jeudi 31 décembre 2015

Comment faire une thèse ?

Ce  matin,  je reçois un e-mail d'une ancienne étudiante du groupe, qui me dit s'apprêter à commencer une thèse. Je la félicite... et lui demande aussitôt si elle s'est demandée comment faire une thèse, puisque c'est là la méthode que je propose : pour chaque acte que nous faisons, ne devons-nous pas "retenir nos  mains",  qui ne savent pas faire si elles ne sont pas guidées par notre tête, et chercher une stratégie, une méthode,  tant il est vrai que pour aller d'un point à un autre, il faut avoir choisi le chemin que l'on va emprunter avant de parcourir celui-ci ?

Dans notre groupe de recherche,  nous avons, en conséquence, une série de documents intitulés « Comment faire » :  "Comment peser", "Comment mesurer une température", "Comment utiliser un appareil de résonance magnétique nucléaire", "Comment décomposer un groupe de signaux  dans un spectre", etc. Ces « Comment faire » ne se rapportent pas seulement à des gestes techniques,  mais aussi à des comportements : "Comment présenter un poster dans un congrès", "Comment se comporter dans un laboratoire", etc.
Ici, la question  est : "Comment faire une thèse ?"... et nous avons évidemment un document qui propose des réponses. 

L'objectif est clair : notre jeune amie va passer trois ans dans un laboratoire pour faire un travail. Et il faut donc qu'elle sache comment le faire. Je pourrais bien sûr lui donner immédiatement notre document,  mais n'est-il pas plus formateur de  lui poser la question : Comment faire une  thèse ?


La suite sur http://www.agroparistech.fr/Comment-faire-une-these.html

mardi 29 décembre 2015

Et si l'on considérait que la vulgarisation s'arrête à la connaissance, et l'enseignement à la compétence ?

Dans un autre billet, je mettais la limite entre vulgarisation scientifique et technologique, d'une part, et enseignement scientifique et technologique, d'autre  part,  à l'utilisation du calcul.
A la vulgarisation, le discours explicatif, de l'extérieur de l'objet, si l'on peut dire ; à l'enseignement le maniement d'équations, de l'intérieur.
Ici, je propose une ligne de démarcation qui semble différente, mais qui ne l'est pas, en réalité : la vulgarisation viserait à transmettre des connaissances, mais l'enseignement veut transmettre des compétences.


La suite sur  http://www.agroparistech.fr/Et-si-l-on-considerait-que-la-vulgarisation-s-arrete-a-la-connaissance-et-l.html

lundi 28 décembre 2015

Ma bonne résolution

 Mes amis se perdent dans mes blogs : il y en a bien trop !
Et, moi, je vois que les billets ne sont pas toujours comme ils devraient être : certains sont insuffisamment positifs, ils manquent d'enthousiasme.

 Un  bilan, pour commencer :
 - d'abord, il y a le blog "Hervé This", à l'adresse http://hervethis.blogspot.fr/. Il s'agit d'un espace où je peux analyser des questions variées, qui ne trouveraient pas leur place sur le site d'AgroParisTech  (que je décris ci-dessous)
 - ensuite, il y a le site "Gastronomie moléculaire", http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/. Il donnait des tas d'informations relatives à la gastronomie moléculaire... mais celui-là pouvait migrer vers l'AgroParisTech... et les billets correspondants ont effectivement migré
 - puis la revue Pour la Science m'a proposé de faire http://www.scilogs.fr/vivelaconnaissance/. Pendant plusieurs mois, ce blog n'a pas démérité, parce qu'il était conçu pour être positif, et il discutait des questions de science, de technologie, de connaissance...
 - enfin, est arrivée la proposition d'AgroParisTech, de transférer des billets sur le site de l'Ecole, en même temps qu'a été créé le Centre International de gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra, http://www.agroparistech.fr/-Le-blog-de-Herve-This-Vive-la-connaissance-.html, ce qui a suscité la création de plusieurs "sous-blogs" :
            - des réflexions sur l'enseignement supérieur http://www.agroparistech.fr/-A-propos-d-enseignement-superieur-mais-pas-seulement-.html
            - des réflexions "épistémologiques" : http://www.agroparistech.fr/-A-propos-de-recherche-scientifique-de-sciences-de-la-nature-de-technologie-.html
            - des questions de communication http://www.agroparistech.fr/-Des-questions-de-communication-scientifique-.html
             - des questions morales : http://www.agroparistech.fr/-Il-s-agit-d-agir-de-facon-responsable-.html
             - des réflexions  sur les bonnes pratiques scientifiques : http://www.agroparistech.fr/-Les-bonnes-pratiques-scientifiques-.html
 -  puis des informations variées sont données sur  http://www.agroparistech.fr/-1-Les-travaux-de-recherche-scientifique-ou-technologique-.html ;
              - des informations de gastronomie moléculaire sur http://www.agroparistech.fr/-Quelques-exemples-d-applications-de-la-gastronomie-moleculaire-.html
              - des informations sur la toxicologie sur  http://www.agroparistech.fr/1-Comment-ce-site-est-organise.html
 - il y a aussi des blogs moins fournis, tel le blog sur la cuisine note à note, qui a migré vers AgroParisTech, ou encore le blog Molecular gastronomy, qui a également migré... Et je n'évoque pas des pages de site telles celles qui sont consacrées à la toxicité des produits naturels, sur le site d'AgroParisTech, et qui ne s'apparentent pas à du blog.

Nous sommes bien d'accord : cela est trop ! Mais c'est secondaire, et la remise en ordre se fait progressivement. D'autant  que chaque blog est fait pour intéresser (j'espère) des amis particuliers : les questions de bonnes pratiques en science ne sont pas pour les mêmes amis que les questions de communication scientifique, par exemple.

Ce qui est plus grave, c'est que je m'aperçois aujourd'hui que certains billets sont bien trop négatifs ! Par exemple, les billets consacrés aux bonnes pratiques en science sont excessivement moralisateurs. Pour un tel sujet, où je sais que des amis craignent que  les réflexions ne se transforment en lois assorties de sanction, il importe de bien présenter les propositions comme des possibilités de tendre vers la perfection sans y prétendre, et dans la joie !
Pour les billets de blog "politiques", je vois  que j'exprime parfois un mécontentement. Ce n'est pas utile, cherchons plutôt à améliorer, par des propositions. Que faire des pisse vinaigre qui nous empêtrent un peu ? Rabelais avait résolu d'en rire. La carricature est une solution... mais faut-il prendre du temps à réagir  ? C'est bien trop d'honneur, et je viens de comprendre que la meilleure lutte contre la bêtise, c'est la promotion de la beauté, de l'intelligence, de l'enthousiasme !
L'idée du blog de Pour la Science, elle, était d'emblée positive, puisque le blog était fondé sur des "catégories prédéfinies d'enthousiasmes". Ca, c'est bon !

Ma bonne résolution, c'est donc de me cantonner à des catégories positives. Lesquelles ?
Les bonnes pratiques en science : bien fait, ce blog est sans doute utile.
Vive les  sciences de la nature : j'ai renommé cela "épistémologie", mais l'idée demeure, très positive.
Les merveilleuses applications des  sciences ? Jamais on ne dira assez à nos jeunes amis que le métier d'ingénieur, fait avec intelligence, activité et éthique, est extraordinaire !
La connaissance par la lorgnette de la gourmandise : oui, une belle façon d'aller de l'avant.
Les questions sont des promesses de réponses : c'est bien ce que l'on demande à un intellectuel, non ?
La beauté est dans l'oeil de celui qui regarde : là, on est immédiatement positif !
J'ai lu pour vous un livre merveilleux : ah, le partage des émotions, cela nous fait bien humain.
Apprendre ! : quelle question ! Elle mérite certainement que l'on s'y arrête un peu, que l'on analyse.

Et, pour conclure, je crois que j'ai compris quelque chose d'important, qui a de nouveau un rapport au Ragnarok, cette fin du monde des dieux, contre laquelle Wotan et ses guerriers combattent les géants, à partir du Valhalla : la meilleure  façon de combattre, c'est de construire.

jeudi 24 décembre 2015

Pas d'armée, pas de religion, pas de politique

La chose s'oublie, mais elle  mérite d'être redite : pour  un dîner réussi, chacun  doit s'interdire de parler de religion, d'armée, de politique  !

La question s'est posée avec acuité, lors de l'affaire Dreyfus, mais le bipartisme actuel conduit quasi nécessairement à des dîners où tous les bords coexistent, doivent coexister. Et comme un bon convive est celui qui parle sans prétention et écoute avec complaisance, nous avons le devoir d'éviter les sujets qui fâchent, dans ces circonstances : que nous soyons chez nous, car nous devons à nos hôtes de les rendre heureux ; que nous soyons chez  autrui, car s'il nous reçoit, nous devons nous bien tenir.
A la proposition d'éviter les trois sujets à éviter, je sais que certains grincheux rétorquent alors : "Mais alors, on ne peut parler de rien !". Pauvres grincheux, qui n'ont pas, dans la vie, autre chose!  Et tous ces émerveillements que  nous pouvons partager ? Les oeuvres d'art que nous avons découvertes, qu'il s'agisse de littérature, de musique, de peinture... ou de cuisine. Évidemment, il ne s'agit pas de faire étalage de titres, mais d'essayer de justifier nos émerveillements.
Et puis, la pensée, la merveilleuse pensée, qui nous fait grandir, la Raison, la merveilleuse Raison, dont nous avons tant besoin. N'est-ce pas à partager sans modération ?
Sans aller si loin, n'y a-t-il pas, aussi, le bonheur de nos métiers ? Examinons quelques métiers que j'ai rencontrés récemment. Menuisier ? Le bois est une matière  magique. Médecin ? On se préccupe d'autrui. Ramoneur ? Sans lui, c'est le feu  de cheminée, et il y a le bonheur de discuter avec ses clients. Le couvreur ? De même. Vendeur ? Le sourire qu'il devait afficher rejaillissait sur  son caractère. Ingénieur ? Il fait tourner les usines, donne du travail à d'autres, et leur permet donc de vivre. Scientifique ? Il s'agit de repousser les limites de la connaissances.
Comme pour les épinards, il y a ceux qui les aiment, et ceux  qui ne  les aiment pas, mais ne s'agit-il pas d'apprendre à y mettre de la crème ? Pardon pour la métaphore, mais tous les moyens sont bons quand il s'agit de mettre un peu d'harmonie dans ce monde.
 Je vous souhaite un joyeux réveillon. Ou, plutôt, je vous souhaite plutôt d'être capable de faire  que votre réveillon soit bon, non pas parce qu'il y aura eu de la bonne cuisine et de bons vins, mais, surtout, parce que  vous aurez réussi à faire une conversation merveilleuse.

dimanche 20 décembre 2015

Le même que celui du 19 décembre, mais en plus charitable

On m'envoie un article où je lis :

La liste des additifs autorisés, nomenclaturés avec la lettre E suivis de quelques chiffres, vous pose problème, car vous ne les connaissez pas ? Aucun souci ! J’ai depuis bien longtemps banni de mon alimentation tout aliment contenant le moindre additif "E". 

Bien sûr, c'est la solution ! Chaque fois qu'on ne connais pas quelque chose, cela nous "pose problème". Et quand "cela nous pose problème", on élimine l'usage !
Tiens "pose problème" ? Je croyais qu'en français, on mettait des articles devant les noms ? Soit la mode a changé, soit notre interlocuteur a un usage limité du français. Pardon, je devrais peut-être écrire : soit mode a changé, soit interlocuteur a usage limité français.

