas de qualités, mais par du contenu : on postule pour devenir ingénieur ? Parlons alors du travail de l'ingénieur, mais pas en termes baratineurs. Au fond, c'est quoi, "ingénieur" ? Et en quoi est-ce différent de "techniciens" ? De "technologues"  ? De "scientifique" ?

Puis, on voudrait montrer que l'on peut légitimement briguer l'entrée dans une école d'ingénieur : savons-nous bien ce qui s'enseigne dans l'école à laquelle nous postulons ? savons-nous bien ce qui nous sera enseigné (pas en gros, non, en détail) ? savons-nous bien en quoi ces notions seront utiles pour notre métier ?

Voilà, au minimum, ce que le jury veut entendre, concrètement. Et puisque les concours d'entrée dans les écoles d'ingénieurs incluent des mathématiques, de la physique, de la chimie, de la biologie, etc., n'est-ce pas ce qu'un candidat devrait d'abord discuter ?
L'idée me frappe soudain par son évidence.

D'ailleurs, quel est le véritable travail d'un ingénieur ? Là, encore, un discours méthodique, systématique, précis, s'impose, n'est-ce pas  ?

Et je peux assurer que de tels discours font dépasser la tête !  Mieux que des effets de manche qui ne trompent personne. Verba volant...  

jeudi 21 avril 2022

Une méthode professionnelle ? Ce n'est pas du baratin au café du commerce

Une méthode professionnelle,  ce n'est pas un baratin tel qu'on le tient au bistrot !

Dans un jury de concours, un de mes collègues demande à un candidat quelle est sa méthode pour chercher de l'information, et nous entendons un discours très long qui nous dit finalement que, parmi les professeurs de cet étudiant, il y en a un qui est très bien et que l'on peut interroger pour obtenir de l'information.

Je résume ici ce qui a fait l'objet d'un (trop) long développement, en beaucoup de phrases qui n'ont pas convaincu (d'accord, nous sommes bêtes, mais pas au point de ne pas comprendre  une réponse) et qui, en réalité, sont un peu rédhibitoires, en ce sens qu'elles voulaient nous "bourrer le mou".

Mais qu'importe, je prends  surtout cette anecdote comme une occasion d'expliquer à des jeunes amis qu'une méthode professionnelle (la recherche d'informations professionnellement utiles) n'est pas une sorte de vague sentiment, et certainement pas la consultation d'une personne isolée, puisque même si cette personne est merveilleuse, elle est humaine, donc insuffisante.


La recherche d'informations se fait au minimum par croisement de plusieurs informations.


Mais il y a aussi la question du niveau d'information voulu, et c'est ainsi que, dans mes cours de Master, je m'élève périodiquement contre des dessins de vulgarisation que l'on nous propose  : un cours de Master, ce n'est pas une histoire qu'on raconte aux enfants à la veillée.

En science et la technologie, il y a l'équation, le quantitatif, et c'est un minimum professionnel que la description soit en ces termes.

Un conte, c'est bon pour des enfants que l'on endort, mais ce n'est pas professionnel,  parce que ce n'est pas réfutable, pas quantitatif.

Et puis,  qui nous prouve que ces informations soient justes, que les descriptions données soient légitimes ?

Seule la question quantitative permet de trancher, de sorte que l'on peut déjà conclure que  la recherche d'informations passe nécessairement par l'obtention d'informations quantitatives, croisées les unes aux autres, avec un objectif initialement bien fixé.

Oui, un objectif bien fixé : une question précise, une analyse terminologique de la question pour qu'elle soit bien posés et qu'elle puisse être bien explorée.

Mais, ensuite,  un ensemble de sources qui ne se résume pas paresseusement à une seule.

Bref il y a une méthodologie de la recherche d'informations, qui mérite mieux qu'un paresseux "Je vais demander à un gentil professeur".

J'ajoute que l'objectif de ce billet n'est pas de dénoncer la paille dans l'oeil de candidats,  mais,  au contraire, de rendre service aux futurs candidats... en évitant la poutre qui pourrait venir dans notre œil à nous.


mercredi 20 avril 2022

Pour un entretien, lors d'un concours, il faut des démonstrations, pas des prétentions !

Comment aider nos jeunes amis à passer un entretien, dans un concours ? Voilà la question que je me propose d'explorer, en analysant les fautes les plus fréquentes. Non pas pour enfoncer ceux et celles qui les ont faites, mais plutôt en vue d'aider les prochains candidats à faire bien.


Là, dans un jury de concours, je vois des étudiants qui se succèdent avec, à la bouche,  les mots de manager, recherche, créativité, curiosité, innovation,  et ainsi de suite.

Bien sûr, je n'ai rien contre ces mots, mais je propose d'analyser que la quasi totalité des étudiants nous ont tenu ce langage et que,  de l'autre côté de la barrière, on sait bien que, derrière les mots convenus, il y a des personnalités différentes.

D'autre part, nos amis devraient quand même savoir que, par des questions qui dépassent un discours convenu, on constatera rapidement que des prétentions ne sont parfois... que des prétentions.  Il ne faut pas prendre les membres des jurys pour des imbéciles : après tout, leur rôle est d'entendre et de comparer des discours, non ?

De sorte que se pose, pour un candidat, la question d'une stratégie, afin de ne pas être un numéro de plus qui prononce les mêmes mots convenus, prétentieux, avec des justifications parfois bien faibles : après tout, ne sommes-nous pas ce que nous faisons ? 



Bref, il y a une question de stratégie. Et celle-ci doit se fonder sur une analyse... qui commence pas imaginer que tous les candidats vont évidemment dire qu'ils sont merveilleux. Au minimum, on pourra faire observer cela au jury, en vue de montrer pourquoi on est ce que l'on est soi-même, à savoir pas absolument merveilleux... mais pas si mal. Ne croyez vous pas que, membre d'un jury, vous préféreriez quelqu'un d'un peu modeste (mais compétent) ?

Dans le jury qui m'a accueillir, plusieurs étudiants avaient commencé par faire une classe préparatoire à un concours pour les écoles d'ingénieurs et ont ensuite fait une autre voie. N'est-ce pas le minium d'être clair avec le jury, et de bien dire pourquoi on n'a pas poursuivi ? A-t-on raté les concours ? Et si l'on préfère la "pratique", comme l'ont dit certains, n'est-ce pas l'indication que la théorie d'une école d'inténieur n'est pas faite pour eux ?
Là encore, il est de bonne stratégie de bien s'expliquer, concrètement.

Puis, puisqu'il est question d'une école d'ingénieurs, ne faut-il pas a minima savoir bien ce qu'est un ingénieur ?
Pour beaucoup de nos amis, il y a une confusion entre "cadre", "manager", "ingénieur"... mais qu'est-ce au juste que la technique ? la technologie ? l'ingéniérie ?
Et là, disons rapidement que l'on n'attend pas une réponse qui commence par "pour moi, c'est"... car une telle réponse ne fait qu'établir qu'il n'y a pas eu de travail, de recherche à ce propos, mais seulement un vague sentiment... qui est en réalité rédhibitoire.

Ce n'est pas le lieu ici de critiquer les candidats que nous avons reçus, car le rôle d'un évaluateur, c'est d'être bienfaisant, de mettre en confiance... mais sans se faire bourrer le mou. Au fond, la question pour nos amis était moins de nous convaincre qu'ils était créatifs, innovants, et cetera,  que de démontrer des capacités d'ingénieur,  ce qui passe par une compréhension des systèmes, en termes quantitatifs.  Science et technologie ne sont pas des discours poétiques, mais de vrai compétences théoriques, qui dépassent l'"animation" d'une équipe. Un de mes collègues a parlé justement de l'"autorité de l'ingénieur"... et il y avait là une vraie question : c'est quoi, l'"autorité" d'un "ingénieur", et en quoi l'ingénieur s'impose-t-il pour une équipe technique ?

J'espèce que cette analyse sera utile à d'autres candidats, dans le futur !


lundi 23 novembre 2020

Des indications pour le concours de cuisine note à note

 A propos de "suspensions" : la fondue ?