Cela dit, la solution qui consiste à supprimer de notre existence tout ce que nous ne comprenons pas est merveilleuse, séduisante non ? Regardons-y de plus prêt.

Nous ne comprenons pas le fonctionnement de l'ordinateur que nous n'utilisons ? Revenons sans tarder à la Gentille Plume d'oie et à la Gentille Encre artisanale ou domestique.
Mais, au fait, d'où vient cette plume ? Il nous faudra aller à la Gentille Ferme voisine (ou faire notre élevage nous-même) pour en trouver sur une l'oie, un canard, sans quoi, on ne sait jamais : le Grand Complot pourrait nous refiler des "fausses plumes" !
Et l'encre ? N'utilisons certainement pas de la Vilaine Encre du "commerce", parce qu'on ne sais jamais : "ils" ont sans doute trafiqué notre produit. Oui, faisons  bouillir des clous rouillés avec de l'écorce d'arbre, puis filtrons, et stabilisons le produit avec de la gomme, exsudation d'arbre.
Bon, d'accord, écrire devient plus compliqué, mais combien "plus en accord avec nous-même" ! Et puis, nous sommes rassurés de tout "bien connaître".

Au fait, bien connaître : comment les oies, les canards, ont-ils ces plumes ? Je l'ignore : cela "pose problème". Pourquoi l'eau où l'on cuit écorce et rouille devient-elle noire ? Aïe : cela "pose problème". Et pourquoi certains arbres font-ils cette gomme ? Cela "pose problème". Et pourquoi la gomme stabilise-t-elle l'encre ?
 J'ai une idée : puisque je ne le sais pas, je ne vais pas utiliser la gomme, et secouer l'encre avant chaque utilisation. Après tout, tant qu'à nous compliquer la vie, ne reculons pas devant de petits sacrifices...

Je veux consommer des ingrédients que je connais et réfléchir en toute connaissance de cause.

Je veux  consommer des ingrédients que je connais ?
Revenons à la question de l'alimentation, puisque c'est cela dont il s'agit. Pour 80 pour cent des Français, qui vivent en ville, les légumes viennent des maraîchers. Selon la Théorie du Grand Complot, ce sont certainement de gros industriels malhonnêtes, qui font leur beurre sur notre dos. Allons chercher les légumes  à la ferme. Pas le temps ? Alors créons des associations, avec nos cotisation qui payeront du  personnel pour nous procurer des fruits et légumes dont nous connaissons l'origine. Non, la solution est mauvaise : si nous payons du personnel, le personnel sera exploité. Alors il y a le système des AMAP, pour lequel des Gentils Producteurs nous donneront nos produits. Mais, au fait, quelle différence avec un marché ? Sur le marché, ne s'agit-il pas de Gentils Producteurs qui viennent vendre leurs  produits ? Ah non ! Il y a les "Affreux Intermédiaires", ceux qui font du beurre sur notre dos et sur celui des Gentils Producteurs.

Bon, nous avons donc supprimé les Affreux Intermédiaires, et nous savons qui produit ce que nous mangeons. Mais, au fait, comment cela est-il produit ? Allons,  chacun sait qu'on met une graine dans la terre et que ça pousse tout seul. Arroser ? Ce n'est pas de la chimie. Des engrais ? Le fumier. Mais les semences ?
Là, deux  possibilités : selon la théorie proposée initialement, de la même façon que l'on refuse d'aller comprendre ce qu'est un additif, pourquoi faire l'effort de comprendre ce que sont les méthodes de cultures  et les semences ? Il y a la solution de virer semences et méthodes de culture. Ou bien de rester aux graines que le légume fait lui-même, et ne pas utiliser des Vilaines Semences du Commerce : le Grand Complot veut certainement faire du blé sur notre dos !
Donc nous n'irons nous fournir que chez les Gentils Maraîchers qui n'achèteront pas les semences de Méchants Semenciers industriels. Oui, "industriels" : le mot arrive. Ce qui est Très Mauvais, c'est l'industrie ! Nous ne traiterons qu'avec des Gentils Artisans.
La voilà, la solution qui nous était proposée !
Pour les viandes ? Avec notre système précédent, nous ne prendrons de la viande que si elle vient d'un Gentil Eleveur "artisanal". Tiens, au fait, combien de bêtes un tel homme peut-il élever au maximum ? Seul ? Nous avons dit un artisan, soit quelqu'un qui n'exploite pas autrui. Limitons donc l'exploitation à un homme et sa famille. Personne en plus, sans quoi nous verserions dans la Méchante Industrie. Oui, parce que, si nous employons quelqu'un, c'est le début de la fin : un employé, deux, trois, dix, cent... D'ailleurs, au Canada, ne disent-ils pas que les chefs sont l'industrie ? Ce qui est juste : je connais des cuisiniers qui ont plusieurs restaurants et qui, de ce fait, employent beaucoup de monde ! L'Abominable Industrie. De sorte que nous arrivons à une conclusion supplémentaire, en chemin : nous n'irons plus que chez les Cuisiniers Artisans, ceux qui font tout eux-mêmes : la cuisine, le service et la vaisselle. Les autres ? D'Affreux Cuisiniers Industriels !

Un doute m'étreint : d'accord, le Gentil Eleveur aura élevé seul ses bêtes, mais qui les abattra ? Ouf, je viens de comprendre que ce sera un Gentil Boucher Artisan, comme dans le Bon Ancien Temps. Qui aura acheté des couteaux à un Gentil Artisan coutelier, lequel aura fait les couteaux un à un, des ses Propres Mains. Le métal ? Il l'aura acheté à un Gentil Métallurgiste, artisan qui aura acheté le charbon de bois à un Gentil Charbonnier, et le minerai à un Gentil Mineur. Le Gentil Mineur ne peut pas extraire seul le minerai ? Il aura fait une association, une Gentille Coopérative !

Un artisan respectueux des matières premières utilisera des produits et un vocabulaire que vous comprenez tels que farine, sucre, beurre, légumes, sel… et non E 330, E 420 ou E 621.

Un "artisan respectueux  des matières premières" ? Ah, oui : il y a les Gentils Artisans, mais ceux-ci ne sont pas tous gentils ! Il faut qu'ils soient "respectueux des matières premières" et qu'ils utilisent produits et vocaculaires compréhensibles.
Respectueux des matières premières, quand même c'est compliqué, non ? Je dois pas avoir le Bon Etat d'Esprit, parce que j'ai vraiment du mal à comprendre ce que signifie respecter des matières premières.
Allons, un effort : pensons à de la cuisine. Et, plus précisément, pensons à la recette de poulet rôti avec des pommes de terre qui sera sur la table à midi. J'ai donc un poulet qui vient d'un Gentil Eleveur, puis d'un Gentil Boucher. Comment le cuire en le respectant ? Je vois bien que je peux le manipuler avec une grande douceur... mais il est mort. Alors le cuire sans le chauffer trop ? La peau ne sera pas croustillante ! Une idée : chercher dans le dictionnaire ce que "respecter" signifie. Le Gentil Trésor de la langue française informatisé nous dit "action de prendre en considération". Bon, si je prends la cuisson en considération, je respecte. Autrement dit, il faut que je réfléchisse... D'ailleurs, l'article que l'on m'avait signalé disait bien "réfléchir en connaissance de cause".
Mais, au fait, pourquoi ne pas "prendre en considération" les additifs ? Ah, non, quand même  pas les additifs, puisque c'est une Méchante Invention.
Alors que farine, sucre, beurre, légumes, sel... Au fait, sais-je bien ce dont il s'agit ? Farine ? Je l'aurai achetée à un Gentil Meunier, un artisan, lequel se sera fourni à un Gentil Agriculteur, qui aura travaillé seul. Comment ? Là, les calculs les plus simples montrent que, sans mécanisation, un homme ne peut faire vivre que quatre personnes, à condition de ne faire que travailler. Pas de vacances pour notre Gentil Agriculteur ? Bon, d'accord, laissons-le Laissons avoir un tracteur. Un tracteur qui viendra d'où  ? D'un Gentil Artisan fabriquant de tracteurs ?

Vite, vite, passons au  sucre, puisque je ne sais pas répondre à la question : après tout, n'avions-nous pas comme conseil de supprimer de notre vie tout ce qui nous "pose problème" ?
Donc le sucre : ne l'achetons qu'à un Gentil Artisan, qui aura  lui-même lavé les betteraves d'un Gentil Agriculteur, qui aura lui-même broyé ses betteraves, aura ajouté de l'eau, de la chaux... De la chaux ? Oui, il se sera procuré la chaux d'un Gentil Artisan. Comment ce dernier aura-t-il  chauffé son four à chaux ? Pas d'électricité, parce que, là, on risque gros. Pas de nucléaire, bien sûr. Pas de centrale à charbon. Pas de pétrole. De l'éolien et du  solaire ? Pas des panneaux solaires, puisqu'ils sont fabriqués par de Méchants Industriels, et pas de ces grosses éoliennes industrielles modernes. Des moulins, de Gentils Moulins !
Passons au beurre. Facile : cela vient d'un Gentil Eleveur, ou d'un Gentil Crémier. Le sel ? Un Gentil Saunier. Il sera venu au marché, avec son sel, et nous saurons d'où vient le sel. Au fait, il aura fait six cent kilomètres pour venir du bord de mer ? Ben... oui. Et qui extraira le sel, pendant ce temps ? Allons, on sait bien que le vent et le soleil évaporent l'eau sans intervention humaine.

Et c'est ainsi que nous avons des  légumes, des viandes, de la farine, de l'huile, du sucre, du sel. Avons-nous vraiment besoin  d'additifs ?
Faisons l'essai d'une crème au caramel, pour le savoir. Il suffit d'avoir des oeufs, du sucre, du lait, de la vanille. Tout va bien... jusqu'au caramel : c'est un additif de code E150 ! Oui, mais c'est un Méchant Additif si nous l'achetons, mais si nous le faisons nous-même, cela devient un Gentil Caramel. A la limite, d'ailleurs, pourquoi ne pas l'acheter à un Gentil Artisan fabriquant de Gentil Caramel.
Une autre recette : une tarte au  citron meringuée. De la farine, du sucre, de l'eau, du citron, des oeufs, du sel. Le citron ? Il  sera acheté à un Gentil Maraîcher. Le citron n'est pas local ? Il sera donc venu du sud de la France. Le sud de la France ne produit pas assez de citron pour tous les Parisiens ? Tant pis : ceux-ci se passeront de tarte au citron, et ils mangeront des tartes au poires ou aux pommes.
Après tout, si nous mangeons des produits locaux, nous devons aussi manger des produits de saison. Ainsi, plus de Méchants Conservateurs, lesquels font partie de la catégorie des Méchants Additifs !
En hiver, il nous reste donc Gentils carottes, choux, pommes de terre, poireaux... Qu'avons-nous besoin du reste ? Et puis, en nous limitant ainsi, nous faisons disparaître les Méchants Supermarchés.

La proposition initiale était donc Merveilleuse : de la soupe aux choux tous les jours, des tartes aux pommes, et nous ne cherchons pas à savoir d'où viennent les plumes des canards, l'énergie...
Ne nous posons pas de question, et soyons Respectueux. Quelle Vie Merveilleuse s'offre à nous !

Le même que celui du 19 décembre, mais en plus charitable

On m'envoie un article où je lis :

La liste des additifs autorisés, nomenclaturés avec la lettre E suivis de quelques chiffres, vous pose problème, car vous ne les connaissez pas ? Aucun souci ! J’ai depuis bien longtemps banni de mon alimentation tout aliment contenant le moindre additif "E". 

Bien sûr, c'est la solution ! Chaque fois qu'on ne connais pas quelque chose, cela nous "pose problème". Et quand "cela nous pose problème", on élimine l'usage !
Tiens "pose problème" ? Je croyais qu'en français, on mettait des articles devant les noms ? Soit la mode a changé, soit notre interlocuteur a un usage limité du français. Pardon, je devrais peut-être écrire : soit mode a changé, soit interlocuteur a usage limité français.

Cela dit, la solution qui consiste à supprimer de notre existence tout ce que nous ne comprenons pas est merveilleuse, séduisante non ? Regardons-y de plus prêt.

Nous ne comprenons pas le fonctionnement de l'ordinateur que nous n'utilisons ? Revenons sans tarder à la Gentille Plume d'oie et à la Gentille Encre artisanale ou domestique.
Mais, au fait, d'où vient cette plume ? Il nous faudra aller à la Gentille Ferme voisine (ou faire notre élevage nous-même) pour en trouver sur une l'oie, un canard, sans quoi, on ne sait jamais : le Grand Complot pourrait nous refiler des "fausses plumes" !
Et l'encre ? N'utilisons certainement pas de la Vilaine Encre du "commerce", parce qu'on ne sais jamais : "ils" ont sans doute trafiqué notre produit. Oui, faisons  bouillir des clous rouillés avec de l'écorce d'arbre, puis filtrons, et stabilisons le produit avec de la gomme, exsudation d'arbre.
Bon, d'accord, écrire devient plus compliqué, mais combien "plus en accord avec nous-même" ! Et puis, nous sommes rassurés de tout "bien connaître".

Au fait, bien connaître : comment les oies, les canards, ont-ils ces plumes ? Je l'ignore : cela "pose problème". Pourquoi l'eau où l'on cuit écorce et rouille devient-elle noire ? Aïe : cela "pose problème". Et pourquoi certains arbres font-ils cette gomme ? Cela "pose problème". Et pourquoi la gomme stabilise-t-elle l'encre ?
 J'ai une idée : puisque je ne le sais pas, je ne vais pas utiliser la gomme, et secouer l'encre avant chaque utilisation. Après tout, tant qu'à nous compliquer la vie, ne reculons pas devant de petits sacrifices...

Je veux consommer des ingrédients que je connais et réfléchir en toute connaissance de cause.

Je veux  consommer des ingrédients que je connais ?
Revenons à la question de l'alimentation, puisque c'est cela dont il s'agit. Pour 80 pour cent des Français, qui vivent en ville, les légumes viennent des maraîchers. Selon la Théorie du Grand Complot, ce sont certainement de gros industriels malhonnêtes, qui font leur beurre sur notre dos. Allons chercher les légumes  à la ferme. Pas le temps ? Alors créons des associations, avec nos cotisation qui payeront du  personnel pour nous procurer des fruits et légumes dont nous connaissons l'origine. Non, la solution est mauvaise : si nous payons du personnel, le personnel sera exploité. Alors il y a le système des AMAP, pour lequel des Gentils Producteurs nous donneront nos produits. Mais, au fait, quelle différence avec un marché ? Sur le marché, ne s'agit-il pas de Gentils Producteurs qui viennent vendre leurs  produits ? Ah non ! Il y a les "Affreux Intermédiaires", ceux qui font du beurre sur notre dos et sur celui des Gentils Producteurs.

Bon, nous avons donc supprimé les Affreux Intermédiaires, et nous savons qui produit ce que nous mangeons. Mais, au fait, comment cela est-il produit ? Allons,  chacun sait qu'on met une graine dans la terre et que ça pousse tout seul. Arroser ? Ce n'est pas de la chimie. Des engrais ? Le fumier. Mais les semences ?
Là, deux  possibilités : selon la théorie proposée initialement, de la même façon que l'on refuse d'aller comprendre ce qu'est un additif, pourquoi faire l'effort de comprendre ce que sont les méthodes de cultures  et les semences ? Il y a la solution de virer semences et méthodes de culture. Ou bien de rester aux graines que le légume fait lui-même, et ne pas utiliser des Vilaines Semences du Commerce : le Grand Complot veut certainement faire du blé sur notre dos !
Donc nous n'irons nous fournir que chez les Gentils Maraîchers qui n'achèteront pas les semences de Méchants Semenciers industriels. Oui, "industriels" : le mot arrive. Ce qui est Très Mauvais, c'est l'industrie ! Nous ne traiterons qu'avec des Gentils Artisans.
La voilà, la solution qui nous était proposée !
Pour les viandes ? Avec notre système précédent, nous ne prendrons de la viande que si elle vient d'un Gentil Eleveur "artisanal". Tiens, au fait, combien de bêtes un tel homme peut-il élever au maximum ? Seul ? Nous avons dit un artisan, soit quelqu'un qui n'exploite pas autrui. Limitons donc l'exploitation à un homme et sa famille. Personne en plus, sans quoi nous verserions dans la Méchante Industrie. Oui, parce que, si nous employons quelqu'un, c'est le début de la fin : un employé, deux, trois, dix, cent... D'ailleurs, au Canada, ne disent-ils pas que les chefs sont l'industrie ? Ce qui est juste : je connais des cuisiniers qui ont plusieurs restaurants et qui, de ce fait, employent beaucoup de monde ! L'Abominable Industrie. De sorte que nous arrivons à une conclusion supplémentaire, en chemin : nous n'irons plus que chez les Cuisiniers Artisans, ceux qui font tout eux-mêmes : la cuisine, le service et la vaisselle. Les autres ? D'Affreux Cuisiniers Industriels !

Un doute m'étreint : d'accord, le Gentil Eleveur aura élevé seul ses bêtes, mais qui les abattra ? Ouf, je viens de comprendre que ce sera un Gentil Boucher Artisan, comme dans le Bon Ancien Temps. Qui aura acheté des couteaux à un Gentil Artisan coutelier, lequel aura fait les couteaux un à un, des ses Propres Mains. Le métal ? Il l'aura acheté à un Gentil Métallurgiste, artisan qui aura acheté le charbon de bois à un Gentil Charbonnier, et le minerai à un Gentil Mineur. Le Gentil Mineur ne peut pas extraire seul le minerai ? Il aura fait une association, une Gentille Coopérative !

Un artisan respectueux des matières premières utilisera des produits et un vocabulaire que vous comprenez tels que farine, sucre, beurre, légumes, sel… et non E 330, E 420 ou E 621.

Un "artisan respectueux  des matières premières" ? Ah, oui : il y a les Gentils Artisans, mais ceux-ci ne sont pas tous gentils ! Il faut qu'ils soient "respectueux des matières premières" et qu'ils utilisent produits et vocaculaires compréhensibles.
Respectueux des matières premières, quand même c'est compliqué, non ? Je dois pas avoir le Bon Etat d'Esprit, parce que j'ai vraiment du mal à comprendre ce que signifie respecter des matières premières.
Allons, un effort : pensons à de la cuisine. Et, plus précisément, pensons à la recette de poulet rôti avec des pommes de terre qui sera sur la table à midi. J'ai donc un poulet qui vient d'un Gentil Eleveur, puis d'un Gentil Boucher. Comment le cuire en le respectant ? Je vois bien que je peux le manipuler avec une grande douceur... mais il est mort. Alors le cuire sans le chauffer trop ? La peau ne sera pas croustillante ! Une idée : chercher dans le dictionnaire ce que "respecter" signifie. Le Gentil Trésor de la langue française informatisé nous dit "action de prendre en considération". Bon, si je prends la cuisson en considération, je respecte. Autrement dit, il faut que je réfléchisse... D'ailleurs, l'article que l'on m'avait signalé disait bien "réfléchir en connaissance de cause".
Mais, au fait, pourquoi ne pas "prendre en considération" les additifs ? Ah, non, quand même  pas les additifs, puisque c'est une Méchante Invention.
Alors que farine, sucre, beurre, légumes, sel... Au fait, sais-je bien ce dont il s'agit ? Farine ? Je l'aurai achetée à un Gentil Meunier, un artisan, lequel se sera fourni à un Gentil Agriculteur, qui aura travaillé seul. Comment ? Là, les calculs les plus simples montrent que, sans mécanisation, un homme ne peut faire vivre que quatre personnes, à condition de ne faire que travailler. Pas de vacances pour notre Gentil Agriculteur ? Bon, d'accord, laissons-le Laissons avoir un tracteur. Un tracteur qui viendra d'où  ? D'un Gentil Artisan fabriquant de tracteurs ?

Vite, vite, passons au  sucre, puisque je ne sais pas répondre à la question : après tout, n'avions-nous pas comme conseil de supprimer de notre vie tout ce qui nous "pose problème" ?
Donc le sucre : ne l'achetons qu'à un Gentil Artisan, qui aura  lui-même lavé les betteraves d'un Gentil Agriculteur, qui aura lui-même broyé ses betteraves, aura ajouté de l'eau, de la chaux... De la chaux ? Oui, il se sera procuré la chaux d'un Gentil Artisan. Comment ce dernier aura-t-il  chauffé son four à chaux ? Pas d'électricité, parce que, là, on risque gros. Pas de nucléaire, bien sûr. Pas de centrale à charbon. Pas de pétrole. De l'éolien et du  solaire ? Pas des panneaux solaires, puisqu'ils sont fabriqués par de Méchants Industriels, et pas de ces grosses éoliennes industrielles modernes. Des moulins, de Gentils Moulins !
Passons au beurre. Facile : cela vient d'un Gentil Eleveur, ou d'un Gentil Crémier. Le sel ? Un Gentil Saunier. Il sera venu au marché, avec son sel, et nous saurons d'où vient le sel. Au fait, il aura fait six cent kilomètres pour venir du bord de mer ? Ben... oui. Et qui extraira le sel, pendant ce temps ? Allons, on sait bien que le vent et le soleil évaporent l'eau sans intervention humaine.

Et c'est ainsi que nous avons des  légumes, des viandes, de la farine, de l'huile, du sucre, du sel. Avons-nous vraiment besoin  d'additifs ?
Faisons l'essai d'une crème au caramel, pour le savoir. Il suffit d'avoir des oeufs, du sucre, du lait, de la vanille. Tout va bien... jusqu'au caramel : c'est un additif de code E150 ! Oui, mais c'est un Méchant Additif si nous l'achetons, mais si nous le faisons nous-même, cela devient un Gentil Caramel. A la limite, d'ailleurs, pourquoi ne pas l'acheter à un Gentil Artisan fabriquant de Gentil Caramel.
Une autre recette : une tarte au  citron meringuée. De la farine, du sucre, de l'eau, du citron, des oeufs, du sel. Le citron ? Il  sera acheté à un Gentil Maraîcher. Le citron n'est pas local ? Il sera donc venu du sud de la France. Le sud de la France ne produit pas assez de citron pour tous les Parisiens ? Tant pis : ceux-ci se passeront de tarte au citron, et ils mangeront des tartes au poires ou aux pommes.
Après tout, si nous mangeons des produits locaux, nous devons aussi manger des produits de saison. Ainsi, plus de Méchants Conservateurs, lesquels font partie de la catégorie des Méchants Additifs !
En hiver, il nous reste donc Gentils carottes, choux, pommes de terre, poireaux... Qu'avons-nous besoin du reste ? Et puis, en nous limitant ainsi, nous faisons disparaître les Méchants Supermarchés.