On m'interroge à propos du prochain concours international de cuisine note à note dont le thème est  : les suspensions.

Les suspensions ? Ce sont des dispersion colloïdales de particules solides dans un liquide, pour les suspensions liquides, et de particules solides dans un solide pour les suspensions solides.

Mais je m'aperçois que cette définition abstraite ne suffit pas puisque l'on m'interroge en me demandant par exemple si les fondues au fromage sont des suspensions.
Commençons donc par les fondues au fromage que l'on fait classiquement en chauffant du fromage dans du vin. Le gel laitier qu'est le fromage se désagrège et laisse partir dans le liquide des gouttelettes de matière grasse et, sans doute aussi, des micelles de caséine, de sorte que l'on obtient une émulsion, qui est donc une dispersion d'un liquide dans un autre, mais pas une suspension.

Des exemples de suspension, alors ?

Il y a d'abord les frappés aux fruits ("smoothies"), que l'on obtient en broyant un tissu végétal dans un liquide : le broyage désagrège le tissu végétal  macroscopiques en particules qui peuvent avoir des tailles variées, des gros morceaux jusqu'à des résidus de cellules. Car effectivement, les tissus végétaux sont des agrégats de sacs vivants, les cellules végétales en l'occurrence, et le broyage forme des morceaux plus ou moins petits qui vont du gros agrégats de nombreuses cellules jusqu'au morceau de paroi végétale brisée.
Il y a donc là des petits solides dispersées dans un liquide, et donc une suspension.
Très analogue est la purée de légumes, bien évidemment, à cela près que la phase aqueuse est réduite.

Une autre  : la crème anglaise, que l'on obtient en chauffant une solution de protéines, classiquement du jaune d' œuf avec du sucre et du lait.
Cette fois, le processus est inverse du précédent, à savoir que l'on part des molécules pour former des agrégats de plus en plus gros... jusqu'au grumeau, quand la crème anglaise est ratée. Mais en tout cas, pour une crème anglaise réussi, l'épaississement vient de la formation d'une suspension.

Pour le concours  de cuisine note à note, les deux processus, du macroscopique vers le moléculaire, ou du moléculaire vers le microscopique, sont utilisables bien évidemment.
On pourrait constituer un solide macroscopique, note à note, que l'on diviserait, ou, au contraire, dissoudre les molécules dans un liquide et provoquer l'agrégation.


Reste la question de la fondue.

Au fond, si on veut simplement faire une fondue, que l'on fasse une fondue, mais la probabilité de gagner le concours est réduite, car qu'a-t-on le fait plus que la cuisine traditionnelle ? En revanche, s'il s'agit d'abstraire et de généraliser, alors on voit un gel qui se dissocie et qui laisse partir dans la solution ses constituants, et là, oui, il y a une idée car nous sommes encore dans le mouvement descendant, du macroscopique au moléculaire, mais nous avons remplacé ici l'agitation thermique par la dissociation.
Un exemple ? Partons de grains d'amidon (des solides, de la fécule) que nous dispersons dans un gel de gélatine (aspic) ou de pectine (confiture). Puis mettons ce gel dans un liquide chaud : il fond, et libère les particules solides qu'il contenait.

Reste à donner du goût !

mercredi 31 juillet 2019

Le relâchement après le concours est-il une fatalité ?

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dasn ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.

Discutons, discutons... Voici ce que je reçois de jeunes collègues qui ont fait l'effort de préparer un concours, et qui l'ont réussi :

{Nous pensons aussi que le contexte d’entrée en école forme une sorte de « cercle vicieux ». En effet, la majorité des étudiants sont passés par la classe préparatoire et ont de fait un certain besoin de « relâchement » après ces deux ou trois ans.
En d’autres termes, en première année, l’ambiance est peu portée sur les études et la plupart des étudiants sèchent de nombreux cours. }