La proposition initiale était donc Merveilleuse : de la soupe aux choux tous les jours, des tartes aux pommes, et nous ne cherchons pas à savoir d'où viennent les plumes des canards, l'énergie...
Ne nous posons pas de question, et soyons Respectueux. Quelle Vie Merveilleuse s'offre à nous !

samedi 19 décembre 2015

Intérêts cachés

On accuse moins de "conflit d'intérêt" les charlatans qui font leur beurre sur le buzz que les scientifiques.

Passons sur le fait que l'expression "conflit d'intérêt" soit idiote (les intérêts n'ont pas de conflit, et il faut parler plus justement d'intérêts cachés), et focalisons-nous sur le fond de la chose.
Par exemple, ne doit-on pas s'étonner qu'un individu puisse impunément faire un article "à scandale"... quand il est l'auteur d'un livre sur le sujet ? Le scandale fait vendre son livre ! Bien sûr, on peut toujours, charitablement, considérer que notre auteur est si ému par son sujet qu'il  multiplie les façons de promouvoir son point de vue... mais pourquoi, alors, ne donne-t-il pas ses droits d'auteur à une oeuvre ?
 Aujourd'hui, on me signale un homme qui "vend du bon naturel"... en mentionnant évidemment de se reporter au livre qu'il a écrit. Dans son article, on lit : 

La liste des additifs autorisés, nomenclaturés avec la lettre E suivis de quelques chiffres, vous pose problème, car vous ne les connaissez pas ? Aucun souci !
J’ai depuis bien longtemps banni de mon alimentation tout aliment contenant le moindre additif "E". Je veux consommer des ingrédients que je connais et réfléchir en toute connaissance de cause. Un artisan respectueux des matières premières utilisera des produits et un vocabulaire que vous comprenez tels que farine, sucre, beurre, légumes, sel… et non E 330, E 420 ou E 621.

Une telle déclaration est idiote, parce que les "artisans", comme il dit, utilisent les mêmes additifs que les industriels qu'il stigmatise, et auxquels s'applique une réglementation bien plus contraignante. La gélatine est un additif, tout comme le caramel, par exemple.
Et puis, un "artisan respectueux des matières premières" ? Je préfère un artisan respectueux des êtres humains  !
Ce n'est pas tout : le sel, d'où sort-il ? Le sucre ? Notre homme sait-il bien comment il est produit ? Et le beurre, et la farine...
Il propose de ne consommer que ce que nous "connaissons", mais de quoi s'agit-il ? Que sait-il des semences ? Des amendements ? Des traitements ? Si l'on refuse d'aller comprendre ce qu'est un additif, pourquoi faire l'effort de comprendre ce que sont les méthodes de cultures ?

Allons, je me suis fait  une règle de toujours être positif... et la bêtise et la malhonnêteté me conduisent hélas à les dénoncer, ce qui n'est pas une bonne façon d'avancer.
Je vais donc proposer, ici,  au contraire, de mieux connaître les additifs, les compositions et extraits odorants nommés arômes, les auxilliaires technologiques, au même titre que les fruits, les légumes, les viandes ou les poissons.

Connaître les viandes ? Puisqu'aucun de  nous (je fais l'hypothèse que nous sommes en ville)  ne prend sa viande à la ferme, nous ignorons le plus souvent les conditions exactes d'élevage (différentes de ferme à ferme), d'abattage, de transformation... Et nous voulons souvent l'ignorer, parce que nous sommes bien heureux  de ne pas avoir devant les yeux  l'animal que l'on abat. Manger de la viande, d'accord, mais à condition qu'elle nous arrive toute  prête à manger.

Les légumes ? Il suffit de voir les jardiniers du dimanche pour comprendre qu'ils ignorent que tout part de semences très encadrées par la loi... pour le bien des citoyens, et, notamment, des agriculteurs ou des maraîchers.
Ainsi le Centre technique de la production de semences (CTPS) oeuvre, pied à pied, pour que les semences soient de bonne qualité, car les biologistes  végétaux savent bien que les croisements qui favorisent certaines caractéristiques ne sont pas "stables", par exemple. Et le CTPS, également, se préoccupe de végétaux qui consomment moins d'intrants (eau, engrais, traitements). Puis, pour les méthodes de culture, l'INRA et quelques autres institutions oeuvrent  depuis longtemps pour  aider les agriculteurs à produire plus facilement des végétaux de meilleure qualité. De sorte que les critiques sont souvent idéologiques... mais pas toujours dites ainsi !  (Tiens, j'y pense : notre auteur a-t-il refusé d'utiliser un ordinateur pour faire son article et son livre ? A-t-il poussé l'obscurantisme jusqu'à écrire à la plume trempée dans l'encre ?).

Les additifs ? Ces produits ont toujours été utilisés, et le fait que nous les connaissions est une très bonne chose, parce que cela signifie que leur emploi est réglementé. Dans les années 1910, les cuisiniers et les particuliers utilisaient, par exemple, des mèches de soufre qu'ils brûlaient dans des bouteilles pour conserver les fruits : on n'ose imaginer la quantité de dioxyde de soufre qui était alors produite ! De sorte que c'est un vrai progrès que d'avoir rénové les pratiques anciennes (des artisans, ces fameux "artisans respectueux etc.) et de les avoir réglementées.
Ce qui reste à faire, c'est d'appliquer les lois imposées à l'industrie aux artisans !
Les arômes ? Même question : utilisés depuis toujours, mieux réglementés aujourd'hui, donc plus sûrs que  les pratiques artisanales.

Plus généralement, la question merveilleuse qui se pose aux instances de régulation (je pense notamment à cette merveilleuse DGCCRF du Ministère de l'agriculture) est de réguler, sans tomber dans l'hygiénisme. Pour y parvenir, il faut beaucoup de connaissances, et beaucoup de doigté, afin de protéger sans excès. Il faut aussi  beaucoup d'explications à ce public (dont je suis) que l'on ne doit pas priver d'informations justes, au contraire ! Au lieu de ne pas utiliser d'additifs (ce qui n'est pas possible : souvenons-nous du caramel), il vaut mieux apprendre à les utiliser !

jeudi 17 décembre 2015

Une courbe en U pour la toxicologie ?

Pardonnez-moi, mais je me soutiens de principes simples : la droiture, la bonté... et la simplicité. Pourquoi cette liste, alors  que le titre de ce billet concerne la toxicologie ?
Parce que certaines personnes malhonnêtes se nourrissent de la peur  du public, par idéologie (ou par malhonnêteté, il y a  de tout dans ce monde), et que je crois utile de les combattre.
Tiens, récemment, j'ai rencontré un (petit) journaliste d'un (grand) quotidien, qui déclarait naïvement, à un groupe devant lequel il pérorait, qu'il était bien ennuyé d'avoir  à rapporter un fait qui s'opposait à ses idées. Ses idées... Le pire, c'est qu'il pensait être ainsi un parangon de vertu : ne vainquait-il pas ses préjugés au nom  de la Vérité ? En réalité, si les faits  s'opposent à ses idées, il aurait plutôt dû penser que ses idées étaient fausses !

Mais arrivons au fait. Il existe des composés toxiques, dans ce monde (les benzopyrènes déposés sur les viandes par les barbecues, les glycoalcaloïdes de la surface des pommes de terre, les pescticides naturels des végétaux...), et les toxicologues les étudient en mettant en relation leur  toxicité à la dose à laquelle on les rencontre (voir la première figure).
Dans ce diagramme dose effet, on comprend que la dose nulle soit associée à un effet nul : on représente cette situation par le point rouge dans la deuxième figure.
Puis on imagine diverses possibilités, mais, pour toutes, il faut admettre que la dose infinie corresponde à un effet infini.
Entre les deux ?

On peut penser à plusieurs possibilités (troisième figure), mais on pressent que la question qui est débattue par certains est la suivante : peut-il exister une courbe en U ?
Cette question a été récemment soulevée par un article scientifique (ce n'est pas un synonyme absolu de qualité : il y en a de bons et de mauvais, malgré le processus d'examen avant publication ! Après tout, la revue Nature a bien publié l'article qui décrivait la "mémoire de l'eau", et l'histoire des sciences est pleine d'erreurs, des "rayons N" du physicien Blondlot, la récente "découverte" des ondes gravitationnelles dans la polarisation de fond cosmologique...) et reprise par quelques marchands de peur, mais... est-il possible d'avoir une courbe en U ?
Cela signifierait qu'aux très petites doses, on aurait un effet considérable. Est-ce possible, sachant que la dose nulle est associée à un effet nul ? Il faudrait admettre alors un saut, de la valeur nulle à la grande valeur du début du  U (voir la quatrième figure).
Par quel miracle ? Comment, à la  première molécule de composé, obtiendrait-on un effet considérable ? Il faudrait envisager un effet analogue à une catalyse, où un composé engendre une série de réactions sans être consommé. Est-ce envisageable ?
 Observons que, pour la vision, les récepteurs de la vision sont très efficaces : deux photons sur trois sont efficaces ! Et l'on peut imaginer (cela a été le cas, pour les prions) une efficacité toxique dès le premier composé... mais on n'oubliera pas d'être simple : dans la QUASI TOTALITE des études toxicologiques effectuées, on n'a jamais rencontré cet effet de façon certaine.


dimanche 13 décembre 2015

jeudi 10 décembre 2015

Professeur, quel beau métier !


Quand on en vient à  admirer assez naïvement des choses admirables, on s'expose à la moquerie... mais devons-nous vraiment nous préoccuper des pisse vinaigre ?
Cette question a deux objectifs : d'une  part, me donner l'occasion de promouvoir cette devise merveilleuse : « le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture » ; d'autre part, faire état -sans naïveté : le terme "naïvement" trouvait une place rhétorique- d'une évidence... oubliée, à savoir que, oui, le métier de professeur est admirable.

Ce billet, lui, veut surtout rappeler ce qui est en réalité une évidence, à savoir que les professeurs se préoccupent de les étudiants. Une certaine lutte des classes idiote oppose les deux camps : les étudiants qui rechigneraient à faire leurs devoirs, à passer du temps sur les matières « arides »  ; les professeurs qui considéreraient que les étudiants sont paresseux.
Cette vision du monde ne me va pas, tout comme ne me va pas l'opposition encore prétendue mais soutenue par certains selon laquelle, pour les industriels, les chercheurs seraient des êtres abscons, enfermés dans leur tour d'ivoire et quasi inutiles,  tandis que, pour les scientifiques, les industriels seraient des individus cupides,  terre à terre et pas toujours honnêtes. D'ailleurs, on comprend qu'avec l'évocation de la lutte des classes, je déteste  la prétendue opposition entre travailleurs et patrons.
Je suppose que je n'ai pas besoin d'expliquer beaucoup ce qu'est cette prétendue lutte. En revanche, je veux dire  ici que les faits sont bien diffférents : s'il y a effectivement des patrons détestables, il y en a aussi d'honnêtes, qui se charge de la responsabilité d'une entreprise parce qu'ils se soucient d'emploi, du bien être de leurs collègues. D'ailleurs, de l'autre côté, il faut  dire que s'il y a des travailleurs honnêtes, courageux, travailleurs, il y en a aussi de paresseux, profiteurs...
Mais on me connaît : je ne veux voir que le meilleur, et, pour les deux groupes, ce sont ceux qui se soucient du bien d'autre qui m'intéressent : les patrons qui visent l'emploi, le bien être des autres, et les travailleurs travailleurs, ceux qui font bien leur travail, honnêtement, selon les termes du contrat qu'ils n'ont pas manqué de signer avec l'entreprise qui les emploie.
De même, en remontant la chaîne que nous avions descendue, il y a des scientifiques enfermés  dans leur tour d'ivoire... mais il y a aussi les autres, qui sont nombreux. Et s'il y a des industriels obtus, il y en a aussi qui sont merveilleux, et qui savent qu'il faut associer la recherche scientifique et la  technologie pour  aboutir  l'innovation, laquelle  profite aux deux parties.

Enfin, pour remonter au véritable sujet de ce blog, ce qui m'intéresse, c'est de constater qu'il y a des étudians intéressés par les sujets qui leur sont proposés, sujets qui sont d'ailleurs tout à fait merveilleux :  les sciences chimiques, en particulier, sont inouïes,  remarquables, admirables, merveilleuse… Je n'ai pas assez d'adjectifs pour dire tout le bien je pense de ces matières.
Et parmi les professeurs, il y en a effectivement qui se contentent d'avoir un métier, pour qui les étudiants sont sans importance, mais il y a aussi tous ceux qui se décarcassent pour les étudiants dont ils ont la responsabilité. Observons que je n'ai pas dit « la charge ».
Oui, il faut dire aux étudiants que certains professeurs sont admirables, et que, par vision politique, ils acceptent des salaires bas, car ils considèrent que la mission d'enseigner vaut des sacrifies : ne s'agit-il pas, en effet, de prévoir le monde de demain ? Ne s'agit-il pas de favoriser des compétences et des comportements qui mettront un peu d'harmonie dans notre monde ?
# A partir du moment où on cesse de voir le monde par le prisme idiot de la lutte des classes, tout devient plus simple, les rapports sont apaisés, les objectifs sont plus clairs pour chacun, les intentions aussi.
C'est pour cette raison que j'en reviens maintenant à ce que j'avais nommé le contrat d'enseignement. Quand il est rédigé, il ne faut pas le laisser moisir sans le considérer, au contraire. Je propose qu'il fasse l'objet d'une discussion préliminaire, voire d'une rédaction commune par les professeurs et les étudiants. Il ne s'agit pas d'une espèce de formalité, mais du socle sur lequel doivent s'ériger  les activités conjointes des étudiants et des professeurs.
Récemment encore, alors que nous avions pris soin de préparer un document soigneux, je sais qu'il a été lu  trop vite, et que certains étudiants n'ont pas pu profiter pleinement du système d'apprentissage que nous avions prévu pour eux. Nous aurions dû y passer plus de temps, et peut-être même interroger les étudiants (sans évaluation, bien sûr) pour nous assurer  qu'ils avaient bien capté les informations essentielles que nous voulions transmettre. Il en va de la réussite du projet d'enseignement que nous avons en commun.  Certes, cela prendra un peu de temps d'enseignement, mais l'expérience prouve que nous ne pouvons pas en faire l'économie.
Finalement on aura observé que, dans ce billet, j'utilise le mot de "professeur", et non pas d'"enseignant". On se reportera à un autre billet pour voir pourquoi le mot d'"enseignant" me déplaît. En substance, quand même, il y a le fait que je répète que l'enseignement est mpoins important aue l'apprentissage, et qu'il ne s'agit pas pour les enseignants d'enseigner, mais il s'agit pour les étudiants d'apprendre.
A quoi bon le changement de mots ? Professer, c'est soutenir des thèses, « dire  devant » : le professeur a un discours, et ce discours ne se réduit pas à des informations techniques, mais à un mode de vie, et l'on voit d'ailleurs, dans l'histoire des sciences, que les grands professeurs ont toujours été des individus qui se préoccupaient d'un cadre qui conduisait les étudiants à mieux apprendre,  à apprendre en connaissance de cause, à apprendre par un apprentissage qui avait du  sens, qui dépassait les simples connaissances, à apprendre  en comprenant pourquoi ils apprenaient, de sorte que, motivés d'eux-mêmes, ils se dirigeaient plus facilemen vers l'objectif qu'ils s'étaient eux-mêmes donné.
# Il y a donc tout un état d'esprit à organiser,  et  le contrat d'enseigment n'est qu'une partie infime de ce cadre que nous devons créer avant de commencer à discuter techniquement des diverses matières.

Mais c'est un bon début... et c'est notamment avec un tel début que le métier de professeur est merveilleux !

mardi 8 décembre 2015

La phrase du jour

Jean Paul Satre, L'être et le néant : 


 « L'important n'est pas ce qu'on
 
 a fait de nous, mais ce que nous

 faisons nous-mêmes de ce qu'on a 

fait de nous ».

lundi 7 décembre 2015

Un appel à contributions

Le Comité Technique Permanent de la Sélection des plantes cultivées (CTPS) et le Ministère chargé de l’Agriculture lancent un appel à propositions de recherche afin de mobiliser les ressources phytogénétiques et les données existantes sur les variétés, pour contribuer à l’évolution des schémas de sélection et des systèmes d’inscription en lien avec l’évolution attendue des systèmes de cultures et pour s’adapter au changement climatique.
Les projets de recherche doivent associer des partenaires de la recherche publique avec des partenaires de la recherche privée et être éligibles aux fonds du CASDAR.
Le taux de subvention alloué aux projets éligibles est plafonné à 60% du coût total du projet, hors salaires de la fonction publique.
Les dossiers sont à retourner avant le 7 mars 2016 minuit à fabienne.blondel@geves.fr.
Vous trouverez l’ensemble des informations nécessaires à la constitution du dossier ici.

Contribuons à créer des variétés végétales passionnantes ! 

samedi 5 décembre 2015

Ma conférence à Rouen a été filmée

Une conférence qui présente la gastronomie moléculaire et la cuisine note à note sur http://www.scienceaction.asso.fr/ressources/videos/la-gastronomie-mol%C3%A9culaire-pour-la-recherche-scientifique-et-la-cuisine-note-%C3%A0

Comment faire un document powerpoint d'une présentation orale ?

Comment faire un document powerpoint d'une présentation orale ?

Une réponse sur http://www.agroparistech.fr/Comment-faire-un-powerpoint-pour-une-presentation-orale.html

Et voici pour les cours en ligne : https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/main/document/document.php?cidReq=PHYSICOCHIMIEPOURLAF&curdirpath=/Des%20elements%20de%20cours/Methodes%20-en%20francais-

Comment faire un document powerpoint d'une présentation orale ?

Comment faire un document powerpoint d'une présentation orale ?

Une réponse sur http://www.agroparistech.fr/Comment-faire-un-powerpoint-pour-une-presentation-orale.html

Et voici pour les cours en ligne : https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/main/document/document.php?cidReq=PHYSICOCHIMIEPOURLAF&curdirpath=/Des%20elements%20de%20cours/Methodes%20-en%20francais-

jeudi 3 décembre 2015

A propos de cuisine note à note, les mêmes questions reviennent toujours.

Ce matin, suite à une conférence, je reçois un message amical :

Je voulais vous partager deux interrogations, la première est-ce que  ce n’est pas la porte ouverte à tous les excès des industriels qui en profiteront pour faire du note à note avec des substances de synthèse avec le risque du contrôle qualité. Je suis toujours attaché à savoir que ma soupe de carotte est bien faite avec des vrais carottes. Cela me rassure…

La seconde concerne la qualité nutritive. Je lis pas mal de chose sur le relation entre la nutrition et la santé. Les spécialistes dans ce domaine recommande de varier les sources de notre alimentation pour utiliser le plus de molécules que les plantes fabriquent et qui nous soignent, cf des molécules anticancers présentes dans les fruits rouges, le oignon, l’ail, le lin, le vin, etc…

Le note à note ne conduit-il pas vers une réduction de ce panel « naturel »,  de la valeur nutritive ?


Ma réponse est principalement : si je présente la cuisine note à note, c'est surtout parce que, moi, je pose ces questions ! 
Et j'invite des collègues de toutes les disciplines à apprendre à répondre... car c'est un fait  que nous manquons de bien des connaissances. 

Plus en détail, maintenant :

Pour la cuisine note à note, la première question, au delà des questions artistiques, il y a effectivement de nombreuses questions : nutritionnelles, certes, mais aussi aménagement du territoire, toxicologie, etc. Et dans une telle discussion, que je mène évidemment avec des collègues  spécialistes des divers domaines, nous devons considérer que l'ancienneté des aliments classiques n'est pas une garantie, à preuve la pandémie d'obésité actuelle, qui est due notamment à l'inadéquation d'un régime alimentaire à une mode de vie.
On observe  notamment que ce sont les  groupes les plus  démunis, ceux qui tournent sur la frite à chaque repas, qui sont obèses.
D'autre part, le traditionnel n'est pas toujours bon : l'esclavage ou l'excision des petites filles, par exemple, mais aussi bien des médecines de rebouteux, etc.
Pour l'aliment, il en va de même, et quels ques soient  nos "goûts personnels", il n'est pas certain qu'ils soient bons. Les Romains sucraient leurs vins aux sels de plomb, parce que c'était sucré, et, plus près de nous, j'ai vu des recettes de pissala qui utilisaient des sels de mercure !!!!!!!

La question des industriels : oui, il y  en a d'honnêtes et de malhonnêtes. Et les fraudes ont déjà lieu. Mais on sait aussi reconnaître la chaptalisation du vin, par RMN isotopique, et, d'autre part, il n'y a pas de différence entre une vanilline de synthèse et une vanilline extraite... mais surtout, dans ce cas particulier, il n'y a pas assez de vanille pour tous ceux qui veulent un goût de vanille ! Et pour ce qui me concerne, la vanilline va bien si elle est "food grade". A noter que les douaniers chimistes européens planchent sur cette question, depuis que j'ai fait l'introduction de leurs journées scientifiques .

Pour la variabilité, oui, il faut varier, mais les procédés de fractionnement et de craquage (déjà mis en oeuvre pour le lait et le blé, à l'échelle mondiale, dans toute cette industrie) ne proposent pas de perdre quoi que ce soit : tous les composés initialement  présents peuvent être récupés.

Enfin, je n'ai pas vu à ce jour d'autre proposition pour nourrir 10 milliards de personnes en 2050. Autrement dit, il reste 35 ans pour explorer cette piste, ou d'autres... dont j'attends qu'on me les présente.

A propos de cuisine note à note, les mêmes questions reviennent toujours.

Ce matin, suite à une conférence, je reçois un message amical :

Je voulais vous partager deux interrogations, la première est-ce que  ce n’est pas la porte ouverte à tous les excès des industriels qui en profiteront pour faire du note à note avec des substances de synthèse avec le risque du contrôle qualité. Je suis toujours attaché à savoir que ma soupe de carotte est bien faite avec des vrais carottes. Cela me rassure…
La seconde concerne la qualité nutritive. Je lis pas mal de chose sur le relation entre la nutrition et la santé. Les spécialistes dans ce domaine recommande de varier les sources de notre alimentation pour utiliser le plus de molécules que les plantes fabriquent et qui nous soignent, cf des molécules anticancers présentes dans les fruits rouges, le oignon, l’ail, le lin, le vin, etc…
Le note à note ne conduit-il pas vers une réduction de ce panel « naturel »,  de la valeur nutritive ?


Ma réponse est principalement : si je présente la cuisine note à note, c'est surtout parce que, moi, je pose ces questions ! 
Et j'invite des collègues de toutes les disciplines à apprendre à répondre... car c'est un fait  que nous manquons de bien des connaissances. 