La première phrase m'intéresse moins que la deuxième, où figure le mot "besoin". Et, je ne sais pas bien pourquoi, ce terme m'alerte, tout comme j'entends le mot "droit"... auquel j'oppose celui de "devoir".
Quel "besoins" ont les jeunes collègues ? Je crains hélas que beaucoup ne soient pas à leur place : ils ont fait l'"effort" de préparer des concours non pas parce que les matières étudiées leur plaisaient, mais parce qu'ils voulaient accéder à une école, afin d'en avoir le diplôme. Au lieu d'un intérêt intrinsèque, ils avaient un intérêt extrinsèque, et l'attitude serait combattue par des philosophies orientales : si  l'on part se promener en montagne et qu'on veut absolument le sommet, on est malheureux tant qu'on ne l'a pas atteint, et une fois qu'on l'a atteint, que fait-on ? On vise un autre sommet, et l'on est malheureux, et ainsi de suite. Inversement, celui ou celle qui aime la montagne en profite pendant tout le chemin.
Est-ce à dire que la majorité des jeunes collègues ont besoin de cours de philosophie ?

Mais on devine que j'exagère, dans l'analyse précédente, et il y aussi à considérer que les élèves des écoles se sont focalisés sur quelques matières particulières et qu'ils voudraient s'ouvrir à d'autres sujets que ceux des concours. Pourquoi pas : après tout, un ingénieur a bien besoin d'autre chose que les mathématiques, la physique, la chimie et la biologie : il faut de l'administration, de la communication, par exemple, mais il faut aussi des méthodes pour des transferts technologiques, à partir des données les plus avancées de la science. Et puis, selon les projets personnels, chacun a besoin de données dans des champs particuliers : des données biochimiques et de la toxicologie pour ceux qui visent l'industrie du médicament ; des données écologiques pour ceux qui visent les métiers de l'environnement ; des données agronomiques pour ceux qui visent l'agronomie...
Ici, on voit qu'il ne s'agit plus de donner un tronc commun, lequel est le socle des classes préparatoires, mais qu'il faut prendre en compte les projets personnels, vers lequel trois ans d'études seulement conduiront.
De ce fait, un nouveau tronc commun en école d'ingénieur semble sans intérêt, n'est-ce pas ? Et mon analyse sur les études "matricielles" s'impose. Nos institutions doivent en tenir compte, et mieux répondre qu'elles ne l'ont fait par le passé, avec des organisations qui existaient déjà à l'identique il y a un siècle.
Quel usage du numérique faisons-nous pour arriver à des formations améliorées ? Quels comportements des professeurs avons-nous changé ? Ne sommes-nous pas dans un immobilisme coupable ? Ne supportons-nous pas une inefficacité excessive ?
Oui, voilà la question qui nous est posée, et à laquelle je n'apporte évidemment pas de réponse positive : je pose la question, en réclamant que, chaque jour, nos dispositifs d'études soient transformés, en vue d'améliorations. Au fond, puisque tout ce qui est humain est imparfait, n'avons-nous pas l'obligation d'améliorer ?

lundi 10 juin 2019

Répondre à un examinateur


Comment se comporter devant un examinateur ?

Je propose deux cas :
- celui où le candidat sait répondre à la question posée,
- et le cas où il ne sait pas.
1. S'il sait répondre, l'affaire est assez facilement réglée, mais attention à ne pas laisser une perle dans le fumier. Quand on sait répondre, on a intéret à prendre le plus grand soin à bien mettre en valeur la réponse. Par oral, on ira droit au but, sans hésitations. Par écrit, on ne manquera pas de soigner l'écriture, la mise en page, l'orthographe...