Plus en détail, maintenant :
Pour la cuisine note à note, la première question, au dela des questions artistiques, il y a effectivement de nombreuses questions : nutritionnelles, certes, mais aussi aménagement du territoire, toxicologie, etc. Et dans une telle discussion, que je mène évidemment avec des collègues  spécialistes des divers domaines, nous devons considérer que l'ancienneté des aliments classiques n'est pas une garantie, à preuve la pandémie d'obésité actuelle, qui est due notamment à l'inadéquation d'un régime alimentaire à une mode de vie. On observe  notamment que ce sont les  groupes les plus  démunis, ceux qui tournent sur la frite à chaque repas, qui sont obèses. D'autre part, le traditionnel n'est pas toujours bon : l'esclavage ou l'excision des petites filles, par exemple, mais aussi bien des médecines de rebouteux, etc.
Pour l'aliment, il en va de même, et quels ques soient  nos "goûts personnels", il n'est pas certain qu'ils soient bons. Les Romains sucraient leurs vins aux sels de plomb, parce que c'était sucré, et, plus près de nous, j'ai vu des recettes de pissala qui utilisaient des sels de mercure !!!!!!!

La question des industriels : oui, il y  en a d'honnête et de malhonnêtes. Et les fraudes ont déjà lieu. Mais on sait aussi reconnaître la chaptalisation du vin, par RMN isotopique, et, d'autre part, on n'est pas capable de voir la différence entre une vanilline de synthèse et une vanilline extraite... mais surtout, dans ce cas particulier, il n'y a pas assez de vanille pour tous ceux qui veulent un goût de vanille ! Et pour ce qui me concerne, la vanilline va bien si elle est "food grade". A noter que  les douaniers chimistes européens planchent sur cette question, depuis que j'ai fait l'introduction de leurs journées scientifiques .

Pour la variabilité, oui, il faut varier, mais les procédés de fractionnement et de craquage (déjà mis en oeuvre pour le lait et le blé, à l'échelle mondiale, dans toute cette industrie) ne propose pas de perdre quoi que ce soit : tous les composés initialement  présents peuvent être récupés.

Enfin, je n'ai pas vu à ce jour d'autre proposition pour nourrir 10 milliards de personnes. Cela pourrait se produire en 2050, quand je serai mort, mais cela serait grave si mes enfants n'avaient pas le choix. Autrement dit, il reste 35 ans pour explorer cette piste, ou d'autres... dont j'attends qu'on me les présente.

mercredi 2 décembre 2015

La microchimie... ou son principe

Sur le site d'AgroParisTech, dans la partie consacrée aux bonnes pratiques en science, je discute aujourd'hui la question de la "microchimie".
C'est un état d'esprit !
A découvrir sur http://www.agroparistech.fr/La-micro-chimie-ou-son-principe.html

La microchimie... ou son principe

Sur le site d'AgroParisTech, dans la partie consacrée aux bonnes pratiques en science, je discute aujourd'hui la question de la "microchimie".
C'est un état d'esprit !
A découvrir sur http://www.agroparistech.fr/La-micro-chimie-ou-son-principe.html

dimanche 29 novembre 2015

Lu dans la revue de presse de l'Académie de médecine

Roundup : l'EFSA juge ‘improbable’ que le glyphosate des désherbants soit cancérogène  ; la polémique autour du glyphosate [...] reprend de plus belle.
En contradiction avec l'OMS, l'Autorité européenne de la sécurité des aliments (EFSA) vient de rendre son avis selon lequel le risque de cancer lié à l'utilisation de ce pesticide est «improbable» ».
L’étude des experts de l’Efsa était très atendue car elle doit éclairer la Commission dans son évaluation décennale de la substance. L’exécutif européen devrait décider d’ici juin de garder ou non le glyphosate sur la liste de l’UE des substances actives autorisées.
La surprenante divergence entre les expertises de l’Efsa et celle de l’OMS peut s’expliquer par le fait que ces deux agences ne parlent pas tout à fait de la même chose.  L’Efsa  évalue  chaque  substance  chimique  individuelle  et  chaque  mélange  commercialisé,  de  manière séparée. Tandis que le CIRC à a évalué les mélanges de glyphosate et de «coformulants», chargés d’améliorer son eficacité. Les experts de l’Efsa estiment ainsi qu’il est probable que les efets génotoxiques observés  dans certaines formulations contenant notamment du glyphosate soient liés aux autres constituants ou coformulants.
Comment trancher sur cete question de formulations des désherbants, dont certaines seraient cancérogènes ?
L’Efsa suggère que ce soit aux États membres d’évaluer chaque produit phytopharmaceutique, chaque formulation, commercialisé sur leur territoire.

Fan ?

 Ce matin, un message amical, qui contient la phrase :

 Je suis un de plus vos grands fans, tous vos ouvrages sont sur mon étagère ...

Initialement, j'avais répondu "Merci de votre réponse... mais ne soyez fan que de vous-même... en le méritant !", mais la question étant récurrente, il faut analyser.

Le mot "fan" est un anglicisme (abréviation de fanatic, du français "fanatique"), qui désigne une personne qui éprouve une forte admiration pour une personne, un groupe de personnes, une équipe de sport, etc.
Ce qui renvoie à "admiration", dont la définition est dans le seul dictionnaire de la langue française qui vaille, le Trésor de la langue française informatisé : "Sentiment complexe d'étonnement, le plus souvent mêlé de plaisir exalté et d'approbation devant ce qui est estimé supérieurement beau, bon ou grand." L'étymologie renforce l'idée que cette définition est juste.

Ainsi, il y aurait un sentiment d'étonnement, avec plaisir et approbation : jusque là, pourquoi pas, puisque je ne cesse de chercher à m'étonner moi-même, mes productions étant d'abord une façon de produire de la pensée, si possibile originale.

Mes livres seraient-ils "quelque chose de "supérieurement beau, bon ou grand" ? Là, j'ai plus d'inquiétude (sans fausse modestie), parce que, s'il est vrai que je me donne du mal pour les produire, s'il est vrai que j'évite des "tomes 2", je suis bien conscient d'être très  loin derrière Rabelais ou Flaubert. Or des livres doivent être jugés à l'aune de l'écriture, et l'intervalle sur lequel nous devons juger est entre 0 et Rabelais, me semble-t-il (pendant des décennies, j'avais mis Flaubert au maximum, mais la relecture de Rabelais m'a bien montré que ce dernier est considérablement plus grand... en supposant qu'il faille classer !
Oui, car faut-il classer sur une échelle linéaire ce qui est multifactoriel ? Dans des billets précédents, j'ai  discuté cette question à propos du classement imbécile des cuisiniers du monde, de sorte que la question doit être abandonnée.

Que faire, alors ? Je propose surtout d'expliquer que mes divers livres sont destinés à des amis différents : les jeunes lecteurs (pour la Casserole des enfants) ne sont pas ceux que j'ai visés, avec Mon histoire de cuisine, et Casseroles et éprouvettes ne s'adresse pas aux mêmes "amis" que La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.

Bref, s'impose un éclaircissement que  voici :




► Le premier de mes livres, Les Secrets de la casserole (Editions Pour la Science), était une volonté de montrer aimablement qu'il y a lieu de se préoccuper de science, en vue de comprendre l'activité culinaire, dans sa composante technique.






Oui, un soufflé qui ne gonfle pas n'est pas un soufflé, mais un gâteau, ou une crêpe... et il y a lieu de se demander pourquoi un soufflé gonfle ou ne gonfle pas.
Sachant que la science répond à la question « comment ça marche ? », le livre est structuré par des questions, avec des réponses aussi courtes que possibles, sans concession à la rigueur scientifique. Enfin, rigueur... Le mot est mal choisi : j'aurais dû dire « justesse », « précisions », mais pas « rigueur », car la Gourmandise s'accomode mal de rigueur...



► Le deuxième livre, Révélations gastronomiques (Editions Belin), était une réponse (à ma manière) à la demande de « recettes ».


Sachant que j'ai le plus grand mépris pour des recettes données sous la forme de protocoles qui condamnent l'exécutant au rôle de machine, il s'agissait de donner des recettes... mais en explicitant le détail de chaque geste. Il y a donc des recettes, dans ce livre, mais des recettes qui font grandir, et, en réalité, le livre est plus une discussion à propos de recettes que de recettes proprement dites.

►  Le troisième livre, La casserole des enfants, aux Editions Belin, visait... les enfant que nous sommes tous, que nous le soyons vraiment ou que nous le soyons resté. J'avais en arrière-plan deux livres que je juge importants : le Tour de France par deux enfants, et les Aventures du Petit Nicolas.



Le Tour de France par deux enfants est un ancien manuel de l'Education nationale, du temps où les instituteurs étaient des hussards noirs de la République, du temps où l'Alsace et la Lorraine venaient d'être prises par les Allemands, du temps où la Révolution industrielle faisait rage. L'histoire est celle de deux enfants, orphelins de mère, qui partent de Phalsbourg à la recherche de leur père, engagé dans l'armée française. Le lieu de départ est à la limite de l'Alsace et de la Lorraine, et, en faisant ainsi le tour de France, à la recherche de leur père, les deux enfants, deux « bons petits gars courageux », découvrent de l'histoire naturelle, de la géographie, de l'histoire, de la science, de la technologie, de la technique... Chaque épisode est une occasion de découverte, et, n'était le racisme qui fait dire à l'auteur qu'il existerait des races humaines inférieures, l'ouvrage serait à mettre entre toutes les mains. Moral, mais quel bel outil pédagogique, dans le principe !
Pour les Aventures du Petit Nicolas, c'est un petit garçon qui raconte sa vie quotidienne, avec son langage, ses mots, ses idées. Amusant, cocasse...
Et la Casserole des enfants sa été voulue comme un mélange des deux : deux enfants sont laissés seuls le soir, pendant que leurs parents sortent, et ils doivent faire la cuisine. Leurs expériences les conduisent à faire des tas de découvertes... mais aussi à remettre en question des gestes classiques. Quel bonheur quand j'ai rencontré des enfants qui avaient « vécu », vibré avec mes deux héros ! Quel bonheur quand j'ai appris qu'un groupe de professionnels des métiers de bouche avaient acquis le livre, non pas pour leurs enfants, mais pour eux-mêmes. On le voit, la jubilation de la connaissance n'a pas d'âge.



► Puis est venu le Traité élémentaire de cuisine, aux éditions Belin, qui était la mise en livre d'une « théorie du goût » que je faisais circuler, en l'augmentant régulièrement, parmi mes amis cuisiniers ou gastronomes.





Ce livre est arrivé au moment où j'ai contribué à réformer l'enseignement culinaire des lycées hôteliers, au moment où j'ai contribué à débarrasser cet enseignement de scories qui dataient d'un siècle environ, quand on avait commencé à rationnaliser la cuisine... en oubliant que, à cette fin, il fallait des explorations chimiques et physiques des phénomènes. Des « éducateurs » avaient progressivement ajouté des intuitions fausses, qui avaient fait école, et des notions fausses telles que la « concentration » ou l'  « expansion » des viandes étaient invoquées lors des examens. On confondait mousses et émulsions, on croyait à des idées introduites au hasard de l'empirisme culinaire. Le livre fut le livre de la réforme de l'enseignement culinaire, tout comme le Traité élémentaire de chimie, d'Antoine-Laurent de Lavoisier, avait été, à la fin du XVIIIe siècle, le livre de réforme de la chimie.



► Peu après, la revue Pour la Science me proposa de réunir sous la forme d'un livre les chroniques mensuelles que je rédigeais dans la revue : « Science et gastronomie ».