2. Si le candidat ne sait pas répondre, tout n'est pas perdu, car il y a toujours cette merveilleuse métaphore du taureau qui fonce quand on agite devant lui un torchon rouge : l'examinateur étant un enseignant, son but est de voir l'apprenant réussir à apprendre. Autrement dit, le candidat doit montrer qu'il a appris, même s'il n'a pas spécifiquement appris le point qui lui est demandé et qu'il ignore.
A savoir aussi : il y a des cas où l 'on veut un ordre de grandeur, et d'autres où l'on cherche une solution exacte. En début de réponse, bien se demander dans quel cas on est.
Plus généralement, il y a des points importants :
- ne pas sauter sur la réponse en coupant la parole à l'examinateur, et ne pas rester silencieux trop longtemps quand la question a été donnée. Dans le premier cas, on montre qu'on n'est pas sûr de soi (surtout si on ne sait pas !), et, dans le second, on risque de faire penser qu'on est imbécile. Il y a un bon dosage à trouver : un temps de réflexion qui montre que l'on sait réfléchir, puis on répète la question posée, calmement, mot à mot, ce qui donne des pistes pour y réfléchir.
- ne pas chercher à bourrer le mou de l'examinateur : rien n'est plus déplaisant que quelqu'un qui ignore la réponse à la question mais, avec beaucoup d'aplomb, cherche à nous faire croire qu'il sait.
- prendre du recul... ce qui conduit parfois à trouver la solution qu'on ignorait.

Et c'est là où ce billet peut (souhaite) être utile. Oui, répétons la question, en nous demandant d'abord - à voix haute- si l'on nous demande une solution formelle (des équations), ou bien un ordre de grandeur, ou bien un résultat numérique juste. Cela, c'est de la stratégie, et ça montre que l'on a du recul sur la question et sur l'examen en général.
Puis il faut soliloquer (voir cela dans d'autres billets), à savoir prendre chaque mot de la question comme on prendrait un fil d'une pelote de laine : on dit le mot, on le considère (toujours à voix haute), et l'on dévide ce que l'on sait à propos de ce mot. Par exemple, supposons que l'on soit interrogé sur la différence de température entre le bas et le haut de la tour Eiffel  par un examinateur  qui attend des calculs de thermodynamique classique, on peut évoquer les mots "hauteur", "atmosphère", puis penser (toujours à voix haute) que la pression diminue avec l'altitude, évoquer la relation des gaz parfaits, et, surtout, évoquer la thermodynamique classique, laquelle est une science qui considère des équilibres, et qui discute les phénomènes en termes d'énergie, et ainsi de suite : tout ce que nous aurons dit ne suffira pas à répondre la question, mais nous aurons montré que nous ne sommes pas totalement ignorants.


Un exemple ?


Soit la question « Combien de cheveux sur ma tête ? ».
Une mauvaise réponse est un «  je ne sais pas », qui n'a que le mérite de l'honnêteté (2/20 ?).
Une autre mauvaise réponse est « dix millions », parce que c'est du bluff idiot.
Le mieux, c'est quand on analyse la question, qu'on la remâche.
Des cheveux sur la tête ? On fait un dessin, on voit que les cheveux sont désordonnées et à des distances variées, donc on fait un modèle simplificateur, en les plaçant aux sommets d'un réseau, carré si possible.
Puis on fait une hypothèse : disons que les cheveux sont espacés de un millimètre, ce qui en fait 100 par centimètres carré. A raison d'une tête de 20 centimètres par 20 centimètres, cela fait 400 centimètres carrés, et l'on triplera pour considérer la nuque et les côtés, soit 1200 centimètres carrés, soit finalement 120000 cheveux.
Là, l'ordre de grandeur est bon, et il faudrait être mal intentionné pour récuser une telle réponse, surtout si elle est énoncée aimablement (autant être poli : cela ne coûte rien).

Évidemment, il est bon de savoir que les meilleurs sont ceux qui savent répondre à toutes les questions... parce qu'ils ont déjà considéré toutes les réponses... d'autant que, s'ils étaient face à une situation nouvelle, ils seraient armés pour répondre, mais puisque tous ne sont pas ainsi, au moins, je serais heureux de contribuer à les aider.

dimanche 6 mai 2018

On ne perçoit jamais les saveurs, la consistance, les odeurs rétronasales...