Le livre, intitulé Casseroles et éprouvettes (Editions Pour la Science), fut l'occasion d'une organisation, et, surtout, d'une bonne définition de la gastronomie moléculaire, la science qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation et de la consommation des mets.
Ce livre est un best seller en anglais, parce que Keanu Reeves en était fan :





►  Un de mes livres est peu connu... parce qu'il est excessivement cher. J'espère qu'aucun de mes amis ne croira que j'ai voulu m'enrichir en faisant un tel livre ! Il s'agissait d'une proposition par un éditeur de livres d'art, Jane Otmezguine, qui avait voulu faire un « objet » : le livre avait l'apparence d'un très gros livre, tiré en nombre limité, pour des collectionneurs, et il contenait des objets et des lettres écrites à mon ami Pierre Gagnaire. Six lettres gourmandes : c'était d'ailleurs le titre.



►  Puis est venu mon livre préféré, La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique (Editions Odile Jacob) : 



Le premier traité d'esthétique culinaire, à ma connaissance, dans l'histoire de la cuisine. Par « esthétique », on entend non pas l'apparence visuelle, mais le goût. En cuisine, le beau à manger, ce n'est pas le beau à voir, comme en peinture ou en sculpture, mais le bon !
Et comme un traité risquait d'être austère, je l'ai transformé en roman d'amour/policier, en l'agrémentant de « recettes » de Pierre Gagnaire. Je maintiens que ce livre, insuffisant d'un point de vue littéraire, un peu difficile (parce que l'esthétique est une branche de la philosophie), est un livre important, utile.



► Peu après, mon amie Marie-Odile Monchicourt m'interrogeais sur « ma vie, mon oeuvre »... mais peut-on imaginer que quelqu'un qui soutient que « le moi est haïssable » se laisse aller à raconter, page après page, de quelle couleur est sa brosse à dent, et autres poussières du monde ?


Cette fois,  dans Construisons un repas (Edition Odile Jacob), je décidais de tout récrire, pour gommer cet aspect personnel sans intérêt, et, plutôt, pour poursuivre la discussion esthétique, mais de façon très simple, pratique. La cuisine, en effet, c'est une construction. Une construction des matières, une construction des mets, par assemblage de matières, et une construction/enchaînement des mets en repas.
Pour rester dans l'idée de Marie-Odile Monchicourt, je me suis efforcé de tout dire très simplement. Oui, ce livre, Construisons un repas, est une sorte de manifeste du « constructivisme culinaire », mais un manifeste à l'attention de tous.



► Pendant l'écriture des deux derniers livres, nous avions des rendez-vous reguliers avec mon ami Pierre Gagnaire, face à Jacques Merles, qui était équipé d'un magnétophone. Nous discutions, séance après séance, le merveilleux traité de cuisine de Nicolas de Bonnefons, cuisinier du roi Louis XIV, et ces discussions conduisirent au livre Alchimistes aux fourneaux (Edition Flammarion).



Un « beau livre », un gros livre, avec d'extraordinaires photographies d'un photographe aussi « allumé » que Pierre Gagnaire ou que moi. Un livre où l'on trouve, de façon un peu baroque (une marque de fabrique H. This), le texte de Bonnefons, les commentaires de Pierre, mes observations, les photographies de Rip Hopkins.



►  Le mot « fourneaux », d'ailleurs, semble avoir été dans l'air, puisque la revue Pour la Science voulut publier de nouveaux textes de ma chronique Science et gastronomie, sous le titre De la science aux fourneaux :




Cette fois, le risque du tome 2 était grand ! Comment l'éviter ? Je décidais alors de construire un livre bien différent de Casseroles et éprouvettes, un livre qui doive tout à son organisation, et où les chroniques publiées dans la revue viendraient tenir leur partie dans une partition d'orchestre construite sans se fonder sur elles a priori.



► Un jeune éditeur, L'oeil Neuf,  avait alors publié un très beau livre, la Sagesse du bibliothécaire, et le succès de ce livre intelligent lui avait fait penser qu'une collection pouvait naître. Quelle belle idée que de rechercher à dégager la sagesse des métiers ! La sagesse du potier, du médecin, de l'archéologue... L'éditeur m'invita à préparer La Sagesse du chimiste.



Et je me suis beaucoup amusé à écrire un tel livre. D'abord, parce que je n'ai en réalité aucune sagesse personnelle, mais, ensuite, parce que la chimie est une science si belle qu'elle méritait une sorte d'ode !
Ce qui est également merveilleux, c'est que, lors de l'écriture de ce livre, j'ai fini par comprendre que la chimie était aujourd'hui partagée -j'espère que cela ne durera pas- entre la science et la technologie. La science : lproduction de connaissance, recherche des mécanismes des phénomènes par la méthode « scientifique ». La technologie : amélioration des techniques par l'utilisation des résultats de la science.
Et puis, ce fut l'occasion de montrer qu'il n'y aura jamais de chimie en cuisine, que l'on ne mettra pas des « produits chimiques » dans les aliments, que nos sociétés souffrent d'une sorte d' « ilchemise », pendant chimique de l'illétrisme.



► D'ailleurs, ces idées, et bien d'autres, furent utiles pour la rédaction du Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires), quelles relations ?  (Editions Quae/Belin) :



Pour ce livre, il fallait faire bien davantage que ce qui avait été fait dans la Sagesse du chimiste. L'idée fut de présenter les quelque 150 inventions que j'avais offertes à mon ami Pierre Gagnaire, chaque mois depuis dix ans, sur son site, et d'expliquer comment, comprenant bien la différence entre science et technologie, on pouvait facilement faire autant d'inventions.
Notre monde bruit de « créativité », d' « innovation », maîtres mots de l'industrie, qui permettent à des gourous auto-proclamés de vendre des recettes, des formations... Je maintiens dans ce livre que tout est question de travail, de soin, et de méthode. Le livre est un manuel de technologie générale, tel que je rêve qu'il soit utilisé dans toutes les écoles d'ingénieurs, dans tous les instituts de technologie.



► Rapidement, est alors paru le Cours de gastronomie moléculaire N°2 : Les précisions culinaires (éditions Quae/Belin).




Je suis bien certain qu'aucun de mes amis ne me fera l'injure de penser que ce livre a été bâclé... parce que, en réalité, il réunit des précisions culinaires (dictons, adages, proverbes, tours de main...) réunis depuis le 16 mars 1980 ! Cela fait plus de 30 ans, donc, que je collectionne ces objets de culture, que je les teste, que je les discute, que j'y pense... Le Cours de gastronomie moléculaire que je donne annuellement à AgroParisTech a été une merveilleuse occasion de mettre de l'ordre dans tout cela, de chercher des méthodes pour explorer ce corpus unique dont je dispose, et que je voulais mettre à la disposition de tous. Pour autant, je ne me suis pas résolu à livrer des fleurs en vrac : j'ai voulu faire un bouquet !


► Le livre sur la cuisine note à note est arrivé après mon cours, à la demande des cuisiniers qui voulaient une sorte de cours, mais le livre est un hybride entre un manifeste et un manuel. Il est lisible par tous, et j'ai pris le plus grand soin à expliquer ce qu'est un composé.
Plus exactement, après une longue introduction très générale, et qui dit l'intérêt de la cuisine note à note, on rentre dans la partie technique, en considérant les divers aspects des plats (consistances, formes, saveurs, odeurs, sensations trigéminales…) . En fin de livre, des recettes




► En 2014, un livre de synthèse, que j'espère simple, pour tous lecteurs. Quand je parle d'un composé, j'explique ce que c'est, et il doit y avoir deux ou trois formules chimiques… expliquées dans les moindres détails. Pour autant des collègues devraient être également intéressés.
Le propos ? Je reprends la cuisine historiquement… en vue d'en tirer des idées qui permettent de faire mieux. Autrement dit, il y a du spéculatif et de l'opératif, comme on dit. Un livre assez volumineux, qui considère, en fin de livre, les évolutions que  furent la cuisine moléculaire, le constructivisme culinaire, et s'achève évidemment sur la cuisine note à note. A la charnière, 14 « commandements », qui sont détaillés, en vue de mieux  cuisiner.



Fan ?

 Ce matin, un message amical, qui contient la phrase :

 Je suis un de plus vos grands fans, tous vos ouvrages sont sur mon étagère ...

Initialement, j'avais répondu "Merci de votre réponse... mais ne soyez fan que de vous-même... en le méritant !", mais la question étant récurrente, il faut analyser.

Le mot "fan" est un anglicisme (abréviation de fanatic, du français "fanatique"), qui désigne une personne qui éprouve une forte admiration pour une personne, un groupe de personnes, une équipe de sport, etc.
Ce qui renvoie à "admiration", dont la définition est dans le seul dictionnaire de la langue française qui vaille, le Trésor de la langue française informatisé : "Sentiment complexe d'étonnement, le plus souvent mêlé de plaisir exalté et d'approbation devant ce qui est estimé supérieurement beau, bon ou grand." L'étymologie renforce l'idée que cette définition est juste.

Ainsi, il y aurait un sentiment d'étonnement, avec plaisir et approbation : jusque là, pourquoi pas, puisque je ne cesse de chercher à m'étonner moi-même, mes productions étant d'abord une façon de produire de la pensée, si possibile originale.

Mes livres seraient-ils "quelque chose de "supérieurement beau, bon ou grand" ? Là, j'ai plus d'inquiétude (sans fausse modestie), parce que, s'il est vrai que je me donne du mal pour les produire, s'il est vrai que j'évite des "tomes 2", je suis bien conscient d'être très  loin derrière Rabelais ou Flaubert. Or des livres doivent être jugés à l'aune de l'écriture, et l'intervalle sur lequel nous devons juger est entre 0 et Rabelais, me semble-t-il (pendant des décennies, j'avais mis Flaubert au maximum, mais la relecture de Rabelais m'a bien montré que ce dernier est considérablement plus grand... en supposant qu'il faille classer !
Oui, car faut-il classer sur une échelle linéaire ce qui est multifactoriel ? Dans des billets précédents, j'ai  discuté cette question à propos du classement imbécile des cuisiniers du monde, de sorte que la question doit être abandonnée.

Que faire, alors ? Je propose surtout d'expliquer que mes divers livres sont destinés à des amis différents : les jeunes lecteurs (pour la Casserole des enfants) ne sont pas ceux que j'ai visés, avec Mon histoire de cuisine, et Casseroles et éprouvettes ne s'adresse pas aux mêmes "amis" que La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.

Bref, s'impose un éclaircissement que  voici :




► Le premier de mes livres, Les Secrets de la casserole (Editions Pour la Science), était une volonté de montrer aimablement qu'il y a lieu de se préoccuper de science, en vue de comprendre l'activité culinaire, dans sa composante technique.






Oui, un soufflé qui ne gonfle pas n'est pas un soufflé, mais un gâteau, ou une crêpe... et il y a lieu de se demander pourquoi un soufflé gonfle ou ne gonfle pas.
Sachant que la science répond à la question « comment ça marche ? », le livre est structuré par des questions, avec des réponses aussi courtes que possibles, sans concession à la rigueur scientifique. Enfin, rigueur... Le mot est mal choisi : j'aurais dû dire « justesse », « précisions », mais pas « rigueur », car la Gourmandise s'accomode mal de rigueur...



► Le deuxième livre, Révélations gastronomiques (Editions Belin), était une réponse (à ma manière) à la demande de « recettes ».


Sachant que j'ai le plus grand mépris pour des recettes données sous la forme de protocoles qui condamnent l'exécutant au rôle de machine, il s'agissait de donner des recettes... mais en explicitant le détail de chaque geste. Il y a donc des recettes, dans ce livre, mais des recettes qui font grandir, et, en réalité, le livre est plus une discussion à propos de recettes que de recettes proprement dites.