Régulièrement juré dans des concours de produits alimentaires (cuisine, charcuterie, etc.), je vois régulièrement des grilles d'évaluations très... disons insuffisantes. Je passe sur les confusions entre saveurs et goût, entre odeur et arôme, entre sensations trigéminales et saveurs, sans compter sur l'ignorance des modalités sensorielles récemment découvertes, et je m'interroge ici sur la conception de grilles plus justes : comment les réaliser ?

1. Pour répondre à la question il faut répéter que nous pouvons percevoir l'aspect visuel sans trop de difficultés. Certes, le nom qui est donné à l'objet nous conditionne un peu, mais il reste que du jaune n'est pas bleu, par exemple.  On pourra donc questionner les jurés sur la couleur, la texture visuelle, ou diverses caractéristiques spécifiques, telle la fleur d'un saucisson.

2. Puis il y a l'odeur anténasale : celle que l'on a quand on approche le produit du nez. Ce n'est pas un arôme, sauf si le produit que l'on teste est une plante aromatique. Et la grille peut donc porter une case "odeur anténasale", éventuellement subdivisée, afin de tenir compte de particularités de la catégorie de produits évalués. Par exemple, un munster ne devra pas avoir la même odeur qu'un camembert.

3. Le produit vient en bouche, et il est vrai que l'on perçoit assez bien la consistance. Enfin... En réalité, c'est plutôt la texture que l'on perçoit : le même carré de chocolat que l'on croque est croquant, alors qu'il est fondant quand on le mange lentement. De sorte qu'il serait parfois judicieux de donner des indications sur la manière de consommer le produit, afin que les divers jurés soient en accord sur la perception à décrire.

4. Toujours en bouche, on sent le "goût" : c'est une sensation synthétique qu'il est bien difficile de séparer en ses différentes composantes que seraient la saveur, l'odeur rétronasale, la perception trigéminale (frais, piquant...), d'autant que tout s'influence.
On pourrait donc se limiter à interroger les jurés sur le goût, ou bien, s'ils se bouchent le nez avant de commencer à mastiquer, ils pourraient percevoir la saveur, avant d'ajouter la composante d'odeur rétronasale quand ils ouvriront les doigts.

Au delà, c'est du baratin.

lundi 19 mai 2014

Remise des prix

Chers Amis
C'est donc vendredi prochain que nous remettrons les prix du Deuxième Concours international de Cuisine note à note.
Rendez vous à 14 h, à AgroParisTech, 16 rue Claude Bernard, 75005 Paris. Amphithéâtre Tisserand.

dimanche 8 janvier 2012

Architecture des gouts

Un concours de cuisine affiche comme thème un titre qui comprend l'expression "architecture des goûts".

De quoi peut-il s'agir?

Je propose de voir, dans le livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique" (Odile Jacob), qu'une possibilité d'interprétation consiste à considérer que le goût est une sensation qui s'inscrit dans la durée, comme le langage. Pour reprendre des termes de linguistes, on dirait qu'il y a un axe syntagmatique et un axe paradigmatique.
Autrement dit, il faut construire à chaque instant, et aux instants successifs.

A chaque instant, tout d'abord : on pourra partir de faits simples, comme le renforcement du sucré et l'affaiblissement de l'amer par le sel, ou encore le fait que de la fraise et de l'eau de fleur d'oranger engendre de la fraise des bois. Lors de la réunion des ingrédients, il s'agit de bien comprendre qui supporte l'autre, comment les goûts sont agencés, s'influencent.

Puis dans la durée : selon la construction matérielle de l'aliment, la présence de matière grasse, la structure "colloïdale" (mousse, émulsion, gel, suspension...), les divers goûts apparaissent et disparaissent à des moments variés de la dégustation.
Par exemple, une émulsion plus battue laissera mieux sentir les composés odorants, et une émulsion "grossière" fera plus sentir les composés sapides. Par exemple, la présence de matière grasse tapissera la bouche, et allongera la durée de perception des composés odorants. Par exemple, des associations moléculaires variées permettront de mieux contrôler les apparitions et disparitions de goût, comme cela était bien expliqué (je crois) dans le "Traité élémentaire de cuisine" (Belin). 

Tout cela, c'est bien la question du "constructivisme culinaire", non?