►  Le troisième livre, La casserole des enfants, aux Editions Belin, visait... les enfant que nous sommes tous, que nous le soyons vraiment ou que nous le soyons resté. J'avais en arrière-plan deux livres que je juge importants : le Tour de France par deux enfants, et les Aventures du Petit Nicolas.



Le Tour de France par deux enfants est un ancien manuel de l'Education nationale, du temps où les instituteurs étaient des hussards noirs de la République, du temps où l'Alsace et la Lorraine venaient d'être prises par les Allemands, du temps où la Révolution industrielle faisait rage. L'histoire est celle de deux enfants, orphelins de mère, qui partent de Phalsbourg à la recherche de leur père, engagé dans l'armée française. Le lieu de départ est à la limite de l'Alsace et de la Lorraine, et, en faisant ainsi le tour de France, à la recherche de leur père, les deux enfants, deux « bons petits gars courageux », découvrent de l'histoire naturelle, de la géographie, de l'histoire, de la science, de la technologie, de la technique... Chaque épisode est une occasion de découverte, et, n'était le racisme qui fait dire à l'auteur qu'il existerait des races humaines inférieures, l'ouvrage serait à mettre entre toutes les mains. Moral, mais quel bel outil pédagogique, dans le principe !
Pour les Aventures du Petit Nicolas, c'est un petit garçon qui raconte sa vie quotidienne, avec son langage, ses mots, ses idées. Amusant, cocasse...
Et la Casserole des enfants sa été voulue comme un mélange des deux : deux enfants sont laissés seuls le soir, pendant que leurs parents sortent, et ils doivent faire la cuisine. Leurs expériences les conduisent à faire des tas de découvertes... mais aussi à remettre en question des gestes classiques. Quel bonheur quand j'ai rencontré des enfants qui avaient « vécu », vibré avec mes deux héros ! Quel bonheur quand j'ai appris qu'un groupe de professionnels des métiers de bouche avaient acquis le livre, non pas pour leurs enfants, mais pour eux-mêmes. On le voit, la jubilation de la connaissance n'a pas d'âge.



► Puis est venu le Traité élémentaire de cuisine, aux éditions Belin, qui était la mise en livre d'une « théorie du goût » que je faisais circuler, en l'augmentant régulièrement, parmi mes amis cuisiniers ou gastronomes.





Ce livre est arrivé au moment où j'ai contribué à réformer l'enseignement culinaire des lycées hôteliers, au moment où j'ai contribué à débarrasser cet enseignement de scories qui dataient d'un siècle environ, quand on avait commencé à rationnaliser la cuisine... en oubliant que, à cette fin, il fallait des explorations chimiques et physiques des phénomènes. Des « éducateurs » avaient progressivement ajouté des intuitions fausses, qui avaient fait école, et des notions fausses telles que la « concentration » ou l'  « expansion » des viandes étaient invoquées lors des examens. On confondait mousses et émulsions, on croyait à des idées introduites au hasard de l'empirisme culinaire. Le livre fut le livre de la réforme de l'enseignement culinaire, tout comme le Traité élémentaire de chimie, d'Antoine-Laurent de Lavoisier, avait été, à la fin du XVIIIe siècle, le livre de réforme de la chimie.



► Peu après, la revue Pour la Science me proposa de réunir sous la forme d'un livre les chroniques mensuelles que je rédigeais dans la revue : « Science et gastronomie ».



Le livre, intitulé Casseroles et éprouvettes (Editions Pour la Science), fut l'occasion d'une organisation, et, surtout, d'une bonne définition de la gastronomie moléculaire, la science qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation et de la consommation des mets.
Ce livre est un best seller en anglais, parce que Keanu Reeves en était fan :





►  Un de mes livres est peu connu... parce qu'il est excessivement cher. J'espère qu'aucun de mes amis ne croira que j'ai voulu m'enrichir en faisant un tel livre ! Il s'agissait d'une proposition par un éditeur de livres d'art, Jane Otmezguine, qui avait voulu faire un « objet » : le livre avait l'apparence d'un très gros livre, tiré en nombre limité, pour des collectionneurs, et il contenait des objets et des lettres écrites à mon ami Pierre Gagnaire. Six lettres gourmandes : c'était d'ailleurs le titre.



►  Puis est venu mon livre préféré, La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique (Editions Odile Jacob) : 



Le premier traité d'esthétique culinaire, à ma connaissance, dans l'histoire de la cuisine. Par « esthétique », on entend non pas l'apparence visuelle, mais le goût. En cuisine, le beau à manger, ce n'est pas le beau à voir, comme en peinture ou en sculpture, mais le bon !
Et comme un traité risquait d'être austère, je l'ai transformé en roman d'amour/policier, en l'agrémentant de « recettes » de Pierre Gagnaire. Je maintiens que ce livre, insuffisant d'un point de vue littéraire, un peu difficile (parce que l'esthétique est une branche de la philosophie), est un livre important, utile.



► Peu après, mon amie Marie-Odile Monchicourt m'interrogeais sur « ma vie, mon oeuvre »... mais peut-on imaginer que quelqu'un qui soutient que « le moi est haïssable » se laisse aller à raconter, page après page, de quelle couleur est sa brosse à dent, et autres poussières du monde ?


Cette fois,  dans Construisons un repas (Edition Odile Jacob), je décidais de tout récrire, pour gommer cet aspect personnel sans intérêt, et, plutôt, pour poursuivre la discussion esthétique, mais de façon très simple, pratique. La cuisine, en effet, c'est une construction. Une construction des matières, une construction des mets, par assemblage de matières, et une construction/enchaînement des mets en repas.
Pour rester dans l'idée de Marie-Odile Monchicourt, je me suis efforcé de tout dire très simplement. Oui, ce livre, Construisons un repas, est une sorte de manifeste du « constructivisme culinaire », mais un manifeste à l'attention de tous.



► Pendant l'écriture des deux derniers livres, nous avions des rendez-vous reguliers avec mon ami Pierre Gagnaire, face à Jacques Merles, qui était équipé d'un magnétophone. Nous discutions, séance après séance, le merveilleux traité de cuisine de Nicolas de Bonnefons, cuisinier du roi Louis XIV, et ces discussions conduisirent au livre Alchimistes aux fourneaux (Edition Flammarion).



Un « beau livre », un gros livre, avec d'extraordinaires photographies d'un photographe aussi « allumé » que Pierre Gagnaire ou que moi. Un livre où l'on trouve, de façon un peu baroque (une marque de fabrique H. This), le texte de Bonnefons, les commentaires de Pierre, mes observations, les photographies de Rip Hopkins.



►  Le mot « fourneaux », d'ailleurs, semble avoir été dans l'air, puisque la revue Pour la Science voulut publier de nouveaux textes de ma chronique Science et gastronomie, sous le titre De la science aux fourneaux :




Cette fois, le risque du tome 2 était grand ! Comment l'éviter ? Je décidais alors de construire un livre bien différent de Casseroles et éprouvettes, un livre qui doive tout à son organisation, et où les chroniques publiées dans la revue viendraient tenir leur partie dans une partition d'orchestre construite sans se fonder sur elles a priori.



► Un jeune éditeur, L'oeil Neuf,  avait alors publié un très beau livre, la Sagesse du bibliothécaire, et le succès de ce livre intelligent lui avait fait penser qu'une collection pouvait naître. Quelle belle idée que de rechercher à dégager la sagesse des métiers ! La sagesse du potier, du médecin, de l'archéologue... L'éditeur m'invita à préparer La Sagesse du chimiste.



Et je me suis beaucoup amusé à écrire un tel livre. D'abord, parce que je n'ai en réalité aucune sagesse personnelle, mais, ensuite, parce que la chimie est une science si belle qu'elle méritait une sorte d'ode !
Ce qui est également merveilleux, c'est que, lors de l'écriture de ce livre, j'ai fini par comprendre que la chimie était aujourd'hui partagée -j'espère que cela ne durera pas- entre la science et la technologie. La science : lproduction de connaissance, recherche des mécanismes des phénomènes par la méthode « scientifique ». La technologie : amélioration des techniques par l'utilisation des résultats de la science.
Et puis, ce fut l'occasion de montrer qu'il n'y aura jamais de chimie en cuisine, que l'on ne mettra pas des « produits chimiques » dans les aliments, que nos sociétés souffrent d'une sorte d' « ilchemise », pendant chimique de l'illétrisme.



► D'ailleurs, ces idées, et bien d'autres, furent utiles pour la rédaction du Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires), quelles relations ?  (Editions Quae/Belin) :



Pour ce livre, il fallait faire bien davantage que ce qui avait été fait dans la Sagesse du chimiste. L'idée fut de présenter les quelque 150 inventions que j'avais offertes à mon ami Pierre Gagnaire, chaque mois depuis dix ans, sur son site, et d'expliquer comment, comprenant bien la différence entre science et technologie, on pouvait facilement faire autant d'inventions.
Notre monde bruit de « créativité », d' « innovation », maîtres mots de l'industrie, qui permettent à des gourous auto-proclamés de vendre des recettes, des formations... Je maintiens dans ce livre que tout est question de travail, de soin, et de méthode. Le livre est un manuel de technologie générale, tel que je rêve qu'il soit utilisé dans toutes les écoles d'ingénieurs, dans tous les instituts de technologie.



► Rapidement, est alors paru le Cours de gastronomie moléculaire N°2 : Les précisions culinaires (éditions Quae/Belin).




Je suis bien certain qu'aucun de mes amis ne me fera l'injure de penser que ce livre a été bâclé... parce que, en réalité, il réunit des précisions culinaires (dictons, adages, proverbes, tours de main...) réunis depuis le 16 mars 1980 ! Cela fait plus de 30 ans, donc, que je collectionne ces objets de culture, que je les teste, que je les discute, que j'y pense... Le Cours de gastronomie moléculaire que je donne annuellement à AgroParisTech a été une merveilleuse occasion de mettre de l'ordre dans tout cela, de chercher des méthodes pour explorer ce corpus unique dont je dispose, et que je voulais mettre à la disposition de tous. Pour autant, je ne me suis pas résolu à livrer des fleurs en vrac : j'ai voulu faire un bouquet !


► Le livre sur la cuisine note à note est arrivé après mon cours, à la demande des cuisiniers qui voulaient une sorte de cours, mais le livre est un hybride entre un manifeste et un manuel. Il est lisible par tous, et j'ai pris le plus grand soin à expliquer ce qu'est un composé.
Plus exactement, après une longue introduction très générale, et qui dit l'intérêt de la cuisine note à note, on rentre dans la partie technique, en considérant les divers aspects des plats (consistances, formes, saveurs, odeurs, sensations trigéminales…) . En fin de livre, des recettes




► En 2014, un livre de synthèse, que j'espère simple, pour tous lecteurs. Quand je parle d'un composé, j'explique ce que c'est, et il doit y avoir deux ou trois formules chimiques… expliquées dans les moindres détails. Pour autant des collègues devraient être également intéressés.
Le propos ? Je reprends la cuisine historiquement… en vue d'en tirer des idées qui permettent de faire mieux. Autrement dit, il y a du spéculatif et de l'opératif, comme on dit. Un livre assez volumineux, qui considère, en fin de livre, les évolutions que  furent la cuisine moléculaire, le constructivisme culinaire, et s'achève évidemment sur la cuisine note à note. A la charnière, 14 « commandements », qui sont détaillés, en vue de mieux  cuisiner.